Voici la 14e publication offerte dans le cadre des 75 jours confinés des Editions L’Epitoge. Il s’agit d’un extrait du 24e livre de nos Editions dans la collection L’Unité du Droit, publiée depuis 2012.
L’extrait choisi est celui de l’article de M. Alexandre CHARPY à propos de l’émission Mariés au premier regard. L’article est issu de l’ouvrage qu’il a codirigé Jeu(x) & Droit(s).
Cet ouvrage forme le vingt-quatrième
volume issu de la collection « L’Unité du Droit ».
Volume XXIV :
Jeu(x) & Droit(s)
Ouvrage collectif sous la direction de
Alexandre Charpy, Valentin Garcia,
Charlotte Revet & Rémi Sébal
– Nombre de pages : 160
– Sortie : octobre 2019
– Prix : 29 €
– ISBN / EAN : 979-10-92684-35-3
/ 9791092684353
-ISSN : 2259-8812
Les jeux de l’amour
et du hasard[1] :
réflexions sur l’émission
de téléréalité
« Mariés au premier regard »
Alexandre Charpy
Doctorant en droit privé,
Université de Toulouse 1 Capitole,
Institut de droit privé (Idp)
Comme chantait Renaud[2], « on choisit ses copains, mais rarement sa famille ». Néan-moins, s’il y a bien un membre de sa famille que l’on choisit, en principe, c’est le conjoint. L’émission de téléréalité « Mariés au premier regard » met en scène des personnes acceptant de se marier avec des inconnus.
Le mariage
peut-il être un jeu ? Le Vocabulaire
juridique[3] le définit comme l’ « [u]nion légitime d’un homme et d’une femme en vue de vivre en commun et de
fonder une famille, un foyer (désigne l’institution même du mariage) ».
Cette définition doit cependant être tempérée depuis que le législateur a
ouvert l’union matrimoniale aux couples de personnes de même sexe. En tant qu’institution[4], sa nature semble s’opposer, intuitivement, à tout
rapprochement avec le jeu, intuition confirmée par ces paroles de Cambacérès : « [l]es hommes deviendront plus attentifs et
moins trompeurs, lorsqu’ils verront que des promesses faites par le sentiment
ne sont plus un jeu, et qu’ils sont tenus de tous les devoirs de la paternité
envers les enfants qu’ils auront signalés comme le fruit d’un engagement
contracté sous la double garantie de l’honneur et de l’amour[5] ».
Le jeu est,
au sens premier du terme, l’« [a]ction
de jouer ; ce qui se fait par esprit de gaieté et par amusement », une
« [a]ctivité à laquelle on se livre
pour s’amuser, se divertir, sans qu’il y ait aucun enjeu[6] ». Il est possible d’affirmer, intuitivement,
que le mariage est rarement conclu dans le seul but de se divertir, mais plutôt
en vue de fonder une famille, il existe donc bien un enjeu. Par ailleurs, les
juristes sont hostiles au jeu, activité autrefois considérée comme immorale en
raison des excès qu’il engendre. Certains auteurs notent à propos du contrat de
jeu qu’ « [i]l faut […] mettre à part le jeu et le pari : ce
ne sont pas vraiment des contrats. Ces activités relèvent du hasard, de l’amusement,
d’un autre système de valeur que le droit[7] ». Le droit est donc une affaire sérieuse
alors que le jeu ne l’est pas.
Un
rapprochement entre mariage et jeu semble néanmoins être intéressant, à travers
l’étude de l’émission de téléréalité « Mariés
au premier regard » dont M6 a produit et diffusé trois saisons[8]. Le principe de l’émission est le suivant :
deux personnes acceptent de se rendre à la cérémonie de leur mariage sans s’être
jamais rencontrées avant. Ces deux candidats ont, avant cela, passé des tests
de personnalité, censés déterminer qui ils sont, et ce qui les attire chez l’autre.
La production de l’émission assimile d’ailleurs souvent les couples ainsi
formés à un pourcentage de compatibilité, calculé par une équipe de
« spécialistes », équipe qui commente l’aventure des candidats en
continu. Si le couple formé par le mariage ne correspond pas aux attentes de l’un
des époux, la voix off précise qu’ils
devront divorcer – sans préciser selon quelles modalités. A ce stade, une
précision s’impose : il s’agit de véritables mariages, célébrés par un
officier de l’état civil, qui porte l’écharpe tricolore. Interviewé par Le Figaro[9], le maire de Grans, qui célèbre les mariages
depuis la première saison, a affirmé que les mariages étaient réguliers sur la forme,
notamment la publication des bans[10]. Pour autant, les époux sont censés ne jamais s’être
rencontrés avant le jour de la cérémonie : il paraît dès lors surprenant
que jusqu’alors, aucun candidat n’ait eu l’idée d’aller consulter les panneaux
d’affichage de la mairie en question pour faire quelques recherches sur leur
futur bien-aimé (à leur place, l’auteur de ces lignes l’aurait fait…). Aucune
stipulation contractuelle entre le producteur et le candidat ne saurait d’ailleurs
l’interdire, les bans étant justement une mesure de publicité.
L’intérêt du
droit pour la téléréalité n’est pas nouveau. La Cour de cassation a déjà eu à
connaître, à plusieurs reprises, de litiges opposant des candidats à ces
émissions avec les sociétés qui les produisaient, quant à l’existence de
contrats de travail[11], hésitant parfois avec la qualification de contrat
de jeu[12]. La période précédant la formation du mariage ne
peut cependant pas entrer dans le champ contractuel, quelle que soit la nature
du contrat. Tout d’abord, les fiançailles n’ont aucune valeur juridique, et ce
« afin que fût sauvegardée jusqu’au
bout la liberté de chacun[13]». Elles ne constituent qu’un engagement moral.
Cependant, l’auteur de la rupture peut, dans certains cas, être considéré comme
fautif : les juges font application de la théorie de l’abus de droit, et
peuvent à ce titre retenir sa responsabilité du fait personnel. La
jurisprudence foisonne d’exemples[14]. Dès lors, aucun lien de nature contractuelle, que
ce soit entre les candidats à l’émission de téléréalité, ou entre eux et la
société de production, ne saurait empêcher d’exercer cette liberté de ne pas se
marier. Aucun scénario ne peut être imposé, par exemple concernant la venue à
la mairie pour la célébration, ni, a
fortiori, concernant le « oui »
matrimonial.
La même
réflexion peut être étendue au divorce : le droit français n’admet pas la
répudiation. Dès lors, les époux ne sauraient renoncer à leur droit de refuser
de divorcer. Un éventuel contrat avec la production ne peut donc contraindre
les époux à accepter de divorcer si l’autre le désire. Aucune disposition de
nature contractuelle ne peut donc porter sur la conclusion mariage, régie par
des normes d’ordre public.
Si le
mariage ne peut pas être un jeu, l’analogie peut être intéressante sous deux
aspects. Tout d’abord, nous traiterons de la question de l’aléa (I). L’intérêt du jeu réside, outre dans l’éventuel talent du
joueur, dans l’aléa qui provoque le plaisir. Or, en principe, le mariage n’est
pas un contrat aléatoire. Si l’on ne connaît jamais parfaitement la personne
que l’on épouse, l’aléa est tout de même très réduit. D’ailleurs l’erreur dans
la personne ou sur les qualités essentielles de la personne peut vicier le
consentement d’un époux, ce qui justifiera la nullité du mariage. Si l’aléa
chasse l’erreur, et si le mariage était considéré comme un contrat aléatoire,
aucune erreur ne saurait être admise.
Deuxièmement,
l’intérêt de cette réflexion résidera dans l’étude de l’enjeu du mariage. Nous l’avons dit, le jeu se caractérise par le
fait que l’activité d’amusement n’a, en principe, pas d’enjeu, ou du moins il n’est
pas important. Or, le mariage crée des enjeux non négligeables : même si
sa dimension institutionnelle tend à s’atténuer, les époux s’engagent à des
devoirs impératifs, que nous détaillerons. Le mariage donne notamment la
qualité d’héritiers réservataires aux époux, ce qui peut produire des effets
sur la dévolution successorale. Or, l’émission étudiée rend perplexe sur les
enjeux du mariage : la voix off insiste
sur le fait que les candidats vont peut-être prendre un engagement important –
sans expliquer en quoi il l’est – en affirmant que c’est un véritable mariage,
pour capter l’attention du téléspectateur. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de
cette émission ! Des mariages simulés, joués,
ne séduiraient pas tant, et soulèveraient d’ailleurs moins de questions.
Pourtant, le simple fait que des personnes acceptent de se marier avec un
inconnu conduit à s’interroger sur l’enjeu du mariage : outre le fait qu’il
soit probablement méconnu, n’est-il pas devenu disproportionné, eu égard à ce
que certains auteurs qualifient de contractualisation de l’institution
matrimoniale ? (II).
I. Le jeu du mariage : le hasard
Rares sont ceux qui peuvent affirmer parfaitement
connaître la personne qu’ils épousent. L’autre peut, fort heureusement, encore
réserver bien des surprises après la formation du mariage. Le droit n’a bien
évidemment eu à connaître que des mauvaises surprises. Si le dol n’est pas
admis, parce que les mensonges font partie du jeu de la séduction[15], le
législateur a prévu le cas de l’erreur[16]. L’article
180 du Code civil admet aujourd’hui deux sortes d’erreurs : l’erreur
« dans la personne » et l’erreur
« sur les qualités essentielles de
la personne ».
L’erreur dans la personne s’entend comme l’erreur
sur l’identité de l’époux, identité physique ou civile. En 1975, le législateur
a inséré dans le Code civil l’erreur sur les qualités essentielles de la
personne[17], alors que
les juges l’avaient refusée dans le célèbre arrêt Berthon[18], affaire
dans laquelle « la Cour de cassation
[…] avait rejeté l’action en nullité
intentée par une fille de bonne famille qui avait, sans le savoir, épousé un
forçat libéré[19] ». La
jurisprudence a pu préciser les contours de cette notion. La plus fameuse de
ces affaires étant celle dans laquelle un homme avait découvert que son épouse
n’était pas vierge le jour de la célébration du mariage, ce qui heurtait ses
convictions religieuses. Le Tgi de
Lille avait prononcé la nullité du mariage, retenant une erreur sur les
qualités essentielles, parce que cette erreur avait été déterminante du
consentement de l’époux[20]. La cour d’appel
de Douai a infirmé cette décision, au motif que « en toute hypothèse le mensonge qui ne porte pas sur une qualité
essentielle n’est pas un fondement valide pour l’annulation d’un mariage. Tel
est particulièrement le cas quand le mensonge prétendu aurait porté sur la vie
sentimentale passée de la future épouse et sur sa virginité, qui n’est pas une
qualité essentielle en ce que son absence n’a pas d’incidence sur la vie
matrimoniale[21] ». Au
critère subjectif de l’erreur – elle doit avoir été déterminante du
consentement de l’errans – la cour
ajoute donc un critère objectif : l’erreur doit avoir une incidence sur la
vie matrimoniale, et donc concerner un aspect important du mariage.
Mais l’erreur peut-elle être admise si les époux ne
se connaissaient pas avant la célébration de leur union ? Un parallèle
avec le droit commun des contrats semble intéressant, et notamment avec le
fameux arrêt Fragonard[22], dans
lequel la Cour de cassation avait considéré, concernant une œuvre d’art, que
« ainsi accepté de part et d’autre,
l’aléa sur l’authenticité de l’œuvre avait été dans le champ contractuel ;
qu’en conséquence, aucune des deux parties ne pouvait alléguer l’erreur en cas
de dissipation ultérieure de l’incertitude commune, et notamment pas le vendeur
ni ses ayants-cause en cas d’authenticité devenue certaine ». L’analogie
avec le mariage semble donc intéressante, même s’il n’est pas un contrat de
droit commun et qu’il n’est bien entendu pas question d’authenticité. Par
ailleurs, la mobilisation de notions de droit des contrats concernant la
formation du mariage n’est pas nouvelle, les vices du consentement en sont un
exemple. Cela peut s’expliquer par le fait que « l’on considère le mariage comme une institution ayant à sa base, sinon
un contrat, du moins, notion plus large – un acte juridique, un accord de
volontés[23] ». S’il
est possible de voir l’acte juridique fondateur du mariage comme un contrat, il
ne semble pas y avoir d’obstacle à lui appliquer les règles du droit commun des
contrats concernant l’erreur, sauf bien entendu si le juge en a décidé
autrement, eu égard à la nature particulière du mariage. Il convient par
ailleurs de relever que la réforme du droit des obligations retient désormais l’erreur
sur les qualités essentielles de la prestation – et non plus sur la substance
de la chose – ou du cocontractant, ce qui renforce l’intérêt de l’analogie avec
l’erreur sur les qualités essentielles du conjoint, tout en prenant en compte
la prudence que nécessite la distinction entre les personnes et les choses[24].
Les époux acceptent-t-ils un aléa ? L’aléa
peut se définir, dans le langage juridique comme un « [é]lément de hasard, d’incertitude qui
introduit, dans l’économie d’une opération, une chance de gain ou de perte pour
les intéressés et qui est l’essence de certains contrats[25] ».
Cette définition renvoie à d’autres occurrences, comme celles de fortune ou de
jeu. Plus précisément, l’aléa est un « événement
de réalisation ou de date incertaine dont les parties à une convention
acceptent de faire dépendre le montant de tout ou partie de leurs prestations
réciproques de telle sorte qu’il soit impossible de savoir, avant complète
exécution, s’il y aura un bénéficiaire ou qui ce sera[26] ».
Entendue ainsi, la notion d’aléa semble surtout concerner des opérations de
nature financière : le joueur, le cocontractant, espère retirer un
bénéfice en valeur de la formation du contrat. Concernant l’émission de
téléréalité, l’aléa ne porte pas sur de telles considérations, mais directement
sur la personne que le candidat va épouser d’une part, et sur le succès
sentimental de l’opération d’autre part.
Outre le fait que l’aléa porte ici sur le futur
époux, c’est-à-dire que l’intuitu
personae est la condition de réussite, les futurs époux sont réunis par des
« experts », deux
psychologues et une sexologue[27]. Dès lors,
les connaissances scientifiques sont-elles suffisamment avancées pour
déterminer avec certitude la compatibilité amoureuse et la durabilité d’une
relation[28] ? Si
tel est le cas, l’appréhension de l’aléa pourrait être bien différente !
Les tests passés par les candidats ont de quoi impressionner : outre les
questionnaires qu’ils remplissent pour renseigner leurs préférences, ils
écoutent les voix préenregistrées d’autres candidats – une voix que nous
jugerions insupportable pourrait avoir raison de n’importe quelle relation…
– ; ils sentent des vêtements portés par d’autres candidats pendant
plusieurs jours, bien entendu avec interdiction de mettre du parfum ou du
déodorant, parce que nous serions plus attirés – ou moins incommodés – par
certaines odeurs corporelles… Pour autant, au moins l’un des experts a perdu de
sa crédibilité lors de la parution d’un article de 20 Minutes[29], dans
lequel le lecteur apprend que le sociologue de l’émission gagnerait sa vie en
apprenant notamment à ses clients à « dresser
les femmes », ce qui laisse perplexe sur ses compétences scientifiques[30]. En outre,
si les tests passés par les candidats semblent démontrer une évolution dans la
connaissance de la chimie amoureuse, l’observation des résultats permet d’émettre
des doutes sur leur efficacité : au cours de la première saison, quatre
couples ont été formés. Deux ont refusé de se marier[31]. Les deux
autres ont conclu leur mariage, mais ont divorcé plus tard. La deuxième saison
semblait se terminer sur une note plus optimiste, puisque les cinq couples
formés par les « experts »
ont accepté de se marier. Quatre ont décidé de rester mariés à la fin de l’ « expérience ». Ils sont néanmoins
aujourd’hui tous divorcés[32] ! L’émission
a été diffusée à l’automne 2017, les mariages probablement conclus l’été précédent,
ce qui laisse perplexe sur la longévité de ces unions.
Donc, si l’on se fie aux résultats obtenus, les
probabilités de réussite sont très faibles – proches de zéro. D’autant plus si
l’on se réfère aux statistiques en matière de divorce[33] : en
2016, pour 100 000 couples mariés, 41 ont divorcé dans l’année suivant le
mariage, soit beaucoup moins que les candidats de l’émission. Les tests passés
par les candidats ne semblent donc garantir aucune compatibilité amoureuse.
La conclusion qui peut être tirée de ces résultats
est que ces tests, ces « experts », ne sont rien d’autre qu’un
produit marketing, destiné à séduire
les potentiels téléspectateurs[34]. Si la
science permet de déterminer quelques
paramètres ayant une influence sur le bon fonctionnement d’une relation
sentimentale, il reste que le sentiment amoureux est encore tout à fait
inconnu, et donc que l’aléa qu’acceptent
les candidats est extrêmement important, puisque si l’on se fie aux statistiques
après deux saisons, ils ont 0% de chances de rester mariés[35]…
Dès lors, il semble qu’aucune erreur ne puisse être
invoquée par les époux : ils se sont mariés avec des personnes
parfaitement inconnues, sans certitude du fonctionnement de leur union. Les
futurs époux sont assurés que l’autre est âgé de plus de vingt-cinq ans, il est
probablement du sexe opposé, et c’est tout ! Pour que l’erreur soit
retenue, il faut pouvoir se prévaloir d’une appréciation fausse de la réalité,
ici la réalité n’est pas mal appréciée, elle est totalement inconnue, et le
mariage a été conclu malgré tout. Le consentement n’est donc pas vicié.
II. L’enjeu du mariage : l’amour
Le cadre institutionnel du mariage semble s’opposer
à toute analogie avec le jeu. N’est-il pas néanmoins devenu un moyen d’atteindre
le bonheur en institutionnalisant, en montrant à tous, une relation d’amour (A) ? La nature de ce
pari n’est-elle pas incompatible avec l’institution matrimoniale (B) ?
A. Un pari sur l’amour
Nous souhaitons, avant toute chose, revenir sur la
définition du jeu que donne le dictionnaire de l’Académie française. Il s’agirait
d’une activité à laquelle on se livre, sans qu’il y ait le moindre enjeu. Il
convient de tempérer cette information. La littérature nous fournit des
exemples de jeux aux enjeux important. Nous prendrons pour exemple le joueur
décrit par Stefan Zweig qui joue
pour rembourser ses dettes[36]. Pour cela,
il doit emprunter de l’argent. Il gagne rapidement de quoi rembourser ses
dettes, mais pris par la passion du jeu, il continue jusqu’à tout perdre de
nouveau, et ses dettes s’accroissent ainsi. Il finit par se suicider. Le jeu
peut donc avoir un enjeu important. Un auteur[37] relève
également que « [c]elui qui joue à
la roulette russe est clairement dans un autre état d’esprit que celui qui joue
avec un petit élastique ou fait un bon mot. […] Les idées de plaisir, d’amusement, de joie, qui sont le plus souvent
associées au comportement ludique, semblent difficilement compatibles avec le
stress de celui qui va presser la détente ». Peut-on encore parler de
jeu ?
Concernant le mariage, nous ne nous marions plus
exclusivement pour des raisons patrimoniales, ni pour procréer, le mariage
étant ouvert aux couples de personnes de même sexe. Tout d’abord, le mariage
est parfois le résultat d’une pression sociale forte, qu’elle émane de la
famille ou du cercle d’amis. Les candidats de l’émission « Mariés au premier regard » semblent
avant tout motivés par le fait qu’ils estiment anormal de ne pas encore avoir
rencontré l’amour à leur âge, et voient l’émission comme leur dernière chance de réussir à rencontrer une
personne avec qui ils puissent fonder une relation stable. Le mariage, présenté
par l’émission, est donc vu comme un moyen
de stabiliser une relation naissante.
Dans la grande majorité des situations, les futurs
époux souhaitent donner un cadre à une relation d’amour[38]. L’amour ne
reçoit pas de définition unanime. Pour Hannah Arendt,
c’est une relation dans laquelle deux êtres incomplets cherchent leur complétude
dans l’autre pour ne former qu’un tout. Cette complétude et cette fusion
disparaissent avec la naissance d’un enfant, qui s’interpose nécessairement
entre les deux amants[39]. Alain l’assimile partiellement au
bonheur : « [a]ussi n’y a-t-il rien
de plus profond dans l’amour que le serment d’être heureux. Quoi de plus
difficile à surmonter que l’ennui, la tristesse ou le malheur de ceux que l’on
aime ? Tout homme et toute femme devraient penser à ceci que le bonheur, j’entends
celui que l’on conquiert pour soi, est l’offrande la plus belle et la plus
généreuse[40] ». Les
juristes peinent à saisir l’amour, car il « est, de nature, étranger-au-monde et c’est pour cette raison plutôt que
pour sa rareté qu’il est non seulement apolitique, mais même antipolitique – la
plus puissante, peut-être, de toutes les forces antipolitiques[41] ». L’amour
est un sentiment très personnel, qui n’est pas quantifiable, et très fuyant.
Dès lors, le seul amour semble impropre à fonder le mariage en tant qu’institution,
parce que l’institution poursuit justement un but politique, social[42]. L’amour n’a
rien de social, il ne concerne que les deux amants. La notion de volonté serait probablement plus
satisfaisante pour saisir le lien des époux, même si elle n’est pas synonyme de
l’amour. Mais la seule volonté ne suffit pas non plus à expliquer la nature
institutionnelle du mariage. Ce qui permet de définir le mariage comme une
institution, ce sont les règles constituant le régime primaire impératif, aux
articles 212 et suivants du Code civil, parce que les époux ne peuvent y
déroger, même par un commun accord[43]. Mais le
seul fait d’adhérer au statut légal préétabli d’époux ne suffit pas à établir l’intention
matrimoniale, c’est-à-dire « l’intention
de fonder une famille[44] ».
Dès lors, le mariage peut-il être réduit à un moyen
de fonder une relation d’amour ? Les candidats ont-ils réellement l’intention
de fonder une famille avec l’inconnu(e) qu’ils épousent ? Rien n’est moins
sûr… D’ailleurs, cette utilisation du mariage comme moyen de se rencontrer, ou
comme un contrat de courtage matrimonial, a de quoi choquer, eu égard à la
dimension solennelle du mariage qui ressort du Code civil. Dans ce cas, les
mariages conclus dans le cadre de l’émission pourraient probablement être
considérés comme nuls.
L’émission étudiée et l’instrumentalisation du
mariage à des fins commerciales qu’elle implique pose la question suivante :
l’institution matrimoniale est-elle toujours en accord avec les mœurs ?
Nous aspirons sans cesse à une plus grande liberté. Ce désir de liberté semble
incompatible avec le cadre matrimonial. Il devient donc urgent pour les
juristes de (re)découvrir ce qui fonde aujourd’hui le mariage, au risque de le
voir se confondre avec le Pacs et
de disparaître. La notion d’institution pose beaucoup de difficultés aux
juristes, parce qu’on n’en retient pas de définition précise. Majoritairement,
la doctrine s’accorde pour dire que la dimension institutionnelle du mariage
réside en ce que « fruit par
excellence de la volonté des époux au moment de sa conclusion, il échappait
largement à celle-ci dès l’instant où il s’agissait d’en déterminer les
principaux effets et les modes de dissolution[45] ». Une remarque nous vient cependant :
les effets juridiques du mariage n’expliquent pas la raison de sa nature institutionnelle. Il est possible de déterminer
la nature d’une notion à partir de ses effets quand il y a une cohérence d’ensemble.
Or, concernant le mariage, c’est le désordre
qui semble régner, probablement parce qu’il est difficile de saisir ce qui le
justifie[46]. Non fondée
sur la procréation, non fondée sur l’amour, la légitimité de l’institution
matrimoniale nous est invisible : alors que le législateur a maintenu la
forme solennelle du mariage, son caractère public, alors qu’il a créé un statut
d’héritier réservataire au conjoint survivant[47], alors qu’il
a maintenu le devoir de fidélité, alors que la jurisprudence lui porte un
regard moins hostile[48], il n’en a
pas moins facilité la rupture de l’union, notamment par simple convention
homologuée par un notaire[49].
B. Un pari incompatible avec la nature institutionnelle du
mariage
Les producteurs de l’émission, bien que mettant en
avant l’audace des candidats à contracter un lien si fort avec une personne
inconnue, omettent de préciser les conséquences du mariage, n’hésitant pas,
parfois, à mentir en les minimisant[50]. Outre le
fait qu’il crée un lien familial – en raison de la nature institutionnelle du
mariage – il institue l’époux comme héritier réservataire[51], la réserve
héréditaire étant d’ordre public[52]. Dès lors,
peu importe que le mariage ait été conclu avec un parfait inconnu, si l’un des
époux décède au cours du mariage, l’autre aura droit à une part de la
succession du de cujus.
Il est en revanche peu probable que le juge accorde
une prestation compensatoire[53] à l’occasion
du divorce, vu la courte durée de l’union[54]. Sur la
question d’une faute éventuelle, le juge en apprécie souverainement l’existence :
là encore, eu égard à la durée de l’union et aux conditions dans lesquelles
elle a été conclue, il est peu probable que le juge la retienne.
En revanche, la difficulté peut naître dans la
possibilité elle-même de divorcer. Le droit civil français ne reconnaît pas la
répudiation, c’est-à-dire la révocation unilatérale du lien matrimonial. Seules
quatre formes de divorces sont permises : le divorce par consentement
mutuel, le divorce dit « accepté »,
le divorce pour altération définitive du lien conjugal, et le divorce pour
faute. Cette dernière possibilité est difficilement envisageable, nous l’avons
dit. Pour ce qui est du divorce par consentement mutuel et du divorce accepté,
l’accord de principe des deux époux est nécessaire. Or, il n’est pas impossible
que l’un des deux époux, par simple désir de nuisance, refuse de
divorcer ! Ainsi, quelles que soient les conditions dans lesquelles le
mariage a été contracté, si l’un des époux refuse de divorcer, la seule option
restante est le divorce pour altération définitive du lien conjugal,
nécessitant, pour être retenu, une séparation de fait d’au moins deux ans[55] ! Il
convient également de relever, à titre de remarque, que la vie commune est une
obligation du mariage. Dès lors, l’époux quittant le domicile conjugal commet
une faute au sens de l’article 242 du Code civil, là encore souverainement
appréciée par les juges du fond.
Un décalage apparaît donc entre ce qu’attendent les
candidats de l’émission du mariage qu’ils concluent, et sa dimension
institutionnelle en ce qu’il crée un lien familial. Ce sont justement ces
effets de droit, imposés aux futurs époux, qui rendent le mariage incompatible
avec le jeu. L’institution matrimoniale se caractérise par sa durabilité par
rapport aux volontés personnelles. En contraignant les époux à une procédure de
divorce pour sortir du mariage, les règles du Code civil invitent à la
réflexion avant de contracter un tel engagement. L’intention matrimoniale
supposerait donc l’intention de créer un lien familial, et donc un lien durable.
Or, les candidats de l’émission font valoir qu’en cas d’échec de leur relation,
ils divorceront. La voix off informe
d’ailleurs qu’au terme de l’expérience, qui dure à peine quelques semaines, les
époux devront décider s’ils souhaitent rester mariés ou divorcer. Le divorce
éventuel est donc programmé, ou du moins envisagé, avant la conclusion du
mariage.
Surtout, le mariage est qualifié, par la voix off et par les candidats, d’expérience, dérivée du latin expiri, « faire l’essai de[56] ». Or,
le mariage nécessitant une intention matri-moniale, l’intention se définit
juridiquement comme la « résolution
intime d’agir dans un certain sens[57] ». Ainsi,
le fait de faire l’essai du mariage,
c’est-à-dire d’en faire l’« [é]preuve, expérience ou expérimentation par
laquelle on s’assure […] de la valeur
d’une théorie ou d’un procédé[58] » est par nature incompatible avec toute forme de résolution
intime : le scientifique qui fait une expérience n’est pas certain d’agir
dans le bon sens, il attend le résultat pour en avoir la certitude. Un mariage à l’essai est donc nécessairement
incompatible avec une quelconque intention
matrimoniale.
Par conséquent, il est possible de considérer que
le mariage n’est pas valable, en raison de l’absence d’intention matrimoniale.
Selon une jurisprudence de la Cour de cassation bien établie[59], « le mariage est nul, faute de consentement,
lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu’en vue d’atteindre un
résultat étranger à l’union matrimoniale ». Les candidats de l’émission
cherchent uniquement l’amour, qui est étranger à l’institution matrimoniale. La
nullité absolue du mariage pourrait donc être soulevée par toute personne qui y
a un intérêt[60]. Peut-être
que de nombreux futurs mariés se consolent d’un éventuel mauvais choix en
songeant au divorce. Dans le cas de l’émission « Mariés au premier regard », les futurs époux extériorisent
cette possibilité, et la font valoir devant des millions de téléspectateurs.
Les juges auraient donc la preuve irréfutable de cette absence d’intention
matrimoniale.
Les membres de la famille des futurs époux,
notamment les parents, souvent dévastés par le fait que leur progéniture
participe à une telle émission, pourraient donc former une opposition au mariage,
sur le fondement de l’article 173 du Code civil pour les ascendants. La loi ne
fixe pas de limites quant aux motifs de l’opposition des parents, elle doit
néanmoins être fondée sur un motif tiré des conditions de formation du mariage.
Dès lors, les parents semblent pouvoir former une opposition aux mariages
conclus dans l’émission « Mariés au
premier regard », sous réserve de l’appréciation souveraine des juges
du fond.
On choisit ses copains, mais rarement sa famille.
On ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas sa belle-famille – ni, a fortiori, son beauf’ – mais on choisit
la personne que l’on épouse. Les jeunes générations souffriraient du trop grand
choix qui s’offre à elles, notamment à cause des applications de rencontre qui
nous permettent d’entrer en contact avec beaucoup de personnes. Plus nous
aurions de choix, plus nous serions malheureux, par peur de faire le mauvais[61]. Il est
encore préférable de mal choisir, plutôt que de laisser quelqu’un d’autre le
faire à notre place, d’autant plus si cette tierce personne est une société de
production dont la priorité n’est pas le bonheur sentimental de ses candidats,
mais le nombre de téléspectateurs.
Peut-être faut-il, enfin, accepter que la science
et le progrès de la connaissance ne peuvent pas résoudre toutes les grandes
questions. S’il est préférable de bien connaître la personne que l’on épouse,
il est peut-être tout aussi souhaitable de continuer à se rencontrer par
hasard, le bonheur n’en est alors que plus vif. C’est ce dont Silvia témoigne
dans la pièce de Marivaux :
« vous avez fondé notre bonheur pour la vie en me laissant faire, c’est
un mariage unique, c’est une aventure dont le seul récit est attendrissant,
c’est le coup du hasard le plus singulier, le plus heureux, le plus[62]… ».
[1] Marivaux,
Le jeu de l’amour et du hasard.
[2] Renaud,
« Mon beauf ».
[3] G. Cornu
(dir.), Vocabulaire juridique, 11e
éd., Ahc, Paris, Puf, coll. Quadrige, 2016, v. « Mariage », p. 645.
[4] Ibid.,
v. « Institution », p. 557 : « En un sens général et large, éléments constituant la structure
juridique de la réalité sociale ; ensemble des mécanismes et des
structures juridiques encadrant les conduites au sein d’une collectivité ».
[5] Discours préliminaire de Cambacérès au Conseil des Cinq-cents in P-A. Fenet,
Recueil complet des travaux préparatoires
du Code civil, t. 1, p. 148.
[6] Dictionnaire
de l’Académie française, 9e éd., v. « Jeu »,
https://academie.atilf.fr/9/.
[7] Ph. Delebecque,
F. Collart Dutilleul, Contrats
civils et commerciaux, Paris, Dalloz, 11e éd., coll. Précis,
2019, p. 26.
[8] La troisième saison est en cours de diffusion
au moment où ces lignes sont rédigées.
[9] « Le maire de « Mariés au premier regard » : « Je ne suis pas là pour savoir s’ils s’aiment ou pas » », Le Figaro, 21 nov. 2016,
http://tvmag.lefigaro.fr/programme-tv/le-maire-de-maries-au-premier-regard-je-ne-suis-pas-la-pour-savoir-s-ils-s-aiment-ou-pas-_3a811bd0-afca-11e6-8924-aaf6bf1e52ea/.
[10] C. civ., art. 63.
[11] Cass. soc., 3 juin 2009, n° 08-40981 à
08-40983 / 08-41712 à 08-41714 : Rldi,2009, n° 50, p. 48, note
L. Costes, Ssl,2009,
n° 1403, p. 3, note A. Fossaert-Sabatier ;
Ssl,
n° 1411, p. 11, note A. Fossaert-Sabatier ;
Jcp
G.,2009, n° 25,
p. 35 ; Jcp G., n° 37, p. 37, note D. Feldman ; Jcp S.,2009, n° 25, p. 3, note P.-Y.
Verkindt ; Lexbase Hebdo – Ed. sociale, 2009,
n° 355, note Ch. Radé ; D.,2009, n° 23, p. 1530, note M. Serna ;
D., n° 37, p. 2517,
note B. Edelman ; Jsl,2009,
n° 258, p. 9, note M. Hautefort ;
Rlda,2009, n° 40, p. 55, note S. Darmaisin ; Rtd. com. 2009,
n° 3, p. 623, note F. Pollaud-Dulian ;
Gaz. Pal.,2009, n° 186-188, p. 12 ; Jcp E.,2009, n° 28-29, p. 33, note
B. Thouzellier ; Lpa,2009,
n° 152, p. 12, note L. Cantois ;
Lpa., n° 168, p. 7, note C-M. Simoni ; Rjs,2009,
n° 8, p. 615 ; Ds,2009, n° 9-10, p. 930, note
Ch. Radé ; Rdt,2009,
n° 9, p. 507, note G. Auzero ;
Do,2009,
n° 734, p. 405, note F. Heas ;
Rc,2009,
n° 2009/4, p. 1407, note Ch. Neau-Leduc ;
Csbp,2009,
n° 214, p. 250, note F-J. Pansier ;
Cce, 2010, n° 1, p. 27, note Ph. Stoffel-Munck ; Rdlf, 2009, chron. n° 12, comm. N. Baruchel.
[12] Cass. soc., 25 juin 2013, n° 12-13968 et
12-17660 : Lexbase Hebdo – Ed.
sociale,2013, n° 536, note
Ch. Rade ; Csbp,2013,
n° 255, p. 345, note J. Icard ;
Jsl,2013,
n° 350, p. 16, note F. Lalanne ;
Rjs,2013,
n° 10, p. 585 ; Jcp S.,2013, n° 40, p. 22, note Th. Lahalle ; Rdt,2013, n° 10, p. 622, note D. Gardes ; Rlda,2013,
n° 88, p. 40, note V. Monteillet ;
Do,
2014, n° 787, p. 99, note A. Mazières ;
Auteurs & Media, 2014, n° 1,
p. 18, note V. Gutmer ;
Cass. soc., 4 février 2015, n° 13-25621, 13-25622, 13-25623, 13-25624,
13-25625 et 13-25626 : Legipresse,2015, n° 325, p. 146 ; RjS, 2015,
n° 4, p. 227 ; Rdt,2015, n° 4, p. 252, note B. Géniault ; Jurisart, 2015, n° 27, p. 42, note X. Aumeran.
[13] J. Carbonnier,
Droit civil, t. 1., 2e éd., Paris,
Puf, coll. Quadrige, 2017,
p. 1148.
[14] Par ex : Cass. civ., 1e, 4
mars 1964 : « il avait “au
dernier moment brutalement rompu” la promesse de mariage ainsi faite à la jeune
fille, sous le “prétexte que sa famille ne voulait pas de ce mariage”, sans
pouvoir “articuler à (son) encontre aucun reproche valable, tandis que l’ayant
abusée gratuitement… Son comportement vis-à-vis d’elle revêt le caractère
d’une négligence ou d’une imprudence telle que celles visées à l’article 1383
du code civil” » ; Cass. civ., 2e, 18 janv. 1973,
n° 71-13001 : « faisant
suite à des lettres dans lesquelles rien ne laissait apparaitre un conflit de
tempéraments ou de caractère, rendant souhaitable la rupture entre deux êtres
qui n’étaient pas faits l’un pour l’autre, Janicot avait envoyé à sa fiancée, à
laquelle il avait promis le mariage et qui était enceinte de ses œuvres, une
lettre de rupture ne contenant aucun fait précis ;[…] Que la cour d’appel observe que la simple
affirmation, par Janicot, d’une divergence sur le plan moral et sur celui du
caractère, sans autres précisions, pour expliquer la rupture des fiançailles,
ce après avoir eu avec demoiselle Y… suivies, après l’avoir présentée à sa
famille, après lui avoir fait des promesses de mariage et avoir fixé, dans sa
correspondance, une date proche de mariage, ne suffit pas à justifier ce
comportement ; […] Alors
qu’aucun grief ou motif pour ne pas réaliser cette union n’est démontré par
Janicot, qui a agi avec caprice ou légèreté, voire avec déloyauté et perfidie ».
[15] Selon l’adage de Loysel, « En
mariage trompe qui peut ».
[16] La violence est également admise. Néanmoins,
malgré la présence des caméras et l’instabilité émotionnelle évidente des
candidats de l’émission, il semble difficile de l’admettre, la jurisprudence
l’ayant reconnue dans des situations extrêmes. D’ailleurs, tout mariage
n’est-il pas porteur d’incertitudes et de pressions … ?
[17] L.
n° 75-617, 11 juill. 1975.
[18] Cass. ch.
réunies, 24 avr. 1862, S. 1862, I,
341 ; D.,1862, I, 153.
[19] J. Carbonnier,
op. cit., p. 1172.
[20] Tgi
Lille, 1er avr. 2008 : D.,2008. 1389, note X. Labbee ; D., 2008, pan. 1788, obs. J-J. Lemouland et D. Vigneau ; Jcp G., 2008, II.
10122, note G. Raoul-Cormeil ;
Aj
Fam., 2008, p. 300, obs. F. Chenede ;
Rjpf,2008-7-8/10,
note F. Dekeuwer-Defossez ; Rldc,2008/51,
n° 3063, note C. Bernard-Xemard ;
Rldc,
n° 3066, obs. G. Marraud des
Grottes ; Rtd. civ. 2008, p. 455, obs. J. Hauser.
[21] CA Douai, 17 nov. 2008 : D.,2008, p. 2938, obs. V. Egea ;
D., 2010, pan. 728, obs. J-J. Lemouland et D. Vigneau ; Jcp G., 2009, I. 102, n° 1,
obs. A. Gouttenoire ; Gaz. Pal.,2008, p. 3783, note
E. Pierroux ; Aj
fam.,2008, p. 479, obs. F. Chenede ; Dr. fam.,2008,
p. 167, obs. V. Larribau-Terneyre ;
Jcp
G., 2008, II. 10005, note Ph. Malaurie ;
Rjpf
2009-1/26, note A. Leborgne ;
Rldc
2008/55, n° 3228, obs. G. Serra ;
ibid. 2009/57, n° 3304, note F. Dekeuwer-Defossez ; Rtd.
civ. 2009, p. 98, obs. J. Hauser.
[22] Cass. civ., 1e, 24 mars
1987 : D.,1987, p. 489, note J-L. Aubert ;
Jcp
G., 1989, II. 21300, note M-F. Vieville-Miravete.
[23] J. Carbonnier,
op. cit., p. 1141.
[24] Sur ce point, Madame Dekeuwer-Défossez notait en 2008 que « [l]es rapprochements qui ont pu être faits
entre l’annulation du mariage pour défaut de virginité et l’annulation d’autres
contrats n’ont pas seulement été inélégants et injurieux ; ils ont surtout
montré que la notion de “qualité”,
pertinente lorsqu’on acquiert un bien ou lorsqu’on effectue un investissement,
n’a rien à faire avec le choix d’une personne. De ce point de vue, la rédaction
du Code de 1804, n’évoquant que l’erreur “dans la personne”, était beaucoup plus respectueuse de la
dignité inhérente à tout être humain, qui ne saurait être défini par ses “qualités”» (F. Dekeuwer-Défossez, « Les sept
voiles de la mariée », Rjpf, 2008,n° 7-8).
[25] G. Cornu, op. cit., p. 53.
[26] Ibid.
[27] Qui a par ailleurs quitté la troisième
saison.
[28] Sur cette question, v. E. Lecomte, « Mariés au premier regard : peut-on vraiment trouver l’amour grâce
à la science ? », Sciences
et avenir, 14 nov. 2016.
[29] « “Mariés
au premier regard” : L’expert en amour qui donne des conseils pour
“séduire les petites sal****” », 20
Minutes, 7 nov. 2016,
https://www.20minutes.fr/television/1953671-20161107-maries-premier-regard-expert-amour-donne-conseils-seduire-petites-sal.
[30] Il n’est d’ailleurs intervenu qu’au cours de
la première saison.
[31] L’un des deux couples présentait un taux de
compatibilité de 87%…
[32] Il convient d’ailleurs de noter que des
couples se sont formés entre candidats après le tournage de l’émission, mais
ces couples ne sont pas ceux qui avaient été formés par les
« experts ». V. en ce sens : « Surprise ! Emma de
Mariés au premier regard a trouvé l’amour… avec un autre
candidat ! », Téléstar, 10
décembre 2018, consulté le 28 mai 2019 (https://www.telestar.fr/tele-realite/autres-emissions/surprise-emma-de-maries-au-premier-regard-a-trouve-l-amour-avec-un-autre-candida-395206) ;
« “Mariés au premier regard” : Tiffany et Justin, en couple malgré
M6 », Le Parisien, 13 novembre
2017, consulté le 28 mai 2019
(http://www.leparisien.fr/culture-loisirs/tv/maries-au-premier-regard-tiffany-et-justin-en-couple-malgre-m-6-13-11-2017-7389003.php).
[33] V. site internet de l’Insee : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381502.
[34] La plateforme de replay de M6 présente d’ailleurs les vidéos de l’émission dans sa
rubrique « Divertissements ».
[35] La présente contribution ayant été présentée
au cours d’une journée d’études en octobre 2018, cette statistique doit être
revue légèrement à la hausse, puisque parmi les couples formés par les experts
de la troisième saison, diffusée en février 2019, un couple serait toujours
marié : « Mariés au premier
regard : les six couples de la saison 3 sont-ils toujours
ensemble ? », lefigaro.fr,
2 avril 2019
(http://tvmag.lefigaro.fr/programme-tv/maries-au-premier-regard-les-six-couples-de-la-saison-3-sont-ils-
toujours-ensemble_ec6af0be-5540-11e9-b11d-b90b43d16f3d/).
[36] S. Zweig,
« Vingt-quatre heures de la vie d’une femme » in Romans, nouvelles et récits, Paris, Gallimard, coll.
bibliothèque de la Pléiade n° 587, 2013.
[37] S. Chauvier,
Qu’est-ce qu’un jeu ?, Vrin,
coll. Chemins philosophiques, p. 14.
[38] Monsieur Cornu
a d’ailleurs écrit qu’« [i]l est raisonnable d’interdire à une
impubère, mais non à un centenaire puisqu’on peut s’aimer à tout âge et que,
pour lors, le mariage est seulement plus près du ciel que de la terre »
(G. Cornu, « L’âge
civil », in Mél. P. Roubier,
t 2, Dalloz & Sirey, 1961, p. 9).
[39] H. Arendt,
Condition de l’homme moderne,
Calmann-Lévy, coll. Agora, 1994, p. 308.
[40] Alain,
Propos sur le bonheur, Gallimard,
coll. Folio/essais, 1928, p. 210.
[41] H. Arendt, op. cit., p. 309.
[42] D. Fenouillet,
« Du mythe de l’engendrement au mythe de la volonté » in La famille en mutation, Apd, t. 57, 2014, p. 40 :
« l’amour ne peut fonder seul un
lien juridique car il renvoie à une notion insaisissable, multiforme et
ambivalente. La vocation du droit à pénétrer un tel registre est en outre
douteuse, ce pour diverses raisons : ineffectivité et illégitimité du
juridique dans un domaine où règnent la morale, la religion, le non-droit ».
[43] D. Fenouillet,
« La contractualisation de la famille ? » in B.Basdevant-Gaudemet (dir.), Contrat ou Institution : un enjeu de
société, Paris, Lgdj, coll.
Systèmes, 2004, p. 104 : « Coste-Floret
proposa de substituer un autre sens, plus technique et moins politique, celui
de statut légal. L’institution est alors un statut déterminé par la loi auquel
le sujet se borne à adhérer, sans pouvoir en déterminer le contenu, les effets… ».
[44] M. Lamarche,
Rép. civ. Dalloz, v. « Mariage », n° 64.
[45] M-Th. Meulders,
« L’évolution du mariage et le sens de l’histoire : de l’institution
au contrat, et au-delà » in Le droit
de la famille en Europe, Pus,
coll. Publications de la Maison des Sciences de l’Homme de Strasbourg,
n° 7, 1992, p. 218.
[46] J. Garrigue,
Droit de la famille, 1e
éd., Dalloz, coll. Hypercours, 2015, p. 49 : « [a]u cours des dernières décennies, les
innombrables réformes du droit de la famille ont en effet radicalement
transformé l’union conjugale. Or elles ont souvent été adoptées pour répondre à
des besoins ponctuels et sans que les parlementaires s’interrogent suffisamment
sur les fonctions de l’institution matrimoniale […]. Dans ces conditions, ces dernières sont devenues assez
incertaines ; on ne les discerne plus qu’à grand peine ».
[47] L. n° 2001-1135, 3 déc. 2001, relative
aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant
diverses dispositions de droit successoral.
[48] V. par exemple : Cass. civ., 1e,
17 déc. 2015, n° 14.29549 : Rldi,2016, n° 122, p. 21, note L. Costes ; Légipresse, 2016, n° 334, p. 8 ; Lexbase Hebdo – Ed. privée générale,2016, n° 641, note M-A. Cochard ; Rpdp,2016,
n° 1, p. 141, note A. Lepage ;
D.,2016, p. 277, pan. E. Dreyer ;
Gaz. Pal.,2016, n° 8, p. 31, note. F.
Fourment ; Rjpf,2016, n° 3, p. 14, note E. Fragu ; Rldc,2016,
n° 135, p. 41, note M. Desolneux ;
Dr. fam.,2016, n° 3, p. 1, note H. Fulchiron ; Dr.
fam., 2016, n° 3, p. 39, note J-R. Binet ; Jcp G.,2016, n° 11, p. 505, note A. Latil ; Jcp G., 2016, n° 38,
p. 1723, chron. A. Gouttenoire et
M. Lamarche ; Jcp
G., 2016, n° 46, p. 2101, chron. B.
Beignier ; D.,2016, n° 13, p. 724, note E. Raschel ; Dp,2016,
n° 6, p. 29, chron. O. Mouysset ;
D.,2016, n° 23, p. 1334, pan. J-J. Lemouland et D. Vigneau.
[49] C. civ., art. 229-1, créé par la loi
n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe
siècle.
[50] La voix off
affirme que « s’ils décident de
divorcer, ils ne se devront rien l’un à l’autre » (saison 1, épisode
2, 15’ et saison 2, épisode 2, 12’).
[51] C. civ.,
art. 912 et s.
[52] Cass.
civ., 1e, 22 févr. 1977, Bull.
civ. I, n° 100.
[53] C. civ., art. 270.
[54] Le juge doit en effet prendre en compte la
durée du mariage aux termes de l’article 271 du code civil.
[55] C. civ., art. 238.
[56] Dictionnaire
de l’Académie française, 9e éd.,
v. « Expérience », https://academie.atilf.fr/9/.
[57] G. Cornu
(dir.), Vocabulaire juridique, 11e
éd., Ahc, Paris, Puf, coll. Quadrige, 2016, v. « Intention », p. 562.
[58] Dictionnaire
de l’Académie française, 9e éd., v. « Essai »,
https://academie.atilf.fr/9/.
[59] Cass.
Civ., 1e, 20 nov. 1963, Appietto,
Bull. civ. I, n° 506 : D.,1964, p. 465, note G. Raymond ;
Jcp
G., 1964, II. 13498, note J. Mazeaud ;
Rtd.
civ.,1964, 286, obs. Desbois ; Cass. civ., 1e, 1er
juin 2011 : Dalloz actualité, 15
juin 2011, obs. J. Burda (« [n]ullité du mariage qui a poursuivi un but contraire
à l’essence même du mariage, à savoir obtenir un titre de séjour sur le
territoire français sans intention de créer une famille et d’en assumer les
charges »).
[60] Cass. civ., 1e, 6 janv. 2010,
n° 08-19500.
[61] V. notamment sur ce sujet :
« Trouver l’amour en ligne ? Ça, c’était avant… la lassitude face aux
applis de rencontre est arrivée », Atlantico,
2 novembre 2016, consulté le 28 mai 2019 (« Face à l’océan des possibilités relationnelles, à portée de clic, ils
oscillent entre espoir qui dope et immense fatigue qui noie l’individu sous le
fardeau du choix devenu impossible par excès de possibles ») ;
« Tinder, Happen : “Les applis de la séduction n’aident pas à se
fixer” », Le Figaro, 14 février
2015, p. 8 (« Cet immense vivier
incite à penser que l’on peut toujours trouver mieux que la dernière rencontre
et donne le goût à la consommation. Face à une infinité de possibles, il est
plus difficile de se consacrer à quelqu’un. Aujourd’hui, on cherche une
aiguille dans une botte de foin ») ; « Couple : “Les
trentenaires sont persuadés qu’il y a toujours mieux ailleurs” », Madame Figaro, site web, consulté le 28
mai 2019 (« Qui dit “30 ans” dit
souvent engagement, appartement et enfants. Pourtant, il ne serait plus si
facile pour les trentenaires de se mettre en couple. Une instabilité amoureuse
qui résulterait d’une société en mouvement, mais aussi des réseaux sociaux et
des applications de rencontre, qui auraient tendance à nous faire croire que
l’herbe est toujours plus verte chez le voisin… ou la voisine »).
[62] Marivaux,
Le jeu de l’amour et du hasard, Gallimard, coll. Folio/théâtre, 1994,
rééd. 2006, p. 116.
Nota Bene : le présent ouvrage est diffusé par les Editions Lextenso.
Vous pouvez donc vous le procurer directement auprès de notre diffuseur ou dans toutes les bonnes librairies (même virtuelles).