Archives de catégorie Académique (collection violette)

ParEditions L'Epitoge (Collectif l'Unité du Droit)

« LE PARLEMENT, ECRAN AU CARRE ? » par le pr. Guy Carcassonne

Voici la 25e publication offerte dans le cadre des 75 jours confinés des Editions L’Epitoge. Il s’agit d’un extrait du 7e livre de nos Editions dans la collection L’Unité du Droit, publiée depuis 2012 : Le Parlement aux écrans !

Au sein de ce opus, nous avons choisi de publier les conclusions à ce colloque du regretté professeur Guy Carcassonne.

En voici les détails techniques ainsi qu’une présentation :

Volume VII :
Le Parlement aux écrans !

Ouvrage collectif
(Direction : Mathieu Touzeil-Divina)

– Sortie : automne 2013 / Prix : 39 €

  • ISBN : 979-10-92684-01-8
  • ISSN : 2259-8812


Présentation :

Le présent ouvrage est le fruit d’un colloque qui s’est déroulé à l’Université du Maine le 05 avril 2013 dans le cadre de la 2ème édition des « 24 heures du Droit ». Co-organisé par le Collectif L’Unité du Droit et le laboratoire Themis-Um (ea 4333), il est dédié à la mémoire du professeur Guy Carcassonne qui fut l’un des membres de son conseil scientifique et dont l’allocution de clôture est ici reproduite in extenso en hommage. Le colloque « Le Parlement aux écrans ! » (réalisé grâce au soutien de l’Assemblée Nationale ainsi qu’avec le concours des chaînes parlementaires Public Sénat & Lcp-An) s’est en effet proposé de confronter le droit parlementaire et ses acteurs à tous les écrans : de communication(s), informatiques, réels ou encore de fiction(s). Comment les délégués d’une Nation (en France mais aussi à l’étranger) sont-ils incarnés et / ou représentés dans et par les écrans ? Les médias leur sont-ils singuliers ? L’existence de chaînes à proprement parler « parlementaires » est-elle opportune et efficiente ? En particulier, comment y est gérée la question du pluralisme et de l’autonomie financière ? Comment le cinéma, la fiction et finalement aussi peut-être le grand public des citoyens perçoivent-ils le Parlement et ses acteurs, leurs rôles, leurs moyens de pression ? Y cède-t-on facilement à l’antiparlementarisme ? Comment y traite-t-on des enjeux et des phénomènes parlementaires historiques et / ou contemporains ? Quelle y est la « mise en scène » parlementaire ? Existe-t-il, même, un droit de ou à une télévision camérale ?

Telles sont les questions dont le présent colloque a traité avec la participation exceptionnelle du maestro Costa-Gavras, de parlementaires (dont le Président Delperee et la députée Karamanli), d’administrateurs des Chambres, de journalistes caméraux et directeurs de chaînes, d’universitaires renommés (dont les professeurs Benetti, Ferradou, Guglielmi, Hourquebie, Millard, de Nanteuil, Touzeil-Divina et Mmes Gate, Mauguin-Helgeson, Nicolas & Willman) ainsi que d’étudiants des Universités du Maine et de Paris Ouest.

« Les juristes (…) et les politistes s’intéressent à cette scène particulière [le Parlement] avec intelligence, distance et humour. Ils ne laissent jamais indifférents lorsqu’ils donnent un sens à l’action des politiques sur cette scène originale. Ils interprètent, c’est un trait des juristes, les positions des politiques et leur façon de se mouvoir entre eux devant les citoyens. Plus encore ils donnent à voir les relations que les écrans, la fiction, a et entretient avec une réalité qui ressemble, elle-même, à une scène. Il y a un effet de miroir et de lumières très original que le cinéma n’est pas / plus seul à donner. Pour le comprendre il faut lire l’ensemble des contributions de ce colloque original, intelligent et libre, et qui rend plus intelligent et plus libre ».   Costa-Gavras

Colloque réalisé et ouvrage publié avec le concours du Collectif L’Unité du Droit, du groupe SRC de l’Assemblée Nationale ainsi que du laboratoire juridique Themis-Um.

« Le Parlement, Ecran au carre ? »
Allocution de clôture au colloque « Le Parlement aux écrans ! »
par M. le Professeur Guy Carcassonne

Le 05 avril 2013, à l’Université du Maine, le pr. Guy Carcassonne nous avait fait l’honneur de clôturer la 2nde édition des « 24 heures du Droit ». Membre du comité scientifique qui avait permis à cette manifestation de se matérialiser, il avait prononcé avec la verve et le talent qu’on lui connaît les mots suivants[1] :

Le Parlement : écran au carré ?

« Je vais déjà commencer par me singulariser de tous mes préopinants en ne remerciant pas Mathieu Touzeil-Divina. Non, je ne peux pas lui dire merci, parce qu’il me force à prendre la parole en dernier, à un moment où nous sommes ensemble depuis plus de huit heures, et où il me faut commencer par rendre hommage à votre endurance ; mais à ne pas en abuser ! Alors rassurez-vous, de toute façon, j’ai un train à prendre, donc je ne risque pas de m’étendre trop longuement dans ce propos terminal. Propos terminal, c’est là un second motif pour ne pas remercier Mathieu. Je ne sais pas véritablement ce qu’est l’objet car évidemment dans le temps qui m’est imparti pour des raisons ferroviaires, et que je veux demeurer limité pour des raisons humanitaires, je ne pourrai pas faire une synthèse d’une journée aussi riche. Faute de cela, je vais me borner à quelques remarques que m’ont inspirées les propos que j’ai entendus, et éventuellement quelques réflexions personnelles que je pourrais avoir sur le sujet.

La première pour dire que, cela a été évoqué mais à demi-mot seulement, nous sommes dans une situation curieuse : « Le Parlement aux écrans ». Qu’est-ce qu’un écran si ce n’est le lieu d’une représentation ? Et qu’est-ce qu’un Parlement si ce n’est le lieu d’une autre représentation ?

Donc nous sommes là sur de la représentation au carré… De l’écran au carré. Le Parlement est un écran, il est supposé être celui qui reflète, quel que nom qu’on lui donne, la volonté nationale, la souveraineté populaire, les citoyens ou le suffrage universel, peu importe. Donc, oui, la représentation nationale est bien une représentation. Alors comment peut-on représenter la représentation ? On en arrive à ce qui a été évoqué ce matin, mais dans un autre contexte, à une forme de mise en abîme qui, évidemment, ne peut que laisser perplexe. Perplexe aussi pour ceux qui connaissent, peut-être mieux que d’autres, pour les avoir pratiqués, les us et coutumes parlementaires, et plus généralement d’ailleurs l’exercice du pouvoir.

J’ai eu la chance, indépendamment de ma carrière universitaire, de fréquenter des lieux de pouvoir, beaucoup au Parlement, un peu au Gouvernement. Et chaque fois qu’ensuite, et je sais n’être pas le seul dans ce cas, j’ai vu des films, des séries, des téléfilms, peu importe, français, j’ai toujours trouvé qu’ils sonnaient faux, qu’il manquait quelque chose. Même lorsqu’ils étaient très bien faits, lorsqu’ils étaient riches, lorsque le scénario était intéressant, lorsqu’ils relataient quelque chose de passionnant (par exemple La séparation), il manquait toujours quelque chose. Il y avait quelque chose de profondément infidèle. Donc je me suis parfois demandé pourquoi. Je suis arrivé à une réponse qui est assez fruste mais pas forcément fausse.

Qu’est ce qui fait du bon cinéma ? Je ne suis pas un cinéphile averti mais comme tout le monde je vais au cinéma (moins souvent d’ailleurs que tout le monde) ; enfin je regarde quand même pas mal de choses, j’aime ça. En outre, ce que je vais dire relève exclusivement du droit commun. .Ce qui fait du bon cinéma, de bons écrans, c’est une bonne histoire, une bonne lumière, un bon décor, une bonne musique, une bonne mise en scène, de bons acteurs et de bons dialogues. Alors, comment trouver tout cela au Parlement ?

De bonnes histoires, il y en a beaucoup. Mais, il faut le reconnaitre, ce ne sont pas toujours des histoires très drôles. En plus, ce sont, cinquième République et fait majoritaire aidant, très rarement des histoires à rebondissements. Le seul rebondissement consiste tout simplement à ce que la loi, adoptée un jour, est abrogée quelques années plus tard, avant d’être reprise quelques années après. Enfin, c’est un rebondissement qui peut très facilement lasser le téléspectateur et qui, de toute façon, serait assez difficile à scénariser. Il y a de belles histoires au Parlement, des grands moments. Il y a de grands moments humains et parfois même de grands moments politiques. Tout cela pourrait être parfaitement cinématographique mais ça ne va pas de soi et ce n’est pas le tout-venant, évidemment, de la réalité parlementaire.

Une bonne lumière, c’est encore plus difficile. Aussi bien à l’Assemblée Nationale qu’au Sénat, il y a une lumière blême, blafarde. D’ailleurs, c’est techniquement très difficile ce qui y est réalisé. L’objectif est de faire en sorte qu’en séance de jour ou en séance de nuit, on ne perçoive pas la différence. De fait on ne la perçoit pas. Mais, évidemment, esthétiquement c’est assez appauvrissant. Pour un réalisateur ce serait un peu frustrant.

Le décor. Il est plutôt joli, plutôt pas mal, aussi bien à l’Assemblée Nationale qu’au Sénat, aussi bien dans l’hémicycle qu’en dehors. Mais enfin, il est un peu statique. Surtout, d’un film à l’autre, il ne change pas beaucoup. Alors, évidemment, suivant les époques, on peut masquer les micros, écarter la modernité. Donc on peut à la rigueur avoir une chambre troisième République, une chambre quatrième République, une chambre cinquième République…Et encore. Mais enfin, on ne peut pas dire qu’on a le sentiment que le décorateur a été spécialement inspiré et pourrait aspirer ni à un César, ni à un Oscar.

La musique n’en parlons pas, il n’y en a pas. Alors vous me direz, il n’y a pas non plus de musique dans les plaines du Far-West et néanmoins on en met sur les images que l’on diffuse. Mais on ne voit pas très bien quelle musique pourrait coller à quelles images. Tout dépend bien évidemment du reste : la lumière, l’histoire, etc.

La mise en scène est quand même très codée. Elle aussi est extrêmement répétitive. Alors certes, on peut imaginer un réalisateur qui manie le talent avec une inventivité et une créativité admirables. Il n’empêche que, au bout du compte, il y aura toujours des gens assis et l’un d’entre eux qui est debout, peut-être deux, qui plus est au même endroit, figés, sans bouger, enfin, en faisant quelques mouvements de bras. Mais sans s’éloigner exagérément du micro car sinon on ne les entend plus… Est-ce bête ? Donc les ressources de la mise en scène sont quand même assez pauvres. Ça ne facilite pas les choses.

De grands acteurs… Il y en a… Peu. Je fréquente le Parlement depuis 1978 (c’est-à-dire un petit peu avant Mathusalem). En trente-six ans, j’ai entendu, allez, trois ou quatre très bon orateurs. Il y avait Maurice Faure, il y avait Aimé Césaire… Ce ne sont pas les plus grandes carrières. J’ai le regret de dire qu’il y avait Jean-Marie Le Pen. Mais c’est à peu près tout. Parfois François Mitterrand mais pas souvent parce qu’il ne se donnait pas beaucoup de mal à l’Assemblée nationale. Il réservait son talent à d’autres enceintes. En dehors, j’oublie certainement un ou deux noms, ça oscille entre le médiocre et l’insupportable. Alors vous me direz qu’il faut de grands talents pour arriver à jouer un orateur médiocre ou insupportable ; mais c’est assez peu réjouissant. Celui qui monte à la tribune pour ânonner un discours intégralement écrit (généralement ce n’est pas forcément du Bossuet), qui baisse les yeux en permanence, qui est tout simplement dérouté par n’importe quelle interruption qui est faite, n’est pas une figure à laquelle on ait envie de s’attacher, de s’identifier… Et certainement pas un bon matériau cinématographique ou audiovisuel d’une manière générale. Donc il y a un vrai problème de ce côté-là.

Surtout, il y a la difficulté majeure, ce sont les dialogues. Tout à l’heure, l’un des orateurs a fait référence, de manière très amusante au demeurant, aux Tontons flingueurs donc à Michel Audiard. Cela suffit, rien qu’à citer son nom, à évoquer les merveilles de ce que sont de bons dialogues. Mais par définition, à l’Assemblée nationale et au Sénat, il ne peut pas y avoir de dialogues. Il n’y a pas, il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais de dialogues. Il y a des débats. Mais que sont des débats si ce n’est une suite de monologues ? C’est une suite de monologues, dont chacun dure deux, trois, quatre minutes, souvent plus d’ailleurs dans les débats historiques, qui sont exactement aux antipodes de ce qu’est un échange, de ce qu’est un dialogue avec ce qu’il implique de vivacité, de tac-au-tac, de capacité de réaction, de créativité, de jaillissement. Tout cela est purement et simplement interdit, techniquement interdit par le genre parlementaire. Les plus grands débats de la troisième, de la quatrième, de la cinquième République, ceux dont l’Assemblée a publié d’ailleurs des recueils extrêmement intéressants, qui ont été absolument prodigieux, extraordinaires, sont fascinants et éclairants à lire. Ils seraient insupportables à filmer, ou plus exactement à regarder filmés. Car, sauf à ce que, là encore, les comédiens soient spécialement inspirés pour les prononcer de la même manière que les orateurs avaient pu le faire, ce serait beaucoup trop long. Chaque intervention serait trop longue. Et évidemment, la durée de toutes les interventions pour respecter leur intégrité les rend insusceptibles d’être montrées. Ou alors il faudrait des films aussi longs que les séances elles-mêmes donc ça n’a pas de sens.

Je crois donc tout simplement que les sources de la frustration occasionnelle que je ressens chaque fois que je vois le Parlement à l’écran tiennent tout simplement à des raisons techniques, objectives. Longtemps, sans doute dans l’inconscience de ma jeunesse – c’était peut-être aussi la suffisance de la jeunesse -, j’incriminais l’inexpérience du pouvoir qu’avaient les scénaristes, les réalisateurs ou les metteurs en scène. A la vérité, non. Elle est beaucoup plus simple. Ce sont des éléments techniques qui, selon moi, rendent largement le genre parlementaire incompatible avec le genre cinématographique. Il y a évidemment des exceptions et nous en avons parlé tout au long de la journée mais, comme par hasard ce sont des exceptions dans lesquelles le Parlement joue un rôle éminent mais extraordinairement restreint quant à la durée de ce qui en est montré.

Non, décidément, le Parlement ne se prête pas à l’écran. Du coup, il est finalement assez compréhensible que le cinéma ne s’intéresse pas exagérément au Parlement ou en tout cas pas assidûment. Et après tout, ça nous rassure, car cela peut donner à penser que, contrairement à une idée reçue, le Parlement ne fait pas tant de cinéma que cela ».


[1] Le style oral de la contribution a été sciemment et volontairement conservé afin que l’on puisse ainsi quasiment « entendre » l’orateur s’exprimer. La retranscription du texte a été réalisée par M. Antonin Gelblat. Mercis à lui ainsi qu’au professeur Julie Benetti pour ses relectures. MTD.


Nota Bene
:
le présent ouvrage est diffusé par les Editions Lextenso. Vous pouvez donc vous le procurer directement auprès de notre diffuseur ou dans toutes les bonnes librairies (même virtuelles).

ParEditions L'Epitoge (Collectif l'Unité du Droit)

Le pacte faustien du droit administratif (par le pr. F. Melleray)

Voici la 24e publication offerte dans le cadre des 75 jours confinés des Editions L’Epitoge. Il s’agit d’un extrait des 8e & 9e livres de nos Editions dans la collection « Académique » :

les Mélanges en l’honneur
du professeur Jean-Louis Mestre.

Mélanges qui lui ont été remis
le 02 mars 2020

à Aix-en-Provence.

Vous trouverez ci-dessous une présentation desdits Mélanges.

Ces Mélanges forment les huitième & neuvième
numéros issus de la collection « Académique ».

En voici les détails techniques ainsi qu’une présentation :

Volumes VIII & IX :
Des racines du Droit

& des contentieux.
Mélanges en l’honneur du professeur Jean-Louis Mestre

Ouvrage collectif

– Nombre de pages : 442 & 516

– Sortie : mars 2020

– Prix : 129 € les deux volumes.

ISBN / EAN unique : 979-10-92684-28-5 / 9791092684285

ISSN : 2262-8630

Mots-Clefs :

Mélanges – Jean-Louis Mestre – Histoire du Droit – Histoire du contentieux – Histoire du droit administratif – Histoire du droit constitutionnel et des idées politiques – Histoire de l’enseignement du Droit et des doctrines

Présentation :

Cet ouvrage rend hommage, sous la forme universitaire des Mélanges, au Professeur Jean-Louis Mestre. Interrogeant les « racines » du Droit et des contentieux, il réunit (en quatre parties et deux volumes) les contributions (pour le Tome I) de :

Pr. Paolo Alvazzi del Fratte, Pr. Grégoire Bigot, M. Guillaume Boudou,
M. Julien Broch, Pr. Louis de Carbonnières, Pr. Francis Delpérée,
Pr. Michel Ganzin, Pr. Richard Ghevontian, Pr. Eric Gojosso,
Pr. Nader Hakim, Pr. Jean-Louis Halpérin, Pr. Jacky Hummel,
Pr. Olivier Jouanjan, Pr. Jacques Krynen, Pr. Alain Laquièze,
Pr. Catherine Lecomte, M. Alexis Le Quinio, M. Hervé Le Roy,
Pr. Martial Mathieu, Pr. Didier Maus, Pr. Ferdinand Melin-Soucramanien, Pr. Philippe Nélidoff, Pr. Marc Ortolani, Pr. Bernard Pacteau,
Pr. Xavier Philippe, Pr. François Quastana, Pr. Laurent Reverso,
Pr. Hugues Richard, Pr. André Roux, Pr. Thierry Santolini, M. Rémy Scialom, M. Ahmed Slimani, M. Olivier Tholozan,
Pr. Mathieu Touzeil-Divina & Pr. Michel Verpeaux,

… et pour le Tome II :

M. Stéphane Baudens, M. Fabrice Bin, Juge Jean-Claude Bonichot,
Pr. Marc Bouvet, Pr. Marie-Bernadette Bruguière, Pr. Christian Bruschi,
Prs. André & Danielle Cabanis, Pr. Chistian Chêne, Pr. Jean-Jacques Clère, Mme Anne-Sophie Condette-Marcant, Pr. Delphine Costa,
Mme Christiane Derobert-Ratel, Pr. Bernard Durand, M. Sébastien Evrard, Pr. Eric Gasparini, Père Jean-Louis Gazzaniga, Pr. Simon Gilbert,
Pr. Cédric Glineur, Pr. Xavier Godin, Pr. Pascale Gonod,
Pr. Gilles-J. Guglielmi, Pr. Jean-Louis Harouel, Pdt Daniel Labetoulle,
Pr. Olivier Le Bot, Pr. Antoine Leca, Pr. Fabrice Melleray,
Mme Christine Peny, Pr. Laurent Pfister, Pr. Benoît Plessix,
Pr. Jean-Marie Pontier, Pr. Thierry S. Renoux, Pr. Jean-Claude Ricci,
Pr. Albert Rigaudière, Pr. Ettore Rotelli, Mme Solange Ségala,
Pdt Bernard Stirn, Pr. Michael Stolleis, Pr. Arnaud Vergne,
Pr. Olivier Vernier & Pr. Katia Weidenfeld.

Mélanges placés sous le parrainage du Comité d’honneur des :

Pdt Hélène Aldebert, Pr. Marie-Bernadette Bruguière, Pr. Sabino Cassese, Pr. Francis Delpérée, Pr. Pierre Delvolvé, Pr. Bernard Durand,
Pr. Paolo Grossi, Pr. Anne Lefebvre-Teillard, Pr. Luca Mannori,
Pdt Jean Massot, Pr. Jacques Mestre, Pr. Marcel Morabito,
Recteur Maurice Quenet, Pr. Albert Rigaudière, Pr. Ettore Rotelli,
Pr. André Roux, Pr. Michael Stolleis & Pr. Michel Troper.

Mélanges réunis par le Comité d’organisation constitué de :

Pr. Jean-Philippe Agresti, Pr. Florent Blanco, M. Alexis Le Quinio,
Pr. François Quastana, Pr. Laurent Reverso, Mme Solange Ségala,
Pr. Mathieu Touzeil-Divina & Pr. Katia Weidenfeld.

Ouvrage publié par et avec le soutien du Collectif L’Unité du Droit
avec l’aide des Facultés de Droit
des Universités de Toulouse et d’Aix-Marseille
ainsi que l’appui généreux du
Centre d’Etudes et de Recherches d’Histoire
des Idées et des Institutions Politiques (Cerhiip)
& de l’Institut Louis Favoreu ; Groupe d’études et de recherches sur la justice constitutionnelle (Gerjc) de l’Université d’Aix-Marseille.

Le pacte faustien
du droit administratif

Fabrice Melleray
Professeur des Universités
à l’Ecole de droit de Sciences Po

La parution en 1887 du tome premier de la première édition du Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux[1] d’Edouard Laferriere marque assurément une date essentielle dans l’histoire du droit administratif français. La Préface de l’ouvrage, outre des développements passés à la postérité sur la classification des recours contentieux, se risque à proposer ce que doit être selon l’auteur la « méthode » qui s’impose dans l’étude du droit administratif. Laferriere distingue à cet égard « l’organisation administrative » d’une part et le « contentieux administratif » d’autre part et estime que le second « est à la fois la partie la plus générale, la plus juridique du Droit administratif » et qu’il convient de privilégier l’étude de la jurisprudence : « Pour le droit codifié, l’exégèse des textes est la méthode dominante, et la jurisprudence ne peut être qu’un auxiliaire ; pour le Droit administratif, c’est l’inverse ; l’abondance des textes, la diversité de leurs origines, le peu d’harmonie qu’ils ont souvent entre eux, risquent d’égarer le commentateur qui voudrait leur appliquer les mêmes méthodes qu’au droit codifié. La jurisprudence est ici la véritable source de la doctrine, parce qu’elle seule peut dégager les principes permanents des dispositions contingentes dans lesquelles ils sont enveloppés, établir une hiérarchie entre les textes, remédier à leur silence, à leur obscurité ou à leur insuffisance, en ayant recours aux principes généraux du Droit ou à l’équité ».

Cette analyse a immédiatement fait l’objet d’un tir nourri de Théophile Ducrocq[2], alors professeur à la Faculté de droit de Paris. Celui-ci récuse non seulement « le rôle assigné par l’auteur à la jurisprudence » (car l’idée manque selon lui « de base légale et recèle un péril, dans le sens d’une notion excessive des pouvoirs du juge administratif ») mais également la césure entre « organisation administrative » et « contentieux administratif », considérant qu’ « entre le contentieux administratif et l’organisation, il y a la plus grande partie de la législation administrative, à laquelle cette division ne fait pas de place ou ne lui en laisse qu’une insuffisante, en n’y voyant que l’accessoire des questions de compétence et de juridiction[3] ».

Ducrocq n’a toutefois pas été entendu et l’on sait ce qu’il est advenu. Laferriere est aujourd’hui considéré comme « le fondateur de l’étude moderne et scientifique du droit administratif et du droit du contentieux administratif[4] ». Sans doute y-a-t-il une part d’injustice dans le propos toujours cité de Gaston Jeze : « Enfin Laferriere vint, et, le premier en France, essaya d’apporter de l’ordre et de la méthode, d’expliquer les solutions de la pratique ; son immense mérite a été d’apporter les idées générales, les principes généraux qui se trouvent derrière toutes les solutions[5] ». Le droit administratif a, évidemment, été étudié par de grands esprits avant la fin du XIXe siècle et l’on n’a pas attendu 1883 et le cours de doctorat dispensé par Laferriere à la Faculté de droit de Paris pour s’intéresser à la jurisprudence du Conseil d’Etat[6]. Jean-Louis Mestre, si fin et si convaincant défenseur de l’existence d’un droit administratif sous l’Ancien Régime, ne démentirait à cet égard probablement pas l’appréciation suivant de Benoît Plessix qui, après avoir affirmé la « capacité de rupture [de Laferriere] avec la tradition doctrinale », souligne la profonde continuité entre les auteurs de l’Ancien Régime et ceux du XIXe siècle :« il n’existe aucune différence, sur le fond et sur la forme, entre les œuvres de Loyseau, de Domat ou de Delamare et celles de Gérando, de Macarel, de Cormenin ou de Ducrocq : dans tous les cas, il s’agit de répertoires déguisés qui trahissent aisément une conception institutionnelle et matérielle du droit administratif[7] ».

Mais il n’en demeure pas moins que l’œuvre de Laferriere marque un tournant et annonce l’avènement de « l’approche contentieuse du droit administratif » dont nul ne disconviendra sans doute qu’elle est, depuis plus d’un siècle maintenant, « dominante en France » pour reprendre les mots de Pascale Gonod[8]. Ce tournant contentieux a été rapidement pris par Maurice Hauriou (même si celui-ci, contrairement à ses successeurs, développera une conception ouverte de son activité d’arrêtiste et ne se limitera pas à celle-ci), comme il l’a lui-même reconnu dans la préface du recueil de ses Notes d’arrêts où il explique s’être jeté dès 1892 « en plein dans la conception contentieuse du droit administratif, laissant à droite l’ancien concept de l’organisation administrative qui n’avait rien de juridique et laissant à gauche la conception civiliste qui anticipait par trop sur l’évolution possible du droit administratif vers le droit commun[9] ». Achille Mestre pouvait ainsi écrire au début des années 1920, après une critique au vitriol de la doctrine antérieure, que « L’ouvrage classique de M. Laferriere nous apparaît aujourd’hui moins comme un traité spécial de la juridiction administrative que comme une large synthèse du droit administratif réalisée du point de vue du contentieux[10] ».

Hauriou développe dès la fin du XIXe siècle le thème, passé à la postérité et objet d’infinis débats, du « caractère prétorien du droit administratif français » : « Le droit administratif français a quelque chose de prétorien en ce sens qu’il se développe par la jurisprudence du Conseil d’Etat, autant et plus que par la loi (…) la loi y a moins d’importance que dans le Droit privé et (…) le juge en a davantage[11] ». Il reviendra ensuite à Gaston Jeze, puis à Marcel Waline, de tirer les conséquences de cette focalisation des investigations doctrinales sur la jurisprudence et d’en accentuer la dimension technicienne. Jeze tout d’abord, dans la célèbre Préface de la deuxième édition de ses Principes généraux du droit administratif[12], affirme qu’« il n’y a pas, actuellement, d’étude théorique possible sans un examen approfondi de la jurisprudence administrative », celle-ci constituant « la base sinon exclusive, du moins prépondérante », des investigations du « théoricien ». Il dresse ensuite le portrait de ce que devrait être la relation entre ce dernier (qui désigne ce que l’on nomme aujourd’hui plus couramment la doctrine universitaire) et le « praticien » (que l’on qualifie désormais, à la suite de Jean-Jacques Bienvenu, de membre de la « doctrine organique »). Au premier le recueil, le classement, l’explication des « faits » et la « synthèse critique ». Au second un travail qui n’est pas systématique » mais « forcément fragmentaire et décousu ». Cette « collaboration » entre le Conseil d’Etat et la doctrine semble ainsi déséquilibrée comme il l’affirme encore en 1952, quelques mois avant son décès : « Les professeurs paraissent jouir, dans le travail de systématisation du Droit administratif, d’un avantage sur le juge. Ce dernier n’étudie un problème général qu’à l’occasion d’une espèce qui lui est soumise. Il est pressé par le temps, par les évènements. Le théoricien, au contraire, a plus de loisirs pour se livrer aux analyses juridiques fécondes, aux recherches historiques, économiques et sociales qui dominent le droit[13] ».

Cette perspective va être prolongée par Marcel Waline qui centre comme Jeze l’analyse sur la jurisprudence et adopte une conception plus technicienne encore de l’office de la doctrine (alors que Jeze essayait de rattacher son analyse de la jurisprudence à un cadre théorique très systématique en partie emprunté à Léon Duguit). Celle-ci doit selon lui non seulement – eu égard aux lacunes du droit positif –« préparer » les solutions jurisprudentielles mais il convient également qu’elle « les systématise après coup (…) Les auteurs étudient ces solutions en apparence éparses, rassemblent les pièces de la mosaïque pour en faire apparaître le dessin. Ils montrent que les décisions rendues dans des espèces très variées sont l’application d’un même principe directeur. Ils opèrent la synthèse des solutions jurisprudentielles pour dégager des règles par la méthode inductive[14] ».

La doctrine universitaire a ainsi résolument fait le choix de délaisser les « matières administratives » au profit de la jurisprudence administrative, et ce pour des raisons rappelées par François Burdeau : « Si la doctrine universitaire se montre si bien disposée, c’est qu’elle sait que la dignité qu’elle a acquise est à mettre au crédit de l’activité juridictionnelle du conseil. Elle concourt au sacre d’un juge qui l’a lui-même élevée au niveau de sa consœur du droit privé. Car, avant l’épanouissement de la jurisprudence, qui a rendu possible l’entreprise de systématisation logique conduite à partir de l’analyse du contentieux, la discipline du droit administratif n’avait qu’une place subalterne et décriée parmi les différentes branches du droit[15] ». Un tel choix, s’il lui évite les difficultés rencontrées par les civilistes avec la « crise de l’interprétation » et le débat sur le vieillissement du Code civil à l’occasion de son centenaire au début du XXe siècle, renforce assurément la position des spécialistes de droit administratif au sein des facultés de droit. Le droit administratif apparaît alors comme la sous-discipline matricielle[16] d’une discipline, le droit public, en plein essor. Un peu comme si, en se plaçant dans le sillage du Conseil d’Etat, la doctrine administrativiste avait bénéficié de son aspiration.

Cette médaille a cependant au moins deux revers. Le premier est que combiné avec une approche résolument technique cet « idéal juridictionnel » où « la doctrine répète a priori ou a posteriori et de manière plus ample le scenario intellectuel de l’acte juridictionnel » a abouti à « la réduction considérable du champ réflexif[17] ». Il suffit à cet égard de comparer les vastes édifices spéculatifs construits par Hauriou ou Duguit à ceux réalisés par la suite. Le second est qu’elle condamne à peu près inéluctablement la doctrine universitaire à évoluer dans la foulée et même à certains égards dans l’ombre de la doctrine organique. Sans doute Jean Rivero s’est-il, dans une étude restée célèbre, efforcé de théoriser le « chœur à deux voix » de la doctrine et de la jurisprudence[18]. Sans doute Jeze prétendait-il lui aussi, comme on l’a déjà mentionné, faire la part belle aux « théoriciens ». Pour autant, comme le relève lucidement Pierre-Nicolas Barenot, il s’agit ici d’« un pseudo-pacte que l’Ecole n’a en réalité jamais passé qu’avec elle-même »et on ne peut que constater qu’« en droit administratif, le rôle moteur du Conseil d’Etat et le développement de sa jurisprudence ont donc à la fois dynamisé la matière, et sensiblement restreint le magistère et l’espace intellectuel de la doctrine universitaire[19] ». Yves Gaudemet n’écrit pas autre chose lorsqu’il souligne que la « dichotomie au sein de la doctrine publiciste a évolué au cours du temps autour d’une hiérarchie de valeurs. D’une doctrine publiciste autonome (…) la doctrine publiciste s’est trop facilement convertie en une doctrine dépendante de la jurisprudence. Les commentaires de jurisprudence ont pris une place fondamentale dans ses travaux, au détriment d’une réflexion plus profonde (…) La doctrine publiciste est trop souvent une doctrine de l’immédiateté, en somme une doctrine qui s’en tient à « l’écume des jours » de la jurisprudence[20] ». Le commercialiste Edmond Thaller avait d’ailleurs perçu dès 1900 que la focalisation de la doctrine universitaire sur la jurisprudence remettait en cause son indépendance : « La Faculté se subordonne trop au Palais, elle se laisse prendre par lui en remorque. Nous critiquons ses arrêts, il est trop tard alors pour les changer. Je revendique pour nous une mission plus indépendante. Nous devons former le magistrat lorsqu’il est encore sur nos bancs. Le former au moyen de la jurisprudence elle-même, a tout l’air d’un cercle vicieux. Les arrêts ne doivent intervenir qu’au second plan, à titre de vérification d’une doctrine présentée d’abord en dehors d’eux[21] ». Il n’a pas été entendu par ses collègues publicistes…Ceux-ci se placent alors, comme l’a montré Xavier Magnon dans « une aporie. Le discours du juge est à la fois objet du discours doctrinal et instrument de la validité de celui-ci » et « la prétention à la scientificité du discours doctrinal à partir d’un empirisme jurisprudentiel apparaît comme un piège. La tentation empiriste conduit à une circularité de la pensée doctrinale[22] ».

C’est en ce sens que l’on peut parler de pacte faustien et il y a là une différence entre droit civil et droit administratif français. Si ces deux disciplines s’inscrivent en effet, comme on s’est efforcé de le démontrer avec Christophe Jamin[23], dans un même modèle doctrinal mêlant primat de la technique et de la systématisation et exclusion du politique ainsi que méfiance vis-à-vis des sciences sociales, elles se différencient sur la question ici en cause. Avec sinon un paradoxe au moins une ironie de l’histoire : pour essayer de s’élever au niveau des civilistes au sein des facultés de droit les administrativistes ont dû renoncer à exercer vis-à-vis du Conseil d’Etat le magistère que les civilistes jouent encore vis-à-vis de la Cour de cassation…


[1] E. Laferriere, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, Berger-Levrault, tome 1, 1ère éd., 1887, p. IV-VII.

[2] Bibliographie, Rgd, 1887, p. 460-473, spéc. p. 466 et p. 471.

[3] Voir également sur ce point, exprimées de manière certes plus discrètes, les réserves convergentes de Léon Aucoc dans sa recension de l’ouvrage de Laferriere (Rclj, 1887, p. 57-64 et 1888, p. 690-701, spéc. p. 690‑691).

[4] R. Chapus, Droit administratif général, Montchrestien, tome 1, 1ère éd., 1985, n° 25.

[5] G. Jeze, Les principes généraux du droit administratif, préface de la deuxième édition, Giard et Brière, tome 1, 3e éd., 1925, p. XII.

[6] V. à cet égard la synthèse de M. Touzeil-Divina, La doctrine publiciste 1800-1880, préface J.-L. Mestre, Editions La Mémoire du Droit, 2009. Et sur l’originalité et l’apport de Laferriere, v. en particulier P. Gonod, Edouard Laferriere. Un juriste au service de la République, préface G. Braibant, Lgdj, 1997 et du même auteur « La place du Traité de la juridiction administrative d’Edouard Laferriere dans l’évolution du droit administratif français », Annuaire d’histoire administrative européenne, volume 8, 1996, p. 87-107.

[7] B. Plessix, L’utilisation du droit civil dans l’élaboration du droit administratif, Editions Panthéon Assas, préface J.-J. Bienvenu, 2003, spéc. n° 391 et 394. V. également B. Plessix, « Nicolas Delamare ou les fondations du droit administratif français », Droits, n° 38, 2003, p. 113-133, qui conclut que « la science du droit administratif moderne (…) n’est manifestement née qu’avec Laferriere et Hauriou ; car avant, de Gerando à Aucoc, c’est l’Ancien Régime qui s’est poursuivi » (spéc. p. 133).

[8] P. Gonod, « L’étude du procès administratif », in Un avocat dans l’histoire. En mémoire de Arnaud Lyon-Caen, Dalloz, 2013, p. 165-176, spéc. p. 165.

[9] Préface, in Notes d’arrêts sur décisions du Conseil d’Etat et du Tribunal des conflits publiées au Recueil Sirey de 1892 à 1928, tome 1, Sirey, 1929, p. VII.

[10] A. Mestre, « L’évolution du droit administratif (doctrine) de 1869 à 1919 », in Les transformations du droit dans les principaux pays depuis cinquante ans (1869-1919). Livre du cinquantenaire de la société de législation comparée, tome II, Lgdj, 1923, p. 19-34, spéc. p. 33.

[11] M. Hauriou, « Droit administratif », in Répertoire du droit administratif, tome XIV, Dupont, 1897, p. 1‑28, spéc. p. 10.

[12] Dont des extraits sont reproduits dans « De l’utilité pratique des études théoriques de jurisprudence pour l’élaboration et le développement de la science du droit public. Rôle du théoricien dans l’examen des arrêts des tribunaux », Rdp, 1914, p. 312-323.

[13] G. Jeze, « Collaboration du Conseil d’Etat et de la doctrine dans l’élaboration du droit administratif français », in Conseil d’Etat, Livre jubilaire publié pour commémorer son 150e anniversaire, Sirey, 1952, p. 347-349, spéc. p. 349 où Jeze ajoute cependant que « cet avantage disparaît peu à peu. Beaucoup de magistrats du Conseil d’Etat sont aussi professeurs, maîtres de conférences, ils écrivent assez régulièrement dans les revues juridiques ».

[14] M. Waline, Traité élémentaire de droit administratif, 6e éd., Sirey, 1950, spéc. p. 163.

[15] F. Burdeau, « Du sacre au massacre d’un juge. La doctrine et le Conseil d’Etat statuant au contentieux », in Mélanges Henri-Daniel Cosnard, Economica, 1990, p. 309-317, spéc. p. 314.

[16] G. Richard, Enseigner le droit public à Paris sous la troisième République, préface de J.-L. Halperin et E. Millard, Dalloz, 2015, spéc. p. 655 et s.

[17] J.-J. Bienvenu, « Remarques sur quelques tendances de la doctrine contemporaine en droit administratif », Droits, n°1, 1985, p. 153-160, spéc. p. 154.

[18] J. Rivero, « Jurisprudence et doctrine dans l’élaboration du droit administratif », Edce, 1955, n° 9, p. 27‑36.

[19] P.-N. Barenot, Entre théorie et pratique : les recueils de jurisprudence miroirs de la pensée juridique (1789-1914), thèse Bordeaux, 2014, spéc. p. 369-383.

[20] Y. Gaudemet, « Réflexions sur le rôle de la doctrine en droit public aujourd’hui », Revue de droit d’Assas, 2011, n° 4, p. 31-33, spéc. p. 31.

[21] E. Thaller, Préface au Traité de droit commercial, Rousseau, 2e éd., 1900, p. VI.

[22] X. Magnon, commentaire de G. Vedel, Les bases constitutionnelles du droit administratif, in W. Mastor et alii, Les grands discours de la culture juridique, préface de Robert Badinter, Dalloz, 2017, p. 841-865, spéc. p. 862-863.

[23] C. Jamin et F. Melleray, Droit civil et droit administratif. Dialogue(s) sur un modèle doctrinal, Dalloz, 2018.

Nota Bene : le présent ouvrage est diffusé par les Editions Lextenso. Vous pouvez donc vous le procurer directement auprès de notre diffuseur ou dans toutes les bonnes librairies (même virtuelles).

ParEditions L'Epitoge (Collectif l'Unité du Droit)

Le vote du budget dans The West Wing (par M. Damien Connil)

Voici la 18e publication offerte dans le cadre des 75 jours confinés des Editions L’Epitoge. Il s’agit d’un extrait du 7e livre de nos Editions dans la collection L’Unité du Droit, publiée depuis 2012 : Le Parlement aux écrans !

Au sein de ce opus, nous avons choisi de publier le bel article de M. Damien Connil à propos du vote du budget dans la série The West Wing.

En voici les détails techniques ainsi qu’une présentation :

Volume VII :
Le Parlement aux écrans !

Ouvrage collectif
(Direction : Mathieu Touzeil-Divina)

– Sortie : automne 2013 / Prix : 39 €

  • ISBN : 979-10-92684-01-8
  • ISSN : 2259-8812


Présentation :

Le présent ouvrage est le fruit d’un colloque qui s’est déroulé à l’Université du Maine le 05 avril 2013 dans le cadre de la 2ème édition des « 24 heures du Droit ». Co-organisé par le Collectif L’Unité du Droit et le laboratoire Themis-Um (ea 4333), il est dédié à la mémoire du professeur Guy Carcassonne qui fut l’un des membres de son conseil scientifique et dont l’allocution de clôture est ici reproduite in extenso en hommage. Le colloque « Le Parlement aux écrans ! » (réalisé grâce au soutien de l’Assemblée Nationale ainsi qu’avec le concours des chaînes parlementaires Public Sénat & Lcp-An) s’est en effet proposé de confronter le droit parlementaire et ses acteurs à tous les écrans : de communication(s), informatiques, réels ou encore de fiction(s). Comment les délégués d’une Nation (en France mais aussi à l’étranger) sont-ils incarnés et / ou représentés dans et par les écrans ? Les médias leur sont-ils singuliers ? L’existence de chaînes à proprement parler « parlementaires » est-elle opportune et efficiente ? En particulier, comment y est gérée la question du pluralisme et de l’autonomie financière ? Comment le cinéma, la fiction et finalement aussi peut-être le grand public des citoyens perçoivent-ils le Parlement et ses acteurs, leurs rôles, leurs moyens de pression ? Y cède-t-on facilement à l’antiparlementarisme ? Comment y traite-t-on des enjeux et des phénomènes parlementaires historiques et / ou contemporains ? Quelle y est la « mise en scène » parlementaire ? Existe-t-il, même, un droit de ou à une télévision camérale ?

Telles sont les questions dont le présent colloque a traité avec la participation exceptionnelle du maestro Costa-Gavras, de parlementaires (dont le Président Delperee et la députée Karamanli), d’administrateurs des Chambres, de journalistes caméraux et directeurs de chaînes, d’universitaires renommés (dont les professeurs Benetti, Ferradou, Guglielmi, Hourquebie, Millard, de Nanteuil, Touzeil-Divina et Mmes Gate, Mauguin-Helgeson, Nicolas & Willman) ainsi que d’étudiants des Universités du Maine et de Paris Ouest.

« Les juristes (…) et les politistes s’intéressent à cette scène particulière [le Parlement] avec intelligence, distance et humour. Ils ne laissent jamais indifférents lorsqu’ils donnent un sens à l’action des politiques sur cette scène originale. Ils interprètent, c’est un trait des juristes, les positions des politiques et leur façon de se mouvoir entre eux devant les citoyens. Plus encore ils donnent à voir les relations que les écrans, la fiction, a et entretient avec une réalité qui ressemble, elle-même, à une scène. Il y a un effet de miroir et de lumières très original que le cinéma n’est pas / plus seul à donner. Pour le comprendre il faut lire l’ensemble des contributions de ce colloque original, intelligent et libre, et qui rend plus intelligent et plus libre ».   Costa-Gavras

Colloque réalisé et ouvrage publié avec le concours du Collectif L’Unité du Droit, du groupe SRC de l’Assemblée Nationale ainsi que du laboratoire juridique Themis-Um.

Quand le vote du budget se transforme en thriller
A propos de deux épisodes
de The West Wing

Damien Connil
Chargé de recherches (Cnrs) –
Université de Pau (Umr 7318 – Ie2ia)

Le vote du budget n’est pas, à première vue, le sujet parlementaire le plus télégénique. Pourtant, en s’appuyant sur la réalité et en présentant ce processus de manière très accessible, une série télévisée – The West Wing (A la Maison Blanche) – est parvenue, à travers deux de ses épisodes (les épisodes 7 et 8 de la saison 5[1]), à mettre en scène et à dramatiser cet évènement constitutionnel et parlementaire particulier qu’est l’adoption du budget. La série, qui raconte le fonctionnement quotidien de l’exécutif américain en mettant en scène le Président des Etats-Unis – un Président fictif, le Président Bartlet – et ses conseillers, transforme même l’élaboration du budget en un véritable thriller, un thriller budgétaire[2]. C’est, précisément, cette mise en scène du processus budgétaire qui mérite d’être examinée.

A titre liminaire, quelques précisions d’ordre général sont nécessaires. Aux Etats-Unis, de manière schématique, il appartient au Congrès de voter le budget tandis que le Président dispose, quant à lui, d’un droit de veto[3]. Plus précisément, en application du Budget and Accounting Act de 1921, le Président soumet au Congrès, le premier lundi de février de chaque année, un projet de budget. Assisté par l’Office of Management and Budget (Omb), le Président y détaille, notamment, les recettes et les dépenses envisagées ainsi qu’une estimation des emprunts et de la dette, des recommandations législatives et politiques ou encore une évaluation des performances économiques. A partir de ce projet, et depuis le Congresional Budget Act de 1974, le Congrès doit faire un choix : ou bien, il s’appuie sur la proposition du Président pour amender puis adopter le budget ; ou bien, le plus souvent, il élabore sa propre proposition de budget fédéral qu’il adopte sous la forme d’une concurrent resolution et qu’il élabore avec le Congressional Budget Office (Cbo) qui l’assiste. Dans ce cas, il ne s’agit pas d’une loi mais d’une simple résolution conjointe qui échappe ainsi au veto présidentiel.

Le budget fédéral définitif est, quant à lui, adopté, dans un second temps, lorsque l’ensemble des dispositions législatives nécessaires et, en particulier, les différentes lois de répartition des crédits (appropiations bills) sont elles-mêmes votées et adoptées par les parlementaires pour former le budget ; c’est à cet ensemble législatif-là que le Président pourra, le cas échéant, opposer son veto.

Une difficulté – qui est également une nécessité – apparaît donc dans la procédure budgétaire américaine. Elisabeth Zoller l’a parfaitement soulignée : « au bout du compte, les deux pouvoirs doivent résoudre leurs différences et trouver des compromis sur le montant des dépenses à engager et sur les modifications à apporter à la législation fiscale ou sociale. Mais […] d’abord, ils s’affrontent»[4]. De très importantes négociations entre le Congrès et la Maison Blanche sont donc engagées : des négociations qui visent à obtenir soit un accord en vue de l’adoption définitive du budget fédéral avant le 1er octobre, date du début de l’année budgétaire aux Etats-Unis, soit un compromis en vue d’un budget provisoire, dans l’attente d’un accord définitif si l’année budgétaire a déjà commencé et qu’aucun accord définitif n’a, jusque-là, pu être obtenu.

Or, c’est précisément à ce moment-là de la procédure budgétaire – autrement dit, à ce moment de tension et d’opposition entre exécutif et législatif – que se situent les épisodes de The West Wing, ici, analysés. Il conviendra, dès lors, d’examiner la mise en scène de la procédure budgétaire proposée par la série A la Maison Blanche : d’abord, ce qu’elle traduit et ce qu’elle révèle des pouvoirs du Parlement et de ses rapports avec l’exécutif en matière budgétaire grâce à une mise en scène pédagogique (I) ; ensuite, ce qu’elle montre et ce qu’elle déforme de la réalité constitutionnelle et parlementaire à travers une mise en scène dramaturgique (II) ; enfin, ce qu’elle suggère et ce qu’elle provoque comme représentations de la vie institutionnelle en général et de l’élaboration du budget fédéral en particulier par une mise en scène constructive (III).

I. Une mise en scène pédagogique

Par les deux épisodes qu’elle consacre à la procédure budgétaire, la série A la Maison Blanche offre une véritable mise en image de ce moment constitutionnel et parlementaire si particulier qu’est l’élaboration du budget. Cependant, et c’est ce qui fait sa richesse pédagogique, la série ne se contente de porter à l’écran le processus budgétaire, elle en explique aussi les grandes lignes pour permettre au spectateur d’en comprendre tout à la fois les mécanismes et les enjeux.

Par exemple, les deux épisodes de la série expliquent, d’abord, les rôles respectifs du Président et du Congrès dans l’élaboration du budget. Une première discussion entre le Vice-Président et le Secrétaire général de la Maison Blanche permet de comprendre qu’il appartient au Congrès d’élaborer le budget et que le Président peut simplement y opposer son veto. C’est le Vice-Président qui présente cette répartition des compétences en prenant appui non seulement sur les dispositions de la Constitution mais aussi sur la volonté des Pères fondateurs. Il est, en particulier, fait référence à James Madison. Une seconde discussion, à la fin des deux épisodes, entre le Président Bartlet et le Président Haffley – le Président de la Chambre des Représentants – revient sur cette répartition des compétences entre le Président et le Congrès en soulignant, par la mise en scène, l’affrontement qui existe entre les deux pouvoirs. Le Président de la Chambre insiste : « la Constitution confie au Congrès le soin d’élaborer et d’adopter le budget » ; le Président Bartlet le coupe immédiatement pour lui rappeler que la Constitution donne, aussi, au Président un droit de veto.

La référence à la Constitution est donc présente et elle est même au cœur de l’intrigue. Le bras de fer entre le Congrès républicain et le Président démocrate ainsi que la répartition des compétences entre ces deux pouvoirs sont précisément le cœur de l’histoire qui nous est racontée[5]. C’est là une des caractéristiques de la série : l’élément constitutionnel est très souvent au cœur de la narration et le scénario l’intègre pour qu’il constitue un enjeu majeur de l’épisode et qu’il soit parfaitement compréhensible pour les spectateurs[6].

Ensuite, des éléments, plus techniques, relatifs au processus budgétaire, sont également expliqués et participent d’une mise en scène particulièrement pédagogique. La série permet, par exemple, de comprendre la pratique des continuing resolutions (des résolutions temporaires). Lorsque les négociations entre la Maison Blanche et le Congrès n’ont pu aboutir à l’adoption définitive du budget avant le début de la nouvelle année budgétaire (c’est-à-dire avant le 1er octobre), et pour permettre à l’Administration de fonctionner, une résolution temporaire est le plus souvent adoptée pour mettre en place un budget provisoire. Ce mécanisme – des continuing resolutions – est expliqué dans la série. Plusieurs scènes et, surtout, plusieurs conversations tout au long des deux épisodes, et entre différents personnages de la série, permettent aux spectateurs de saisir les grandes lignes du mécanisme et de comprendre qu’il s’agit de mesures temporaires adoptées le temps que les lois de crédits définitives soient elles-mêmes adoptées et qu’elles entrent en vigueur.

Un procédé explicatif récurrent de la série, que M. Winckler avait déjà observé, apparaît alors : « chacun [des personnages] a, à son tour, l’occasion de se faire la voix du spectateur (du citoyen) pour dire qu’il ne comprend pas ce qui se passe, et obtenir ainsi qu’on nous/qu’on le lui explique »[7]. De cette manière, les conversations entre les personnages d’A la Maison Blanche servent aussi bien le déroulement de l’intrigue que l’explication des mécanismes institutionnels qui sont parfois subtils mais dont la compréhension est néanmoins nécessaire aux spectateurs[8]. Un autre mécanisme, qui est lui aussi au cœur de l’intrigue (au point d’ailleurs de fournir le titre du second épisode), est également porté à l’écran et expliqué aux spectateurs : c’est ce que l’on appelle le shutdown. On l’a dit, lorsqu’un accord n’a pu être trouvé avant le début de l’année budgétaire, une résolution temporaire est, le plus souvent, adoptée. Mais, lorsqu’un accord ne peut même pas être trouvé en vue d’une simple résolution temporaire, l’Administration fédérale se trouve dans une situation particulièrement délicate qui est qu’elle ne peut plus fonctionner, faute de budget opérationnel, parce que, en application de la Constitution, « aucune somme ne sera prélevée sur le Trésor, si ce n’est en vertu de crédits ouverts par la loi »[9]. L’Administration se trouve alors dans l’obligation de fermer ses services : c’est le government shutdown.

Pour expliquer le mécanisme, la série utilise son procédé explicatif habituel mais au lieu d’être l’occasion d’une conversation entre deux personnages, l’un expliquant à l’autre la situation et ses enjeux, la mise en scène consiste à montrer le Secrétaire général de la Maison Blanche annonçant, au personnel de la Maison Blanche : le blocage des administrations fédérales, l’absence de budget opérationnel et, par conséquent, l’obligation pour l’ensemble du « personnel non-essentiel » de cesser le travail. L’aspect didactique de la scène se poursuit même avec une séance de questions-réponses sur la durée, l’étendue et les conséquences du shutdown ; des questions et des réponses qui permettent, en réalité, au spectateur de mieux comprendre ce qui se passe.

Plus encore, dans la suite de l’épisode, les conséquences du blocage sont également mises en évidence. Alors qu’habituellement dans la série, la Maison Blanche est un lieu plein d’activité, une véritable fourmilière avec des collaborateurs qui travaillent un peu partout et des couloirs très encombrés, l’épisode du shutdown montre, au contraire, un lieu extrêmement calme, presque désert avec des couloirs vides et des bureaux où seuls les plus proches collaborateurs du Président continuent de travailler, sans leurs assistants et avec des moyens visiblement réduits.

De la même manière, à l’extérieur de la Maison Blanche, par un procédé qui est lui-même intéressant puisqu’il s’agit des reportages des chaînes d’information que l’on voit à travers les écrans de télévision qui restent allumés dans les bureaux de la Maison Blanche ou dans les bureaux de la majorité au Congrès, sont montrés des touristes américains, venus à Washington pour visiter la ville, qui ne peuvent pas accéder à un certain nombre de Musées parce que ceux-ci sont fermés en raison du shutdown. Même le dîner officiel prévu avec le Premier ministre britannique se transforme, en raison du blocage, en un dîner, plus simple, préparé par la Première Dame elle-même, entre le Président, le Premier ministre et leurs épouses. L’explication du mécanisme, donnée dans un premier temps, est ainsi renforcée, ensuite, par la mise en image de ses conséquences.

La série propose donc une mise en scène particulièrement pédagogique en ce sens que, non seulement, elle met en images les mécanismes institutionnels et parlementaires nécessaires à la compréhension du processus budgétaire mais elle en offre également une explication in vivo, ce qui fait d’elle, aussi, un formidable instrument d’appréhension du droit constitutionnel. Cependant, et parce que la série reste une fiction et un divertissement, elle ne se contente pas d’une mise en scène purement pédagogique. Pour que le vote du budget se transforme véritablement en thriller budgétaire, il faut également que la mise en scène soit dramaturgique.

II. Une mise en scène dramaturgique

Pour les auteurs de la série, la mise en scène de la procédure budgétaire n’est peut-être, en réalité, qu’un prétexte dramaturgique.

D’ailleurs, l’extrême complexité du processus d’élaboration du budget fédéral est, à plusieurs reprises, soulignée. Joshua Lyman (le Secrétaire général adjoint de la Maison Blanche) affirme même, au début du premier épisode, que l’un des charmes de la procédure budgétaire est que, précisément, « personne n’y comprend rien ». Assez révélateur de l’effective complexité de la procédure, cela permet aussi – et, peut-être, surtout – aux auteurs de la série de ne pas développer certains aspects trop techniques du processus budgétaire.

En revanche, l’adoption du budget présente, en elle-même, un intérêt dramaturgique évident : dans un système institutionnel où il appartient au Congrès de voter le budget et au Président d’y opposer, s’il le souhaite, son veto et dans un contexte de gouvernement divisé (divided governement) où exécutif et législatif ne sont pas de la même couleur politique, rien n’illustre et ne cristallise plus et mieux les tensions qui opposent le Congrès républicain au Président démocrate que l’élaboration du budget fédéral. La « séparation des pouvoirs », titre original du premier épisode, se transforme ainsi à l’écran en un véritable « bras de fer » entre le Congrès et la Maison Blanche, pour reprendre le titre français du second épisode.

Plusieurs éléments participent à cette dramatisation de l’évènement.

Premièrement, le scénario lui-même sert la dramaturgie. Déjà, dans les épisodes qui précèdent ceux qui sont, ici, examinés, l’opposition entre le Président Bartlet et le Président Haffley avait été signalée et mise en évidence. Dès le début des deux épisodes consacrés au processus budgétaire, on comprend que les négociations durent depuis de nombreuses semaines, que des désaccords politiques majeurs persistent et, tout au long du premier épisode, les conseillers du Président s’exaspèrent de l’intransigeance des Républicains et des négociations qui ne permettent pas d’aboutir à un accord.

La tension atteint son paroxysme quand, à la toute fin du premier épisode, le Président Bartlet met fin, de façon spectaculaire, à une ultime réunion et déclare le blocage des Administrations. La dramaturgie est ici renforcée par le déroulement de l’intrigue sur deux épisodes grâce la fameuse accroche à la fin du premier (le cliffhanger), qui « oblige » le spectateur à regarder le second épisode pour connaître la fin de l’histoire. Le suspense est même accentué tout au long de ce second épisode parce que le spectateur ne sait pas comment tout cela va se terminer. Il est plongé dans une relative incertitude parce que la fébrilité de la Maison Blanche est mise en scène : les conseillers du Président s’interrogent eux-mêmes sur la stratégie à adopter, sur les solutions à envisager et sur les possibilités, plutôt réduites, qui s’offrent à eux. A tout cela, il faut encore ajouter les éléments classiques du film à suspense qui participent à la dramatisation de l’intrigue : la musique, les ralentis et les gros plans qui soulignent les tensions qui existent entre exécutif et législatif[10].

Deuxièmement, après le scénario, la dramaturgie de la série repose également sur une exagération de la réalité. Par la mise en image qu’elle propose du processus budgétaire, la série A la Maison Blanche offre un reflet de la réalité. Mais parce qu’il s’agit d’une mise en scène, elle en offre une image nécessairement déformée. Edgar Morin écrit que « le cinéma majore le réel »[11]. C’est exactement le cas ici aussi. La série s’appuie sur la réalité. Les tensions entre le Président démocrate, Jed Bartlet, et le républicain Haffley ne sont pas sans rappeler l’opposition très virulente qui existait au milieu des années 1990 entre le Président Clinton et le Congrès républicain et qui avait d’ailleurs conduit au plus long shutdown de l’histoire des Etats-Unis puisque l’Administration avait fermé ses services pendant 21 jours entre décembre 1995 et janvier 1996.

Parfois, la fiction se confond même avec la réalité. Les thèmes contemporains de la vie politique américaine réelle se retrouvent dans la série et, dans les épisodes qui sont consacrés à l’élaboration du budget, ce sont les principaux chevaux de bataille respectifs des démocrates et des républicains que l’on aperçoit et qui nourrissent les discussions : par exemple, l’éducation, les subventions agricoles et Medicaid, d’un côté ; les allègements d’impôts, la défense nationale et la sécurité intérieure, de l’autre.

La fiction va même plus loin dans la mesure où elle permet une forme d’idéalisation de la réalité. Le personnage de Josiah Bartlet en est l’illustration et Marjolaine Boutet l’a parfaitement remarqué : « Aaron Sorkin, démocrate convaincu, a en effet créé un président à la fois idéal et profondément humain jusque dans ses contradictions : prix Nobel d’Economie, érudit mais non coupé des réalités quotidiennes, […] animé d’un fort désir d’améliorer le sort des défavorisés et en même temps capable de se montrer ferme sur la scène internationale, autoritaire mais ouvert au dialogue, charismatique mais pas manipulateur. Jed Bartlet donne envie de croire que la politique peut changer le monde »[12]. Cette idéalisation de la réalité se retrouve dans les épisodes consacrés au processus budgétaire.

Mais surtout, la fiction peut aussi dépasser la réalité. La série aborde, ainsi, un nombre de situations constitutionnelles exceptionnelles bien plus importants que celles auxquelles un Président réel sera normalement confronté au cours de son mandat. La série présente des situations dramatiques ou pittoresques exacerbées. Ce procédé est connu et Sabine Chalvon-Demersay l’avait déjà observé à propos de la série Urgences[13] qui met en scène une médecine exagérée tout en s’appuyant sur « la précision technique de tout ce qui renvoie à la partie proprement médicale »[14]. Dans les deux épisodes consacrés au budget, la fiction dépasse la réalité lorsque le Président Bartlet prend la décision de se rendre, à pied, au Capitole pour rencontrer les chefs de file de la majorité, obtenir un compromis budgétaire et faire ainsi le premier pas vers un Congrès qui lui est pourtant hostile. On imagine mal le Président des Etats-Unis agir ainsi dans la réalité. The West Wing est donc bien une fiction, une mise en scène et une mise en scène dramaturgique, mais d’une réalité constitutionnelle et parlementaire. Or, par ses caractéristiques, parce qu’elle est tout à la fois pédagogique et dramaturgique, la série nous offre également une mise en scène particulièrement constructive en ce sens qu’elle participe aussi à la construction de notre imaginaire constitutionnel.

III. Une mise en scène constructive

Par les images qu’elle propose de la procédure budgétaire, la série A la Maison Blanche participe à la fabrication d’un certain nombre de représentations sociales quant à ce qu’est la présidence des Etats-Unis et ses relations avec le Congrès en matière budgétaire. Autrement dit, avec Denise Jodelet, la série participe d’une « forme de connaissance, socialement élaborée et partagée […] concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social »[15]. La série participe à la construction de notre imaginaire constitutionnel. Reste alors à savoir – au-delà des éléments déjà évoqués – de quelle manière cela se fait.

D’abord, la participation à une telle construction est possible parce que la série paraît vraisemblable. Certes, la réalité est exagérée ; certes, les situations sont dramatisées ; certes, les personnages sont idéalisés ; mais, l’ensemble paraît plausible, paraît réaliste.

Les sociologues, en particulier Jean-Pierre Esquenazi, ont bien montré que « l’opération représentationnelle caractéristique de la fiction consiste en l’ajustement d’une imitation et d’une invention : elle s’efforce d’imiter un monde réel qui est sa « base » et d’y insérer une narration inventée « saillante » »[16]. Or, le caractère vraisemblable de la série résulte précisément de cet ajustement entre le monde réel et le monde inventé.

Ensuite, les épisodes de la série participent également à la construction de notre imaginaire constitutionnel parce qu’ils nous permettent de voir ce que l’on ne peut, en principe, pas voir. The West Wing nous montre l’envers du décor et nous fait découvrir les coulisses du pouvoir[17]. C’est ainsi que l’on assiste, au gré des deux épisodes, à la préparation du budget, aux réunions des conseillers du Président et aux négociations entre la Maison Blanche et le Congrès. Le spectateur découvre en image ce qui se passe en amont et en coulisses de l’adoption du budget. De cette manière, il accède à une « scène » qui lui est, en principe, inaccessible : le bureau ovale, le QG de la majorité républicaine au Congrès et les lieux de réunion et de négociation. La série met en lumière les zones d’ombre de la vie institutionnelle et permet au spectateur d’imaginer la réalité et de passer, selon l’expression d’Edgar Morin, de « l’image à l’imaginaire »[18].

Enfin, la dimension constructive de la mise en scène du processus budgétaire dans la série A la Maison Blanche tient aussi aux caractéristiques des séries télévisées.

Par sa régularité, semaine après semaine, la série s’inscrit progressivement dans une forme de « ritualité familiale »[19] qui est d’autant plus forte qu’elle saisit naturellement le spectateur au domicile, c’est-à-dire dans sa propre vie quotidienne. De la même manière que les anthropologues, comme Georges Balandier ou Marc Abélès, ont pu observer que la télévision avait fait entrer dans les foyers des images médiatiques quotidiennes du politique[20], The West Wing offre des représentations régulières de la vie institutionnelle américaine et des rapports entre exécutif et législatif. Et, ce phénomène est même renforcé par le caractère saisonnier des séries télévisées qui permet de faire coïncider les évènements réels et la fiction. C’est assez peu significatif pour ce qui concerne les épisodes relatifs au budget[21] mais c’est, en revanche, beaucoup plus important quand il s’agit, par exemple, du discours sur l’état de l’Union ou de la rentrée solennelle de la Cour suprême.

Pédagogique, dramaturgique, constructive, la mise en scène du processus budgétaire proposée dans The West Wing est, à l’évidence, extrêmement riche pour qui cherche à comprendre le phénomène juridique dans son ensemble. Denys de Béchillon le disait déjà dans Qu’est-ce qu’une règle de droit ? :

« Le « vrai » Droit, objectif, se construit aussi avec des représentations, « fausses » ou pas. Nous avons donc besoin de comprendre ces dernières (et les modalités de leur construction sociale) si nous voulons saisir pleinement la réalité du Droit dont elles font leur objet »[22].


[1] « Separation of Powers » et « Shutdown ».

[2] En ce sens, v. M. Boutet, « Le Président des Etats-Unis, héros de séries télévisées. La figure présidentielle dans les séries américaines récentes », Le Temps des Médias, 2008, n°10, p. 156.

[3] V. Art. I. Sect. 8 de la Constitution des Etats-Unis : « The Congress shall have Power To lay and collect Taxes, Duties, Imposts and Excises, to pay the Debts and provide for the common Defence and general Welfare of the United States »et Art. I Sect. 9 : « No Money shall be drawn from the Treasury, but in Consequence of Appropriations made by Law ; and a regular Statement and Account of the Receipts and Expenditures of all public Money shall be published from time to time ». Sur l’ensemble du processus budgétaire, v. not., E. Zoller, « Les pouvoirs budgétaires du Congrès des Etats-Unis », RFFP, 2004, p. 267 (et les références citées) et B. Heniff Jr, M. S. Lynch et J. Tollestrup, « Introduction to the Federal Budget Process », CRS Report for Congress, R98-721.

[4] E. Zoller, art. préc., p. 277, nous soulignons.

[5] On peut toutefois noter que, contrairement à d’autres épisodes de la série, les dispositions elles-mêmes de la Constitution ne sont pas citées.

[6] Au fil des saisons et des épisodes, un nombre important d’éléments constitutionnels ont ainsi été évoqués : par exemple, l’Article I, Section 2 de la Constitution (« Mr. Willis of Ohio », épisode 6 de la saison 1) ; la protection des libertés individuelles (v. notamment « The Short List », épisode 9 de la saison 1) ; le discours sur l’état de l’Union (« He shall from time to time… », épisode 12 de la saison 1 ; « Bartlet’s Third State of the Union » et « The War at Home », épisodes 13 et 14 de la saison 2 ; « 100 000 airplanes », épisode 11 de la saison 3 ; « The Benign Prerogative » et « Slow News Day », épisodes 11 et 12 de la saison 5 ; « 365 days », épisode 12 de la saison 6) ; le veto législatif du Président (« On the Day Before », épisode 4 de la saison 3) ; le XXVe amendement (« Twenty Five », épisode 23 de la saison 5) et même la transition démocratique d’un Etat d’Europe de l’Est qui entraîne l’écriture d’une nouvelle Constitution (« The Wake Up Call », épisode 14 de la saison 6).

[7] M. Winckler, « Les coulisses du pouvoir », article paru in Le Monde Diplomatique en 2003 et désormais disponible sur http://martinwinckler.com/article.php3?id_article=39.

[8] S’agissant des continuing resolutions, la série met alors en scène un élément souvent méconnu du processus budgétaire et pourtant extrêmement important. En effet, en application de la Constitution, « aucune somme ne sera prélevée sur le Trésor, si ce n’est en vertu de crédits ouverts par la loi » (Art. I, Sect. 9 de la Constitution). Par conséquent, l’adoption des résolutions temporaires est nécessaire pour permettre à l’Administration fédérale de fonctionner lorsque le budget définitif n’est pas encore adopté au premier jour de l’année fiscale, le 1er octobre aux Etats-Unis. Cette pratique s’est progressivement banalisée (depuis l’entrée en vigueur du Congressional Budget Act, seuls trois budgets fédéraux ont été adoptés avant le début de l’année fiscale : 1989, 1995 et 1997) et, dans certains cas, des résolutions temporaires couvrent, en réalité, l’ensemble de l’année budgétaire (ce fut le cas, par exemple, pour l’année fiscale 2011). Une telle pratique n’est pas satisfaisante en ce qu’elle révèle des blocages institutionnels importants et en ce qu’elle limite l’action des pouvoirs publics – les CR ne permettant pas une mise en œuvre satisfaisante de l’action publique.

[9] Art. I, Sect. 9 de la Constitution.

[10] En ce sens, v. M. Boutet, « Le Président des Etats-Unis, héros de séries télévisées. La figure présidentielle dans les séries américaines récentes », Le Temps des Médias, 2008, n°10, p. 159-160 : « Les techniques de dramatisation des situations bien connues à Hollywood sont utilisées pour donner aux négociations sur le budget fédéral entre le Président et le Congrès – en réalité fastidieuses et techniques – des accents de thriller : les visages tendus sont filmés de près, la musique accentue les émotions, et la mise en scène souligne la lutte de pouvoir entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ».

[11] E. Morin, Le cinéma ou l’homme imaginaire, Essai d’anthropologie, Ed. de Minuit, 1958, réédition Ed. Gonthier, 1965, p. 40.

[12] M. Boutet, « Le Président des Etats-Unis, héros de série télévisée. La figure présidentielle dans les séries américaines », Le Temps des Médias, 2008, n°10, p. 158. L’auteur indique également que « les premiers épisodes de The West Wing se présentent très clairement aux Américains comme ce qu’aurait pu être la politique des Démocrates au pouvoir à la fin des années 1990, sans le parfum de scandale et la force d’opposition d’un Congrès républicain »(Ibid. p. 158).

[13] Urgences [E.R.] (1994-2009).

[14] S. Chalvon-Demersay, « La confusion des conditions, Une enquête sur la série télévisée Urgences », Réseaux, 1999, n°95, p. 237 et s., spécialement p. 255-257.

[15] D. Jodelet, « Représentations sociales : un domaine en expansion », in D. Jodelet (dir.), Les représentations sociales, Puf, 1997, p. 53.

[16] J.-P. Esquenazi, La vérité de la fiction, éd. Hermès, 2009, p. 111.

[17] En ce sens, Charles Girard écrit que « ce sont les coulisses ou plutôt les couloirs du pouvoir exécutif, rarement visibles à l’écran, que la fiction prétend mettre au jour » (C. Girard, « The world can move or not, by changing some words » : La parole politique en fiction dans The West Wing », Revue de recherche en civilisation américaine [En ligne], 2/2010, disponible sur http://rrca.revues.org/index310.html, §24).

[18] E. Morin, Le cinéma ou l’homme imaginaire, Essai d’anthropologie, Ed. de Minuit, 1958, réédition Ed. Gonthier, 1965, p. 65.

[19] J.-P. Esquenazi, Les séries télévisées, l’avenir du cinéma ?, Armand Colin, 2010, p. 24-25.

[20] V. not., M. Abélès, Anthropologie de l’Etat, Ed. Payot, 2004, p.159 et s. et Le spectacle du pouvoir, Ed. de L’Herne, 2007 ainsi que G. Balandier, Le Détour. Pouvoir et Modernité, Ed. Fayard, 1985, spécialement
p. 104-108 et Le pouvoir sur scènes, Ed. Balland, 1992, spécialement p. 107-138.

[21] Le seul élément à noter est, ici, que ces deux épisodes ont été diffusés, pour la première fois aux Etats-Unis, au mois de novembre, c’est-à-dire après le début de l’année fiscale, à un moment où, en l’absence de budget fédéral définitif, il est effectivement nécessaire de recourir aux résolutions temporaires dans l’attente d’un compromis budgétaire complet.

[22] D. de Béchillon, Qu’est-ce qu’une règle de droit ?, Ed. Odile Jacob, 1997, p. 152.


Nota Bene
:
le présent ouvrage est diffusé par les Editions Lextenso. Vous pouvez donc vous le procurer directement auprès de notre diffuseur ou dans toutes les bonnes librairies (même virtuelles).

ParEditions L'Epitoge (Collectif l'Unité du Droit)

L’affaire Pagès (par le pr. K. Weidenfeld)

Voici la 44e publication offerte dans le cadre des 75 jours confinés des Editions L’Epitoge. Il s’agit d’un extrait des 8e & 9e livres de nos Editions dans la collection « Académique » :

les Mélanges en l’honneur
du professeur Jean-Louis Mestre.

Mélanges qui lui ont été remis
le 02 mars 2020

à Aix-en-Provence.

Vous trouverez ci-dessous une présentation desdits Mélanges.

Ces Mélanges forment les huitième & neuvième
numéros issus de la collection « Académique ».

En voici les détails techniques ainsi qu’une présentation :

Volumes VIII & IX :
Des racines du Droit

& des contentieux.
Mélanges en l’honneur du professeur Jean-Louis Mestre

Ouvrage collectif

– Nombre de pages : 442 & 516

– Sortie : mars 2020

– Prix : 129 € les deux volumes.

ISBN / EAN unique : 979-10-92684-28-5 / 9791092684285

ISSN : 2262-8630

Mots-Clefs :

Mélanges – Jean-Louis Mestre – Histoire du Droit – Histoire du contentieux – Histoire du droit administratif – Histoire du droit constitutionnel et des idées politiques – Histoire de l’enseignement du Droit et des doctrines

Présentation :

Cet ouvrage rend hommage, sous la forme universitaire des Mélanges, au Professeur Jean-Louis Mestre. Interrogeant les « racines » du Droit et des contentieux, il réunit (en quatre parties et deux volumes) les contributions (pour le Tome I) de :

Pr. Paolo Alvazzi del Fratte, Pr. Grégoire Bigot, M. Guillaume Boudou,
M. Julien Broch, Pr. Louis de Carbonnières, Pr. Francis Delpérée,
Pr. Michel Ganzin, Pr. Richard Ghevontian, Pr. Eric Gojosso,
Pr. Nader Hakim, Pr. Jean-Louis Halpérin, Pr. Jacky Hummel,
Pr. Olivier Jouanjan, Pr. Jacques Krynen, Pr. Alain Laquièze,
Pr. Catherine Lecomte, M. Alexis Le Quinio, M. Hervé Le Roy,
Pr. Martial Mathieu, Pr. Didier Maus, Pr. Ferdinand Melin-Soucramanien, Pr. Philippe Nélidoff, Pr. Marc Ortolani, Pr. Bernard Pacteau,
Pr. Xavier Philippe, Pr. François Quastana, Pr. Laurent Reverso,
Pr. Hugues Richard, Pr. André Roux, Pr. Thierry Santolini, M. Rémy Scialom, M. Ahmed Slimani, M. Olivier Tholozan,
Pr. Mathieu Touzeil-Divina & Pr. Michel Verpeaux,

… et pour le Tome II :

M. Stéphane Baudens, M. Fabrice Bin, Juge Jean-Claude Bonichot,
Pr. Marc Bouvet, Pr. Marie-Bernadette Bruguière, Pr. Christian Bruschi,
Prs. André & Danielle Cabanis, Pr. Chistian Chêne, Pr. Jean-Jacques Clère, Mme Anne-Sophie Condette-Marcant, Pr. Delphine Costa,
Mme Christiane Derobert-Ratel, Pr. Bernard Durand, M. Sébastien Evrard, Pr. Eric Gasparini, Père Jean-Louis Gazzaniga, Pr. Simon Gilbert,
Pr. Cédric Glineur, Pr. Xavier Godin, Pr. Pascale Gonod,
Pr. Gilles-J. Guglielmi, Pr. Jean-Louis Harouel, Pdt Daniel Labetoulle,
Pr. Olivier Le Bot, Pr. Antoine Leca, Pr. Fabrice Melleray,
Mme Christine Peny, Pr. Laurent Pfister, Pr. Benoît Plessix,
Pr. Jean-Marie Pontier, Pr. Thierry S. Renoux, Pr. Jean-Claude Ricci,
Pr. Albert Rigaudière, Pr. Ettore Rotelli, Mme Solange Ségala,
Pdt Bernard Stirn, Pr. Michael Stolleis, Pr. Arnaud Vergne,
Pr. Olivier Vernier & Pr. Katia Weidenfeld.

Mélanges placés sous le parrainage du Comité d’honneur des :

Pdt Hélène Aldebert, Pr. Marie-Bernadette Bruguière, Pr. Sabino Cassese, Pr. Francis Delpérée, Pr. Pierre Delvolvé, Pr. Bernard Durand,
Pr. Paolo Grossi, Pr. Anne Lefebvre-Teillard, Pr. Luca Mannori,
Pdt Jean Massot, Pr. Jacques Mestre, Pr. Marcel Morabito,
Recteur Maurice Quenet, Pr. Albert Rigaudière, Pr. Ettore Rotelli,
Pr. André Roux, Pr. Michael Stolleis & Pr. Michel Troper.

Mélanges réunis par le Comité d’organisation constitué de :

Pr. Jean-Philippe Agresti, Pr. Florent Blanco, M. Alexis Le Quinio,
Pr. François Quastana, Pr. Laurent Reverso, Mme Solange Ségala,
Pr. Mathieu Touzeil-Divina & Pr. Katia Weidenfeld.

Ouvrage publié par et avec le soutien du Collectif L’Unité du Droit
avec l’aide des Facultés de Droit
des Universités de Toulouse et d’Aix-Marseille
ainsi que l’appui généreux du
Centre d’Etudes et de Recherches d’Histoire
des Idées et des Institutions Politiques (Cerhiip)
& de l’Institut Louis Favoreu ; Groupe d’études et de recherches sur la justice constitutionnelle (Gerjc) de l’Université d’Aix-Marseille.

L’affaire Pagès (1939-1943).
Quand le Conseil d’Etat
appliquait le Code civil

Katia Weidenfeld
Agrégée des facultés de droit,
Ecole nationale des chartes

– Psl – Centre Jean Mabillon

La décision Sieur Pages du Conseil d’Etat du 19 février 1943 – qui consacre l’autorité du mari en lui permettant de s’opposer utilement à l’exercice d’une fonction publique par son épouse- est généralement traitée comme un accident de l’histoire jurisprudentielle. Tranchant avec un récit institutionnel qui se plaît à commémorer le rôle déterminant du Conseil d’Etat dans l’affirmation du principe d’égalité entre les hommes et les femmes, elle est souvent passée sous silence[1]. Lorsqu’elle est évoquée, elle est volontiers présentée comme un arrêt de circonstance, trahissant les stigmates d’une époque plus que la volonté d’une construction juridique[2].

Les archives retraçant la genèse de cette décision contrastent cependant avec cette analyse : elles révèlent la portée de principe que les membres du Conseil entendaient lui donner. L’arrêt Pagès est en effet dépourvu de toute portée pratique : lorsqu’il est délibéré, la situation de l’épouse du requérant était réglée depuis longtemps, à son détriment d’ailleurs. Et la solution retenue par le Conseil d’Etat n’était susceptible d’apporter aucune lumière pour régler la situation future des autres fonctionnaires éventuellement placées dans une situation identique. En 1945, le professeur Marcel Waline le déplore d’ailleurs : s’il approuve le sens de cette décision, au nom de la « fonction sociale » attachée au « pouvoir du mari de s’opposer à l’activité professionnelle qui écarterait sa femme du foyer », il regrette ainsi avec véhémence que la décision du Conseil d’Etat ne précise pas « par quel procédé le secrétaire d’Etat aurait pu mettre fin aux fonctions de l’intéressée[3] ».

L’adoption de la décision Pagès par l’Assemblée du contentieux[4], et non, comme le mentionne à tort le Recueil Lebon, par la Section du contentieux, traduit d’ailleurs clairement la force solennelle que ses auteurs entendaient lui donner. Mais cette solennité ne semble pas principalement liée à la résonnance idéologique de la décision. Il ne s’agissait sans doute pas principalement pour le Conseil d’Etat d’afficher son adhésion au retour à un mythique ordre ancien, valorisant le rôle domestique de la femme, que le gouvernement avait, d’ailleurs, largement perdu de vue en février 1943[5]. L’importance de l’arrêt tenait sans doute plutôt à son inscription dans un dialogue avec les juridictions judiciaires qui avaient également été amenées à se prononcer sur cette affaire.

L’affaire Pagès – qui dura près de quatre ans – fit en effet intervenir trois juridictions. Elle emmène aux confins du droit administratif, là où le droit public s’entremêle au Code civil et où le Palais-Royal est à l’unisson de celui de la Cité. En rompant ostensiblement le lien d’équivalence entre dualité juridique et dualité juridictionnelle, elle ramène sur des terres que les travaux du professeur Jean-Louis Mestre ont intensément scrutées et vers lesquelles il a ouvert de multiples chemins. Par ce diverticule, je voudrais rendre hommage au Maître célébré par ces Mélanges.

I. La guerre des époux Pagès

Au sein du couple Pagès, les hostilités judiciaires débutent le 25 avril 1939. Mais la décision du Conseil d’Etat intervient bien après la résolution du conflit, comme à contretemps.

A. Le conflit (avril 1939-14 juillet 1941)

Quelques mois avant la déclaration de guerre à l’Allemagne, Robert Pagès, expert-comptable, signifie par acte d’huissier à celle qu’il a épousée une dizaine d’années auparavant, Thérèse Marie Charlotte Bouhaye, une mise en demeure de démissionner de son emploi au sein de l’administration des postes, télégraphes et téléphones pour se consacrer entièrement aux soins du ménage. Comme il l’expliquera plus tard, M. Pagès reproche avant tout à sa femme de ne rentrer au domicile qu’à la nuit tombée, fatiguée et amaigrie par de longs trajets, et d’avoir refusé « d’accepter d’autres enfants » que leur fille unique, née en 1930[6].

On ignore pour quelle raison cette opposition ne se manifeste qu’en 1939, alors que T. Bouhaye est employée des Postes depuis plus de dix ans. Mais il est vraisemblable que la réforme du statut de la femme mariée, qui avait finalement abouti après la victoire du Front Populaire, ait paradoxalement joué un rôle. Ce texte et les débats qui l’ont précédé ont en effet été l’occasion de rappeler une disposition tombée en désuétude s’agissant des employées d’administration. Décevant les espoirs des féministes, la loi du 18 février 1938 avait en effet maintenu l’autorité maritale et reconnu à l’époux le droit de s’opposer à l’exercice d’une profession séparée par sa femme[7]. Ce pouvoir n’était pas nouveau dans son principe[8]. Mais son application s’était faite rare[9] dans une France qui se distinguait par une forte participation des femmes mariées au marché du travail[10].

Mme Pagès tente dans un premier temps de résister à l’injonction de son mari et saisit le Tribunal civil de la Seine pour lui faire apprécier le bien-fondé de l’opposition à son activité professionnelle. Par un jugement du 27 novembre 1939, rendu en Chambre du conseil, le Tribunal fait droit à la demande de Mme Pagès et lui accorde l’autorisation de continuer à exercer son emploi[11].

Mais M. Pagès fait appel. Le conseiller Werquin[12] est chargé de l’affaire. Présidée par Vuchot[13], la Cour d’appel de Paris infirme la solution de première instance. Quelques mois après que la loi du 11 octobre 1940 a interdit le recrutement des femmes mariées dans les services publics, l’arrêt du 7 décembre 1940 prescrit à Mme Pagès de cesser son emploi « dans le plus bref délai permis par les règlements administratifs ». Il invite néanmoins les époux à faire preuve de « bonne volonté à consentir les sacrifices réciproquement nécessaires (…) dans le but de resserrer des liens qui tendent, malheureusement, à se relâcher, d’atténuer, chacun en ce qui le concerne, les particularités de caractère qui heurtent manifestement le conjoint » ; la Cour exhorte même le mari, avant « de mettre à exécution la décision qu’il a librement prise dans l’intérêt de la famille, d’attendre que l’effort de compréhension et d’adaptation mutuelle ait porté ses fruits[14] ».

Ce conseil ne sera pas suivi par M. Pagès. En effet, quelques semaines après avoir reçu l’arrêt, il le signifie à la direction du personnel des Postes et, dès le 11 mars 1941, il écrit au Secrétaire général des postes, télégraphes et téléphones, l’ingénieur en chef des Postes Vincent Di Pace[15], pour se scandaliser que l’arrêt soit resté « inerte ». Il le somme de lui indiquer « à quelle date Mme Pagès cesserait ses fonctions ».

L’administration ne s’empresse cependant pas de régler la situation de Mme Pagès. Comme dans de nombreux services, la tentative de Vichy de mettre le droit à l’unisson d’une idéologie prônant le retour des femmes aux foyers se heurte aux contraintes démographiques[16]. La direction des Postes est alors certainement bien plus occupée à prévenir le risque de pénurie de main d’œuvre – les auxiliaires temporaires recrutées dans l’urgence en 1939-1940 et souvent retors[17] avaient commencé à être licenciées en juillet 1940 mais dès le printemps 1941, la réembauche de personnels féminins était à nouveau nécessaire[18]– qu’à se délester de personnels bien formés et zélés. Les fonctions précises occupées par Mme Pagès, dont le dossier ne paraît pas avoir été conservé par l’administration des Postes, ne sont pas mentionnées, mais celle-ci avait au moins le grade de commis[19].

Par la plume de son directeur du personnel, le Secrétariat général répond le 7 avril à M. Pagès « qu’on était disposé à accepter la demande que l’intéressée formulerait en ce sens, mais qu’il n’appartenait pas à l’administration de prononcer d’office sa mise en disponibilité ». Le 28 mai, la dame Pagès jette l’éponge et demande à l’administration « l’autorisation de cesser son service le 1er juillet 1941 ».

Aucune suite immédiate n’est cependant donnée à ce courrier et l’intéressée continue encore à travailler quelques semaines. Manifestement excédé, le mari saisit directement le Secrétaire d’Etat aux communications, Jean Berthelot, les 11 et 12 juillet 1941, d’« une succession de lettres », invoquant un « préjudice considérable » et exigeant qu’il soit sans délai mis fin aux fonctions de sa femme. Le 26 juillet, le Secrétariat d’Etat confirme l’analyse du Secrétariat général et précise que Mme Pagès a toutefois obtenu un congé sans solde de deux mois à compter du 14 juillet.

M. Pagès ne s’en satisfait cependant pas. Représenté par Me Bernard Auger, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation qui semblait s’être quelque peu spécialisé dans les droits des femmes[20], il saisit, le 4 août 1941, le Conseil d’Etat d’un recours en annulation contre le refus de l’administration de mettre fin aux fonctions de son épouse. Le 10 octobre, le congé sans solde de Mme Pages est prorogé sans limitation de durée.

B. Une vieille affaire

Le dossier a donc perdu tout intérêt pratique lorsque la section du contentieux – revenue à Paris depuis quelques mois- décide, le 13 octobre 1942, de renvoyer son examen devant l’Assemblée. Dans son dernier mémoire, daté du 30 avril 1942, le requérant fait d’ailleurs état de la « satisfaction qu’il a obtenue du fait de la mise de Madame Pagès en congé illimité[21] ». Et l’intéressée ne s’est même pas présentée au secrétariat général de la préfecture de la Seine pour prendre connaissance de la requête, comme elle y avait été invitée. Pour les époux Pagès, l’affaire est close.

Depuis le retour au pouvoir de Laval, le gouvernement de Vichy avait également abandonné l’ambition de résister à la « pente des temps[22] » et de ramener de manière systématique les femmes dans leurs foyers. L’acte dit loi du 12 septembre 1942 avait ainsi abrogé la loi d’octobre 1940 et admis, formellement, le recrutement des femmes mariées dans les emplois publics où elles étaient plus nécessaires que jamais. Pour le gouvernement, la valeur symbolique du pouvoir du mari de faire obstacle à l’activité professionnelle de sa femme s’était fortement érodée[23].

Aux yeux de la haute juridiction administrative, en revanche, le dossier Pagès n’avait pas perdu de son éclat. Celle-ci se prononce en effet le 19 février 1943 dans sa formation la plus solennelle. Présidée par le vice-président du Conseil d’Etat, Alfred Porche, elle est composée des hommes situés au cœur de l’institution[24]. Si plusieurs avaient bénéficié d’une récente promotion, la plupart y avaient déjà conquis des places élevées sous la IIIe République. A titre d’illustration de cette continuité institutionnelle, on peut noter que les cinq membres les plus hauts placés de l’Assemblée du contentieux de 1943 avaient déjà délibéré sur l’arrêt Delle Bobard aux conclusions Latournerie du 3 juillet 1936, par lequel le Conseil d’Etat avait admis que l’aptitude légale des femmes aux fonctions publiques puisse être limitée par les nécessités propres à chaque administration[25].

L’arrêt Pagès confirme l’impossibilité pour l’épouse de résister au vœu de son mari et annule les refus de l’administration de mettre fin aux fonctions de la fonctionnaire des Postes. Rendu d’ailleurs (comme beaucoup – toutes ? – de décisions de la même époque) sur un papier à en-tête de la « République française », cette décision s’inscrit dans la continuité d’une politique jurisprudentielle qui n’avait pas favorisé la progression de l’emploi féminin. L’originalité de la décision Pagès n’est donc pas là : elle est avant tout de soumettre les fonctionnaires et leur administration d’emploi au Code civil.

II. L’article 216 du Code civil à l’orée du droit public

Les trois juridictions qui se sont prononcées dans l’affaire Pagès se sont en effet fondées sur un seul et même texte, l’article 216 du Code civil dans ses dispositions issues de la loi du 18 février 1938[26].

Si les juridictions civiles et le Conseil d’Etat appliquent le même article 216 du Code civil, leurs réponses vont cependant porter sur des implications différentes du texte.

A. Une loi si peu émancipatrice

Les premières ne se prononcent ainsi pas expressément sur le champ d’application de la loi du 18 février 1938. Ni le Tribunal de la Seine, ni la Cour d’appel de Paris ne doutent que le fait d’être employée des postes est une « profession » au sens de l’article 216 du Code civil. La réponse (affirmative) leur paraît sans doute évidente : avec la révolution administrative, l’employée d’administration, dont le prototype est la sténo-dactylographe, est en effet devenue la figure emblématique du travail féminin au XXe siècle[27]. Ni les commentateurs civilistes[28], ni les parlementaires[29] ne semblent d’ailleurs avoir relevé la difficulté.

Est également traitée par prétérition la question de la date à laquelle le mari pouvait s’opposer à l’exercice par sa femme d’une profession séparée. Au cours des débats parlementaires, la possibilité pour le mari de faire obstacle à une activité professionnelle à laquelle il avait précédemment consenti, fût-ce implicitement, avait suscité d’importants débats. Dans leur majorité, les parlementaires considéraient, comme Maurice Viollette, ministre d’Etat du cabinet Chautemps, que « le mari est lié par l’autorisation expresse ou tacite qu’il a donnée[30] ». Mais comme l’avait prévu avec clairvoyance le sénateur (docteur en droit et avocat) Edmond Leblanc, il aurait fallu « l’écrire dans un texte et pas seulement le dire en séance parce que (…) les tribunaux ne font guère état de ce que nous disons ici[31] ! ». Ni le Tribunal ni la Cour ne relèvent ainsi la tardiveté de l’opposition formulée par le mari qui, d’ailleurs, n’était pas invoquée par la dame Pagès. Cette solution, qui était appuyée par une partie de la doctrine civiliste[32], conduisait, en pratique, à un recul des droits des femmes par rapport au système de l’autorisation a priori qui prévalait avant 1938 : la logique de celui-ci était en effet que le mari devait exprimer son consentement antérieurement à l’exercice de la profession.

Mais c’est sur un autre terrain encore que la loi sur la capacité de la femme mariée de 1938 se révélait avoir des effets très éloignés de l’ambition « émancipatrice » dont elle était théoriquement porteuse[33]. Pour octroyer l’autorisation de travailler à Mme Pagès, le Tribunal de la Seine – qui se prononce pendant la « drôle de guerre »- avait relevé que l’opposition de son mari n’était pas conforme à l’intérêt du ménage et de la famille. Après avoir constaté que la fille du couple était « élevée par sa grand-mère paternelle à la campagne, à l’abri des dangers de la guerre »comme du besoin matériel, il avait considéré que la prévention de M. Pagès, lequel faisait feu de tout bois pour entretenir une « atmosphère de crise (…) dans les rapports entre les époux », était « essentiellement arbitraire et injustifiée ». Lorsqu’elle rend sa décision, après l’armistice, la Cour ne remet pas en cause cette appréciation des faits. C’est au motif d’une erreur sur l’étendue du contrôle exercé par le juge civil que le jugement de première instance est infirmé. Aux yeux de la Cour d’appel, « le problème, en effet, n’est pas de rechercher si la solution proposée par le mari est la meilleure pour assurer le maintien de la vie commune, mais simplement de dire si le mari s’est laissé inspirer par des considérations autres que celles de l’intérêt du ménage ou de la famille ». Il ne peut être passé outre l’opposition du mari que « dans le cas où ce dernier se serait laissé guider par des mobiles abusivement autoritaires ou vexatoires » car « la décision appartient toujours au mari », le juge ne pouvant pallier le défaut d’autorisation maritale qu’en cas d’abus ou, en termes publicistes, de détournement de pouvoir.

Cette interprétation est accueillie avec d’importantes réserves par tous les commentateurs de l’arrêt. Elle maintient en effet la femme dans une incapacité plus grande encore que celle issue du régime antérieur à la loi de 1938[34]. Depuis le milieu du XIXe siècle[35], les juges s’étaient reconnus compétents pour autoriser une activité professionnelle lorsque la décision prise par le mari, sans présenter de caractère abusif, ne correspondait néanmoins pas, selon eux, à l’intérêt du ménage. L’avocat Boitard refuse même d’admettre que l’arrêt, difficile à justifier juridiquement, serait « une décision prétorienne mais heureuse, bien dans la ligne de la politique familiale actuelle[36] ». Le Petit Parisien – qui s’est alors rallié au gouvernement de Vichy – intitule avec ironie l’article consacré à la dame Pagès : « La femme est toujours mineure[37] », raillant ainsi cette application à front renversé de la loi de 1938 qui était généralement présentée comme octroyant la majorité à l’épouse.

B. Un double inversé de la décision Blanco ?

A ce concert de critiques, le Conseil d’Etat aurait d’autant plus facilement pu joindre sa voix que cela l’aurait conduit à confirmer la position gouvernementale. Ce n’est cependant pas la voie choisie. A la défense du gouvernement – le Secrétaire général des postes, qui gère l’essentiel de cette affaire, tant du point de vue administratif que contentieux, est toujours Di Pace-, la haute juridiction préfère la solidarité avec la Cour d’appel.

Ainsi, alors que la question n’était pas discutée par l’administration, le Conseil d’Etat commence, explicitement cette fois, par faire cause commune avec les juridictions judiciaires dans leur interprétation du champ d’application de l’article 216 du Code civil. La faculté reconnue au mari de s’opposer à ce que sa femme exerce une profession séparée « a une portée générale et s’étend aux fonctions publiques comme aux emplois privés », précise ainsi l’arrêt.

Cette formulation, qui revendique l’application par le juge administratif des dispositions du Code civil, contraste singulièrement avec celle forgée dans les premières années de la troisième République autour, notamment, de la décision Blanco[38]. Si, on le sait bien[39], le lien établi par le Tribunal des conflits entre la compétence juridictionnelle et le droit appliqué recueillait une tradition née sous le second Empire, notamment avec les arrêts Lapeyre[40] et Rothschild[41], il sert, sous la troisième République, d’ « acte de baptême » au droit administratif[42].

Le succès de la décision Blanco ne doit pas seulement à la référence faite au service public et à l’indépendance qu’elle accordait aux titulaires du pouvoir exécutif[43]. La justice administrative républicaine a également puisé dans l’éviction du Code civil une légitimité nouvelle, permettant d’éclipser le soupçon de promiscuité avec l’administration qui avait failli lui coûter son existence. Dès 1883, le commissaire du gouvernement Le Vavasseur de Precourt[44] exprime clairement cette fonction ; la raison d’être de la juridiction administrative peut ainsi être présentée comme purement technique, liée à l’application d’un droit distinct des règles civiles : « Si en matière de dommages causés par les travaux publics, le Code civil eût dû être appliqué, le législateur de l’an VIII n’aurait eu aucune raison pour attribuer compétence au sujet de ces dommages à la juridiction administrative. Comment, en effet, justifie-t-on l’existence d’une juridiction administrative distincte de l’autorité judiciaire ? On la justifie historiquement en en rattachant la création au principe de la séparation des pouvoirs ; mais on la justifie aussi, pratiquement, par ce motif que le caractère des lois administratives est différent du caractère des lois civiles (…) ».

Certes, l’arrêt Pagès est loin d’être le premier à faire une application directe d’articles du Code civil[45]. Certaines dispositions étaient utilisées de manière traditionnelle et régulière par le juge administratif[46]. Mais il s’agissait souvent de dispositions techniques (intérêt ou prescription) et on peine à trouver des rédactions aussi affirmatives que celles de la décision de 1943. En outre, à l’égard des agents des services publics, le Code civil semble, dans l’entre-deux-guerres, encore utilisé comme un marqueur de la compétence juridictionnelle par le Conseil d’Etat[47].On peut ainsi penser que l’arrêt Sieur Pagès a été conçu par ses rédacteurs comme un double inversé de la décision Blanco, permettant de mettre symboliquement le juge administratif de l’Etat français à distance de l’institution républicaine.

C. Les femmes fonctionnaires : entre statut et contrat

La deuxième question posée au Conseil d’Etat était beaucoup plus délicate et elle est tranchée par la décision, sans être motivée. C’est pourtant sur ce point que s’était concentrée la défense du Secrétaire général des postes, télégraphes et téléphones[48] : celui-ci n’avait en effet pas récusé la possibilité pour le mari de s’opposer à l’emploi public de sa femme ; il avait seulement défendu que ce veto, même validé par le juge judiciaire, n’était pas directement opposable à l’administration. A l’égard des tiers, l’effet de l’interdiction maritale était en effet prévu par l’alinéa 4 de l’article 216 du Code civil dans les termes suivants : « L’opposition valable du mari est une cause de nullité des engagements professionnels contractés par la femme ». Or, faisait valoir l’administration, « s’agissant de fonctionnaires – à la catégorie desquels appartient Mme Pagès – il ne peut plus être question d’engagements contractuels ».

L’argument faisait écho à la thèse défendue quelques années auparavant par Achille Mestre. Interrogé par le quotidien Le Temps sur la possibilité pour le nouveau chef du gouvernement du Front Populaire, Léon Blum, de nommer une femme ministre sans l’autorisation de son mari, le professeur de droit administratif avait répondu par un syllogisme : « Le poste de ministre est une fonction publique. Or, la fonction publique ne comporte pas de contrat. Donc, la femme mariée peut être ministre sans autorisation du mari ». Explicitant son raisonnement, il précisait que le Code civil ne prévoyait qu’une incapacité contractuelle alors que la fonction publique, « hors du commerce (…) échappe au régime des contrats[49] ».

Dans le contexte de l’arrêt Sieur Pagès, cette position avait encore marqué un point : en ancrant – après des discussions débutées en 1871- les fonctionnaires dans une logique statutaire, l’acte dit loi du 14 septembre 1941 avait clairement fait le choix de l’exorbitance pour les agents[50] – au moins pour ceux relevant de la catégorie des fonctionnaires, dont était la dame Pagès. Le Secrétaire général, qui n’était pas juriste de formation, pensait sans doute séduire la haute juridiction qui avait guidé la rédaction du statut[51] en faisant grand cas de la qualification du lien unissant un fonctionnaire à l’administration : « la situation du fonctionnaire n’a point, en effet, -il n’est pas besoin d’insister sur ce point unanimement reconnu aujourd’hui en jurisprudence comme en doctrine- de caractère contractuel ; elle est de caractère essentiellement réglementaire ; la loi du 14-9-41 est formelle à cet égard (…). On est ici en présence d’une situation administrative qui, normalement, ne peut prendre fin que par des procédés administratifs à mettre en jeu par l’administration dans les conditions prévues par les règlements ». Et de citer Gaston Jeze plaidant pour une « fonction publique, ‘organisée non point pour le fonctionnaire, mais pour la satisfaction la meilleure possible des besoins communs ».

Mais le Conseil d’Etat ne s’embarrasse pas de ces distinctions théoriques[52] dont il n’avait jamais été friand[53]. Il eût d’ailleurs été pour le moins paradoxal qu’une institution qui se considérait comme un pilier de la révolution nationale freine, au nom d’un statut rédigé sous ses auspices, les effets d’une autorité maritale destinée, au moins en théorie, à protéger la famille. Si elle n’emploie pas le vocabulaire civiliste de l’opposabilité, la haute juridiction impose à l’administration de prendre en compte le veto marital. Saisi par le mari, « le secrétaire d’Etat aux Communications ne pouvait plus, dès lors, maintenir la dame Pagès dans son emploi », assène le Conseil d’Etat ; la protection des intérêts publics pouvait justifier « de prendre toutes mesures utiles au cas où le départ immédiat de celle-ci aurait été de nature à nuire à une bonne marche du service public », mais la marge de manœuvre administrative s’arrêtait à cette faculté de différer – légèrement – la fin des fonctions. Pour le reste, la femme mariée fonctionnaire restait soumise à la puissance de son mari, sans que l’autorité administrative y fasse écran.

Les décisions de la Cour d’appel de Paris, d’une part, et du Conseil d’Etat, d’autre part, s’inscrivent dans des contextes politiques assez différents. En décembre 1940, l’arrêt de la Cour d’appel de Paris conforte les efforts du régime de Vichy pour valoriser la puissance maritale. Celui du Conseil d’Etat, en février 1943, ne peut en revanche être lu comme inspiré par une volonté de complaire au gouvernement de l’Etat français : d’une part, la haute juridiction annule la décision prise par celui-ci ; d’autre part, l’arrêt réaffirme, avec solennité, un attachement à des valeurs de la révolution nationale que les autorités étatiques avaient largement récusées. Mais si l’arrêt Sieur Pagès traduit ainsi une imprégnation idéologique propre à l’institution, il est surtout remarquable par sa volonté d’afficher solennellement l’harmonie des juges.

Dans leur appréhension de l’affaire Pagès, le Conseil d’Etat et la Cour d’appel de Paris paraissent en effet à l’unisson. Les deux juridictions partagent un texte – l’article 216 du Code civil – et un certain détachement à l’égard de la doctrine universitaire républicaine. Leurs décisions s’efforcent également de restreindre les interférences des autorités étatiques – le juge, pour la juridiction civile, l’administration, pour la juridiction administrative – dans la conduite des affaires familiales pour maintenir une place éminente au chef de famille dont l’autorité ne devait souffrir ni contrôle judiciaire, ni pesanteur administrative. Les connexions sociologiques au sein des mondes judiciaires parisiens sous l’Occupation restent malheureusement mal connues. Mais le dialogue entretenu par la haute juridiction administrative avec la Cour d’appel de Paris à l’occasion de l’affaire Pagès invite à s’interroger sur leur existence.


[1] Voir en dernier lieu J.-M. Sauve, « Allocution introductive au colloque du 14 novembre 2017 », Jcp A, 20 juillet 2018, n°29, p. 2212.

[2] G. thuillier, Les femmes dans l’administration depuis 1900, Puf, Paris, 1988, p. 78 et s.

[3] D., 1945, p. 60.

[4] Le Recueil Lebon (1943, p. 44) indique qu’il s’agit d’un arrêt de section, mais il s’agit d’une erreur, comme le confirment la minute et le procès-verbal de la décision, Archives nationales, 20010327/30 et AL/4980.

[5] M. O. Baruch, Servir l’Etat français. L’administration en France de 1940 à 1944, Fayard, Paris, 1997, p. 110 et s.

[6] Archives Nationales, AL/5800 n°71620.

[7] J.-L. Halperin, Histoire du droit privé français, Paris, Puf, 1996, p. 214 et s ; C. Bard, Les filles de Marianne. Histoire des féminismes 1914-1940, Paris, Fayard, 1995, p. 361 et s.

[8] Dans le régime antérieur, le principe était celui de l’autorisation, expresse ou tacite, du mari à l’exercice d’une profession par son épouse. Mais la différence pouvait apparaître purement « verbale et spectaculaire », P. Voirin, « Commentaire de la loi du 22 septembre 1942 », Rtd civ., 1943, p. 76.

[9] Le sénateur Edmond Leblanc, qui défend une version stricte du droit de veto du mari, évoque essentiellement le cas des femmes employées par les « entrepreneurs de spectacles immoraux » scandaleuses et admet que l’autorisation est, par principe, acquise pour une femme médecin ou avocat, séance du 19 mars 1937, Journal officiel Débats, Sénat, p. 356.

[10] D. Gardey, La dactylographe et l’expéditionnaire. Histoire des employés de bureau (1890-1930), Paris, Belin, 2001, p. 259.

[11] 27 novembre 1939, Gaz. Pal. 1941, I, 11.

[12] Il semble s’agir du même magistrat Werquin qui, à la Libération, fera l’objet d’une mise à la retraite d’office en raison de sa participation au fonctionnement et au recrutement des sections spéciales. Cette mesure sera finalement annulée par le Conseil d’Etat (CE, 4 juin 1947, Werquin, Rec. T. 604). Un article de La Défense (édition du 19 mars 1948), organe de presse de la section française communiste du Secours rouge international, s’élève violemment à cette occasion contre la politique contentieuse du Conseil d’Etat en matière d’épuration administrative.

[13] Vuchot sera membre en 1945 de la commission d’instruction de la Haute cour chargée du procès de Vichy, F. Kupferman, Le procès de Vichy : Pucheu, Petain, Laval, éditions Complexe, Paris, 2006, p. 53.

[14] 7 novembre 1940, Gaz. Pal. 1941, I, 12.

[15] Acte dit décret de l’Etat français du 20 décembre 1940, Bulletin Officiel des Postes, Télégraphes et Téléphones, n°1 page 2 du 10 janvier 1941.

[16] M.-O. Baruch, op. cit., p. 113.

[17] Archives nationales, Note du 7 mars 1940, F/90/21683.

[18] F. Rouquet, « Le sort des femmes sous le gouvernement de Vichy », Lien social et politiques, n°36, p. 61 et s.

[19] Mme Pagès est en effet qualifiée sans hésitation de « fonctionnaire » pour l’application de l’acte dit loi du 14 septembre 1941, alors que, dans l’administration des Postes, une note préconisait de ranger dans la catégorie des employés les « dames employées, dames dactylographes, assistantes-receveuses, [et] gérantes de cabine téléphonique » (Archives nationales, F/90/21684).

[20] Son article « Les femmes devant le fisc » inaugure ainsi la revue l’Information féminine, fondée par Marcelle Kraemer-Bach en 1927.

[21] Archives nationales, AL/5800, n°71620.

[22] S. Verdeau, L’accession des femmes aux fonctions publiques, Imprimerie moderne Paillès et Chataigner, Toulouse, 1942, p. 179.

[23] M. Bordeaux, La victoire de la famille dans la France défaite. Vichy (1940-1944), Paris, Flammarion, 2002, p. 160 et s.

[24] Y siègent, outre le vice-président, le président de la section du contentieux, Rouchon-Mazerat, les présidents des sous-sections, Durand, Rousselier, Blondeau, Josse, Latournerie, Bouffandeau, Gelinet, Dulery, les conseillers d’Etat Bonifas, Comolet, Tirman, Canet, Bouët et le maître des requêtes rapporteur Despres. Leonard occupe le pupitre du commissaire du gouvernement.

[25] Sur cette lecture, symétrique à celle présentée par les Grands arrêts de la jurisprudence administrative, cf. K. Weidenfeld, « Commentaire de l’arrêt Dlle Bobard », Les Grands arrêts politiques de la jurisprudence administrative, éd. T. Perroud ; Dalloz, 2019.

[26] Ces dispositions seront transférées à l’article 223 du Code civil par l’acte du 22 septembre 1942, validé par ordonnance du 9 octobre 1945.

[27] D. Gardey, « Du veston au bas de soie : identité et évolution du monde des employés de bureau, 1890-1930 », Le Mouvement social, avril-juin 1996, no 175, p. 72 et s.

[28] P.ex. E. Darrouzet, L’exercice d’une profession par la femme mariée, Thèse pour le doctorat, Paris, Sirey, 1940 ; R. Aynes, La loi du 18 février 1938 sur la capacité de la femme mariée, Thèse pour le doctorat, Paris, 1939 ; R. Vuichoud, L’application de la loi du 18 février 1938 sur la capacité de la femme mariée, Thèse pour le doctorat, Paris, éditions Domat-Montchretien, 1941 ; S. Grinberg et O. Simon, Les droits nouveaux de la femme mariée : commentaire pratique et théorique de la loi du 18 février 1938, Paris, Sirey, 1938.

[29] La question n’est semble-t-il pas abordée dans les débats.

[30] 17 mars 1938, Jorf Débats, Sénat, p. 358.

[31] Ibid., p. 357.

[32] E. Darrouzet, op. cit., p. 81 et s.

[33] E. Darrouzet, op. cit.,p. 8 et s.

[34] R. Vuichoud, op. cit., p. 63 et s. Voir aussi la note rapide qui accompagne la publication du jugement et de l’arrêt à la Gazette du Palais, 1941 (op. cit.).

[35] Cour d’appel de Paris, 24 octobre 1844, S. 1844, 2, 581 ; Cour d’appel de Paris, 3 janvier 1868, D. 1868, 2, 28.

[36] S. 1943, 2, 13.

[37] Article d’Edmond Turgis, édition du 7 janvier 1941.

[38] TC, 8 février 1873, p. 61 : « la responsabilité qui peut incomber à l’Etat dans ce cas ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil pour les rapports de particulier à particulier ». On peut aussi citer, pour l’exclusion expresse de l’article 1384 du Code civil, TC, 17 janvier 1874, Ferrandini et Ribetti, p. 70. Et, pour le cas symétrique, la décision TC, 11 décembre 1880, p. 1000 qui renvoie à l’autorité judiciaire le soin d’apprécier la responsabilité d’un préfet lorsque celle-ci n’est recherchée que sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.

[39] G. Bigot, L’autorité judiciaire et le contentieux de l’administration. Vicissitudes d’une ambition (1800-1872), Lgdj, Paris, 1999, spéc. p. 481 et s.

[40] Pour attribuer à l’autorité judiciaire le jugement de la responsabilité de l’Etat locataire de bâtiments utilisés comme caserne par un escadron de cavalerie, le premier Tribunal des conflits se fonde ainsi sur la nécessité d’appliquer l’article 1733 du Code civil (relatif à la responsabilité du locataire à l’égard de son propriétaire), TC, 23 mai 1851, Lapeyre, p. 377.

[41] L’arrêt Rothschild, rendu sur conflit, pare d’un nouvel argument la compétence de la juridiction administrative lorsque la responsabilité de l’Etat agissant dans le cadre d’un service public était mise en cause : l’impossibilité de l’apprécier au regard des dispositions du seul droit civil, CE, 6 décembre 1855, Rec. 705.

[42] G. Bigot, Les mythes fondateurs du droit administratif, Rfda, 2000, p. 527.

[43] J.-C. Ricci, « La difficile affirmation du juge administratif (1840-1873). Variations autour des arrêts Rothschild et Blanco », dans ce même volume.

[44] Conclusions sous CE, 11 mai 1883, Sieur et dame Chamboredon et sieur Brahic c/ Compagnie de Paris-Lyon-Méditerranée, Rec. 481.

[45] X. Mondesert, « Le Code civil et le juge administratif », Centre de Recherches des Droits Fondamentaux, n°4, 2005, p. 179.

[46] Les articles 1153 et 1154 du Code civil, sur les intérêts moratoires et la capitalisation des intérêts, font ainsi l’objet d’une jurisprudence abondante dès 1856-1857, Tables du recueil Lebon 1849-1858, p. 435.

[47] Ainsi, lorsqu’à l’occasion d’un licenciement, une indemnité de rupture est réclamée sur le fondement de l’article 1780 du Code civil, celui-ci récuse sa compétence, CE, 6 mai 1921, Sieur Mourgues, Rec. 450 ; CE, 30 janvier 1924, Sieur Segaud, Rec. 118.

[48] Mémoire du 7 avril 1942, Archives nationales, AL/5800 n°71.620.

[49] Le Temps, 1er juin 1936, p. 6.

[50] G. Thuillier, « Le statut des fonctionnaires de 1941 », La Revue administrative, 1979, n° 191, p. 480 et s.

[51] Le président Josse qui participait à la délibération de l’Assemblée du contentieux avait notamment rapporté sur le projet de statut devant l’Assemblée générale du Conseil d’Etat. M.-O. Baruch, « Le Conseil d’Etat sous Vichy », La Revue administrative, numéro spécial, 1998, p. 57 et s.

[52] P.-Y. Moreau, « Contrer le contrat. Léon Duguit et Maurice Hauriou, inventeurs du statut des fonctionnaires », Rdp, 2016, n°4, p. 1063 et s.

[53] CE, 7 août 1909, Winkell et Rosier, Rec. 826.

Nota Bene : le présent ouvrage est diffusé par les Editions Lextenso. Vous pouvez donc vous le procurer directement auprès de notre diffuseur ou dans toutes les bonnes librairies (même virtuelles).

ParEditions L'Epitoge (Collectif l'Unité du Droit)

République & Justice pénale (par M le pr. Jacques Viguier)

Voici la 17e publication offerte dans le cadre des 75 jours confinés des Editions L’Epitoge. Il s’agit d’un extrait du 1er livre de nos Editions dans la collection « Académique » : les Voyages en l’honneur du professeur Geneviève Koubi.

L’extrait choisi est celui de l’article de M. le professeur Jacques Viguier intitulé « République & Justice pénale« .

Cet ouvrage est le premier
issu de la collection « Académique ».

En voici les détails techniques ainsi qu’une présentation :

Volume I :
Voyages en l’honneur du professeur Geneviève Koubi :
un droit à l’évasion … circulaire !

Ouvrage collectif
(Direction Mathieu Touzeil-Divina & Gilles J. Guglielmi)

– Nombre de pages : 362
– Sortie : octobre 2012
– Prix : 69 €

  • ISBN : 978-2-9541188-2-6
  • ISSN : 2262-8630

Présentation :

La carrière du professeur Koubi a fêté ses trente années d’entrée dans la fonction publique. Pour cet anniversaire (et un autre plus « civil »), comme un clin d’œil aux rapports qu’elle entretient avec la notion de commémoration, et parce qu’elle a toujours dit refuser les honneurs lors de son départ officiel en retraite, quelques collègues et amis ont décidé – en secret, comme ce devrait être toujours l’usage – de lui proposer un hommage pour ces trente années de notes, de publication(s), de critique(s) et de dévouement au service public, à l’enseignement et à la recherche. La thématique qui a été retenue est triple : en effet elle tourne non seulement autour du voyage mais également de l’évasion et ce, de façon nécessairement …. « circulaire » !

Le Professeur Koubi se méfie des institutions, sans doute parce qu’elle les connaît bien et ne supporte pas les complaisances qui s’y développent naturellement. Geneviève n’aime pas les commémorations, espaces de consensus forcés par le temps, stations artificielles sur un chemin non tracé mais continu. Des « Mélanges » ne pouvaient donc pas lui convenir, sauf s’ils sortaient de la tradition institutionnelle ou cérémonielle, sauf s’ils évitaient les écueils de l’entre-soi, de la promotion corporative, de l’atteinte aux mystères d’une personnalité. C’est pourquoi ces Mélanges, bien qu’ils soient substantiellement l’offrande de collègues et d’amis à une femme qui a marqué la vie intellectuelle de son temps et des disciplines qu’elle a fréquentées, ne respectent quasiment aucune règle coutumière du genre des Mélanges. En cela, ils consacrent par eux-mêmes l’axe majeur des travaux de la dédicataire : penser la transgression.

République
et Justice pénale

Jacques Viguier
Professeur à l’Université
Toulouse I – Capitole
Idetcom

Celle à qui est dédiée cette contribution a toujours été passionnée par la Justice et la République. Mettre les deux en résonance à travers le cas français apparaissait alors comme une évidence. C’est un sujet magnifique, tellement magnifique qu’on peut même hésiter à l’aborder, la matière semblant particulièrement riche.

Pourtant le thème est là. Plus de dérobade possible !

Qu’est-ce que la Justice ? Le terme possède au moins un double sens, la Justice avec un grand J côtoie la justice avec un petit j. C’est-à-dire, pour expliciter un peu, que la Justice avec un grand J au sens philosophique ou divin s’oppose à la justice avec un petit j, qui correspond aux juridictions. On parle de manière très courante en France de la justice administrative et de la justice judiciaire, visant en cela l’ordre juridictionnel administratif relatif aux rapports entre les personnes privées et les institutions administratives ou aux rapports entre diverses institutions administratives, qui se distingue de l’ordre juridictionnel judiciaire relatif aux rapports des personnes privées entre elles. Chaque ordre juridictionnel possède une juridiction suprême, le Conseil d’Etat pour la justice administrative, la Cour de Cassation pour la justice judiciaire. Les juridictions pénales sont placées de manière originale, avec presque une contradiction. En effet il s’agit de porter un individu devant un tribunal pénal pour le faire juger et, si nécessaire, le condamner, au nom de l’Etat. Il apparaît en quelque sorte une contradiction : la place des juridictions pénales pourrait en effet être au sein de l’ordre juridictionnel administratif puisqu’il s’agit d’un rapport individu-Etat, mais la construction des juridictions en France fait qu’elles se situent au sein de la juridiction judiciaire.

Les juridictions pénales appliquent le droit pénal. Or le droit pénal à un moment donné dans un Etat donné ce n’est pas forcément la Justice ! Combien de pays, sous la coupe de tyrans, vivent dans l’obscurantisme, malmenés par un droit et des juridictions au service du pouvoir ! De même il existe des variations dans le temps quant aux comportements pénalement répréhensibles : tel agissement légal devient irrégulier, ou tel agissement illégal devient régulier ! La France, malgré ses défauts, fait partie, comme l’ensemble des Etats européens en matière pénale des quelques Etats certes perfectibles, mais corrects. On pourrait reprendre ici l’aphorisme de Churchill sur la démocratie qui serait le « pire des régimes, à l’exception de tous les autres » : le droit pénal et les juridictions pénales en France correspondent à la pire des situations, mais qui apparaît pourtant bien meilleure que dans de nombreux autres Etats.

Ce qui est dommage, c’est que le droit et les juridictions dans leur ensemble, au fil du temps et d’une complexité croissante du droit, ont perdu l’origine, les sources. Avec le Code de Hammourabi ou les Dix commandements, on voyait clairement que le droit était là pour rendre la Justice et les tribunaux aussi. Allez aujourd’hui rechercher, pour prendre un seul exemple dans le Code Général des Impôts la justification de tel ou tel article ! On en a perdu le fondement. Par contre dans les juridictions pénales, on juge plus directement des personnes qui ont porté atteinte à la société en ne respectant pas l’Etat ou d’autres personnes.

Qu’est-ce que la République ? En France on évoque classiquement la Deuxième République en 1848, la IIIe République avec le Constitution de 1875, la IVe République en 1946 et, enfin, la Ve République avec la Constitution de 1958. Et on oublie souvent alors le régime qui a posé les fondements des principes républicains, la Ière République. La Constitution de 1791 correspondait à une monarchie constitutionnelle. Il faut attendre le 21 septembre 1992 pour que la Convention décide de l’abolition de la Royauté et le 22 septembre pour que soit prise la décision de dater les actes de l’an I de la République. Avec la Constitution de 1793 et la Constitution de 1795 la République perdure, avec chaque fois une Déclaration des droits. En effet il n’existe pas seulement la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Il y a aussi celle de 1793, et celle de 1795, cette dernière présentant la particularité d’évoquer les droits, mais aussi les devoirs ; c’est un des rares textes à s’être livré à cette approche, souvent ignorée par les autres constitutions.

La République peut être distinguée d’autres régimes, comme la tyrannie, le totalitarisme ou la théocratie. C’est la comparaison avec la monarchie qui paraît la plus évidente ; on peut penser que s’il y a monarchie, forcément, il n’existe pas de République. Pourtant aujourd’hui la situation est moins évidente quand on introduit la notion d’Etat de droit. La monarchie constitutionnelle, telle qu’elle existe dans les Etats européens, correspond à un Etat de droit, comme les Républiques. Ce qui peut frapper, c’est que le pouvoir du Chef de l’Etat, du roi, est inférieur au pouvoir du Président de la République français dans les monarchies européennes, en particulier en Angleterre ou en Espagne. En réalité la République française et ces deux monarchies se rapprochent par leur caractère d’Etat de droit et la nature parlementaire du régime, puisqu’il existe un Parlement qui fixe les règles générales et impersonnelles. Paradoxalement, alors même qu’ils figurent dans un Etat monarchique, le Parlement espagnol ou le Parlement anglais possèdent plus de pouvoirs que le Parlement français, et le Premier ministre, qui exerce le pouvoir réel dans le Pays, possède dans les deux Etats précités une autorité qui n’a rien à voir avec le Premier ministre français, qui reste soumis aux diktats du chef de l’Etat.

La République à la française, c’est une République qui relève du modèle de la démocratie libérale. Elle est fondée sur un triptyque, sur l’idée centrale des trois droits sacrés, la liberté, l’égalité et la fraternité. Pour aller à l’essentiel, la liberté et l’égalité sont totalement contradictoires, et c’est la fraternité qui permet de trouver un équilibre entre les deux. Il existe des polémiques quant à la liste des droits naturels et sacrés de la République : par exemple à propos de la propriété, que certains considèrent, à l’exemple de la Déclaration de 1789, comme un droit naturel et sacré et que d’autres considèrent comme ne relevant pas de cette catégorie. Egalement la nature et la portée de ces droits ont pu faire l’objet de polémiques. Par exemple, en matière de liberté, Rousseau écrit au début du Contrat social : « il faut forcer les hommes à être libres, il faut forcer les hommes à respecter la loi », alors que chez les anarchistes, la liberté, c’est de n’être encadré par rien.

République et Justice pénale semblent entretenir un rapport d’évidence. Si les révolutionnaires se sont soulevés, c’est en partie pour établir une Justice pénale qui n’existait pas à leurs yeux sous l’Ancien Régime, à cause de l’inégalité entre les différentes parties de la population. Le souvenir des lettres de cachet, qui constituent la négation même de l’idée de justice, puisque l’enfermement repose sur la seule volonté arbitraire du roi, a animé le mouvement de contestation. Les magistrats sont souvent eux-mêmes critiqués comme despotiques, et la patrimonialité des offices a, aux yeux des révolutionnaires, entaché d’arbitraire le travail des magistrats. La Ière République et les Républiques postérieures ont été fondées sur un idéal de Justice pénale (I). Cependant, par la suite, les souhaits initiaux n’ont pas toujours été respectés ; notre République ne respecte pas toujours ce que les régimes antérieurs ont essayé d’établir, la Ve République doit être refondée sur un nouvel Idéal de Justice pénale (II).

I. Les Républiques ont été fondées sur un Idéal de Justice pénale

La République c’est-à-dire, à l’origine, les révolutionnaires ont eu un rapport très précis avec la Justice pénale. Incontestablement ils veulent l’établissement d’un Idéal de Justice pénale (A). Pourtant, le rapport entre République et Justice pénale a évolué au cours des différentes Républiques ce qui a rendu difficile le maintien d’un idéal de Justice pénale après la Ière République (B).

A. L’affirmation catégorique d’un Idéal de Justice pénale
durant la Ière République

La Première République a façonné la démocratie. Le moule de cette nouveauté, c’est la volonté de prendre le contre-pied de l’Ancien Régime et d’en revenir à une conception mythique, celle d’une Justice pénale rendue par le peuple lui-même que l’on considère comme ne pouvant se tromper. Le grand chantier de la fin du XVIIIe siècle consiste à se débarrasser de la conception monarchique de la justice pénale.

Qu’était la justice pénale sous l’Ancien Régime ? Une justice de classe et de caste. Pour connaître la justice avant la République, rappelez-vous cette merveilleuse pièce, seule comédie de Corneille, Les Plaideurs. On y juge un chien, on voit des juges totalement incompétents, qui ne comprennent rien.

Deux éléments frappent. D’un côté, il existe cette capacité royale de prétendument rendre la justice pénale dans l’arbitraire, avec les lettres de cachet. C’est là le symbole d’une justice pénale inique, où tout est permis à celui qui a le pouvoir. La lettre de cachet peut être privative de liberté ; elle permet alors d’enfermer directement en prison, sans passer devant aucun juge. En réalité, cette lettre de cachet symbolise tout l’Ancien Régime, où le droit et la justice appartiennent au roi, inspiré par Dieu[1]. D’un autre côté, pendant la plus longue durée de l’Ancien Régime, les juges possédaient un office, c’est-à-dire une charge qu’ils achetaient et qui est devenue au fil du temps patrimoniale, le père léguant cette charge à ses descendants. Si le père pouvait être un fin juriste, le petit-fils pouvait être catastrophiquement nul ; pourtant on ne pouvait pas l’écarter. On ne peut leur dénier le droit d’exercer la justice, puisqu’ils détiennent cet office dans leur patrimoine[2]. Et surtout, encore plus que cela, ils prétendent juger au nom de Dieu : « Encore ne faut-il pas imaginer les gens du Parlement sacraliser leur fonction juridictionnelle sur le seul fondement de leur science juridique accomplie. Depuis les premiers Pères de l’Eglise juger avait été pensé comme une fonction divine, Dieu seul étant juste, et la justice avait toujours été analysée, de saint Augustin à saint Thomas, sur un registre à la fois terrestre et salvifique. Tout jugement humain participe de l’établissement du  » royaume de Dieu « , autrement dit de sa Loi »[3].

La Première République remet cela en cause. Plus de patrimonialité des offices, la fin des privilèges avec la nuit du 4 août met à bas la construction de l’Ancien Régime ! Les juges sont conçus comme devant être au service du peuple. Ils constituent une justice qui doit satisfaire à la fois le peuple et la Justice. Les juges apparaissent comme des représentants de la Nation.

On pourrait alors penser que tout irait mieux en matière pénale, d’autant plus que les premiers articles de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen se focalisent sur la matière pénale : « La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société » (art 5) ; « Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu’elle a prescrites » (art 7) ; « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée » (art 8) ; « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi » (art 9). Le décret des 8 octobre et 3 novembre 1789 porte réformation provisoire de la justice criminelle : il supprime la question, l’interrogatoire sur la sellette, il établit la publicité du procès criminel et donne le droit à l’accusé de se choisir un conseil.

Il faut bien évidemment rappeler la sacralisation de la Loi par les révolutionnaires, ainsi que la volonté de ne plus laisser place à aucune interprétation du juge, à aucune jurisprudence. Mais il faut opposer ici le domaine civil, où la jurisprudence existera forcément pour interpréter la loi, et le domaine pénal, où les principes issus notamment de la Déclaration imposent une limitation du pouvoir du juge ; cette opposition est présentée par Portalis dans son « Discours préliminaire » au projet de l’an IX : « Les matières criminelles, qui ne roulent que sur certaines actions, sont circonscrites ; les matières civiles ne le sont pas… Dans les matières criminelles, le débat est entre le citoyen et le public. La volonté du public ne peut être représentée que par celle de la loi … il n’y a qu’un texte formel et préexistant qui puisse fonder l’action du juge, il faut des lois précises et point de jurisprudence. Il en est autrement en matière civile, là, il faut une jurisprudence parce qu’il est impossible de régler tous les objets civils par des lois »[4].

Pourtant, malgré l’affirmation de bonnes intentions, les pires dysfonctionnements en matière de justice pénale vont apparaître avec la Ière République et, en particulier, avec la création du tribunal révolutionnaire présidé par le tristement célèbre Fouquier-Tinville. On assiste aussi à la mise en place de la loi des suspects. Cette loi du 17 septembre 1793 constitue le pire texte qu’on ait pu connaître pendant les Républiques françaises ; selon lui, « tous les gens suspects qui se trouvent sur le territoire de la République et qui sont encore en liberté seront mis en état d’arrestation ». Aucune définition du terme « suspect » ! Quelle justice arbitraire !

La République va devoir lutter contre elle-même, contre sa tendance, non à la Justice, mais à la vengeance. Une fois ces excès terminés, on constate que la Justice pénale ne va pas sans l’égalité. Plus de privilège de justice pour tel ou tel en matière pénale. L’égalité rend tous les citoyens identiques, et donc égaux devant la justice. On peut préciser d’ailleurs que l’égalité, maître mot de la Révolution, ne touche pas seulement les individus, mais aussi les collectivités locales, le département et la commune sont créées pour gommer les disparités qui existaient entre les différentes collectivités existant sous l’Ancien régime ; d’une certaine manière, c’est aussi une forme de justice.

Cela conduit à une nouvelle technique de choix des juges, l’élection. « Adopté le 5 mai 1790 à la majorité de 503 voix contre 450, mis en œuvre par la loi des 16-24 août, le principe de l’élection des juges donne pour ainsi dire congé à toute l’ancienne magistrature, il investit le personnel judiciaire à venir d’un type de légitimité qui renoue avec l’exemple de la Cité antique, il dissipe toute possibilité d’esprit de corps »[5]. La Première République est bien à l’origine d’une nouvelle conception de la Justice pénale. Bien que plus égalitaire et plus tournée vers le peuple, elle aura pourtant des difficultés à se maintenir dans les Républiques postérieures.

B. Les difficultés du maintien d’un Idéal de Justice pénale dans les Républiques postérieures

L’Idéal de justice pénale tel que défendu par les républicains a été fragilisé tout au long du XIXe siècle. La République a du lutter contre la concurrence de l’Empire et de la monarchie et la justice pénale est alors apparue comme l’un des enjeux de cette crise.

Les républicains font de l’autonomie des juridictions par rapport à l’Etat la condition d’une véritable justice pénale au sein de la République. Cette condition a été cependant remise en cause sous l’Empire et la Monarchie.

Sous la Monarchie, peut-on accepter que le roi se proclame encore justicier comme Saint Louis ? Il n’ose plus vraiment le faire, surtout quand il s’agira d’une monarchie constitutionnelle. Quant au régime napoléonien, il joue sur l’ambiguïté avec la République, puisque l’article 1er de la Constitution napoléonienne de 1804 affirme que « le gouvernement de la République est confié à un Empereur ». Sous l’Empire, pendant la Restauration et pendant la Monarchie de juillet, il y a une opposition forte entre les litiges judiciaires et les litiges administratifs. Alors queles premiers sont jugés par un ordre juridictionnel autonome, qui traite à la fois des litiges civils et des litiges pénaux, les seconds sont jugés par les fonctionnaires eux-mêmes et les plus importants remontent au ministre ou au chef de l’Etat. Ce système, qualifié de ministre-juge, implique une situation anormale où une même autorité est à la fois juge et partie. La République repose sur une logique différente. Quand la République est présente, on semble vouloir revenir à un Idéal, à une justice qui se démocratise, à une véritable justice républicaine dans tous les domaines, administratifs et judiciaires. Les Républicains prennent conscience de la nécessité de la recherche d’un véritable idéal de Justice, notamment en matière pénale, sans parvenir toujours à le réaliser. La Deuxième République instaure en matière administrative un nouveau mécanisme en déléguant le pouvoir de juger à un juge indépendant, le Conseil d’Etat. En matière judicaire, « la Justice, elle aussi, a été prise dans l’ambiance, elle aussi a été gagnée par la grande utopie renaissante avant de buter sur la réaction d’une société qui, une fois sa peur vaincue, lui a vite enjoint de rebrousser chemin »[6]. Une commission chargée de proposer une réforme de l’organisation judiciaire rend en juillet 1848 un rapport où la volonté de réconcilier la justice et le peuple est affirmée. Cependant, elle ne propose pas un retour à l’élection des juges. Il faut souligner que la Constitution de 1848 donne au Président de la République le pouvoir de nommer les juges. Sous la Deuxième République, la matière pénale ne connaît pas de véritable bouleversement, et ce d’autant plus que le Second Empire en revient à une volonté affirmée de contrôle très strict de la magistrature, notamment pour essayer de maîtriser de près ou de loin la justice pénale.

Tout au long du XIXe siècle, « la justice a souvent été utilisée comme le bras armé du pouvoir. Au-delà du rôle qu’elle joue dans la définition et la préservation du modèle social, elle a été également un support efficace pour accélérer, protéger ou promouvoir le modèle politique du moment … le procédé le plus immédiat et le plus efficace pour le pouvoir est de recourir à l’épuration »[7]. Ainsi le retour de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité sous la Troisième République ne sera pas à l’origine d’une amélioration de la justice pénale. Toutes les Républiques vont dans le même sens. Elles veulent que la Justice revienne au peuple et éliminent alors les juges considérés comme les plus favorables à la Monarchie ou l’Empire. Ensuite, elles essayent de favoriser l’indépendance des juges, en espérant que cela leur permette de rendre en toute liberté la Justice.

Avec des régimes autoritaires, on revient donc sur l’inamovibilité des juges, mais avec les Républiques aussi, parfois de manière temporaire comme, sous la Troisième République, avec la loi du 30 août 1883. La question de l’élection des juges, vue peut-être comme le seul moyen républicain de réconcilier le Peuple avec la Justice, a été à nouveau posée, pour être repoussée[8].

Le Régime de Vichy a opéré des créations terribles en matière de justice pénale, comme les Sections spéciales de sinistre mémoire, avec la participation à ces formations attentatoires à la Justice de juges, qui continueront parfois à exercer leurs fonctions pendant la IVe République, après une épuration opérée avec la comparution devant une commission d’épuration de la magistrature. Toutes ces structures républicaines envisageaient de porter haut l’idéal de Justice pénale, sans parvenir à la réaliser réellement. Ce constat rend d’autant plus nécessaire un nouvel Idéal de Justice pénale sur lequel doit être refondée la Ve République.

II. La Ve République doit être refondée sur un nouvel Idéal de justice pénale

Le chantier est tellement immense que, franchement, on ne sait comment l’aborder. De nombreux éléments doivent être laissés de côté, faute de place dans une courte contribution comme celle-ci. L’analyse sera focalisée sur la difficile recherche d’un Idéal dans les rapports entre Justice pénale, République et police (A) et la recherche quasi-impossible d’un Idéal dans les rapports entre Justice pénale, République, intime conviction et responsabilité des juges (B).

A. La difficile recherche d’un Idéal dans les rapports entre Justice pénale, République et police

Partons là encore de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui est particulièrement explicite sur le rôle de la police. Voici ce qui figure dans l’article 12 de la Déclaration, article souvent oublié parce qu’on se focalise sur les grands principes en oubliant leur mise en application concrète : « La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux à qui elle est confiée ». On peut aussi ajouter l’article 15, selon lequel « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Ces deux articles devraient être affichés dans tous les lieux où une force publique exerce ses fonctions.

La police est-elle républicaine parce qu’elle a pour cadre une République ? Qu’est-ce donc qu’une véritable police républicaine ? Comme l’affirme la Déclaration de 1789, c’est une police au service de la chose publique, une police constituant un service public. Plus précisément, la police constitue un des trois services publics régaliens de l’Etat. L’armée, la justice et la police sont des services qu’exerce directement l’Etat. Il n’existe aucune délégation de service public dans ces secteurs d’activité. Chaque policier doit donc intégrer les idéaux de la République, et un mécanisme de mutations obligatoires l’éloigne même du citoyen pour éviter tout favoritisme et satisfaire ainsi le principe d’égalité.

Avoir une police républicaine, c’est aussi écarter toute idée de milice privée, toute idée de délégation de pouvoirs à des sociétés privées de gardiennage et de surveillance.

La police est nécessaire, mais on ne peut, comme pour l’Etat, ni accepter des excès, ni accepter des manques. En pratique il faut parfois moins d’Etat pour que les citoyens puissent exercer leurs droits, et il faut parfois plus d’Etat pour protéger les particuliers contre les pressions d’autres particuliers ou des groupes dangereux, racketteurs ou autres. L’équilibre est difficile à trouver. Ainsi, dans l’ex URSS, il y a eu trop d’Etat pendant la période communiste, et pas assez d’Etat pendant les quelques années qui ont suivi la chute du mur de Berlin. Il en est de même pour la police. Trop de police rend la vie des particuliers dangereuse. Pas assez de police rend la vie des particuliers insuffisamment protégée.

Ainsi peut-on opposer les deux excès, celui d’une police marquée par une dérive totalitaire ou d’une police caractérisée par une dérive laxiste. La première implique que la police soit au-dessus des lois, la seconde est marquée par une dérive permissive aussi nuisible à l’intérêt des particuliers que la dérive totalitaire. La première place la police au-dessus des lois, il y a alors une usurpation du pouvoir, la seconde constitue une sorte de dérive angélique, parce qu’elle n’intervient pas en cas de trouble à l’ordre public nuisible à l’intérêt des particuliers. Réprimer trop est dangereux, réprimer peu est aussi néfaste. La bonne position à adopter est un équilibre entre le trop et le pas assez, dont on peut s’accorder pour dire qu’il est plutôt difficile à atteindre.

Concrètement la police judiciaire est l’auxiliaire des magistrats, le bras armé de la justice pénale. Les policiers doivent donc mener des enquêtes sous l’autorité des magistrats.

Ces rapports entre les magistrats pénaux et les policiers sont ambigus, on ne sait trop qui manipule qui ou qui dirige l’enquête. Le mariage police-justice pénale est souvent un mariage forcé avec des disputes, des réconciliations, des incompréhensions réciproques. Pour donner une sorte de répartition grossière, 70% de magistrats sont indifférents à la police, 15% se méfient de la police, et 15% font totalement confiance à la police, en lui laissant alors les mains libres pour mener une enquête qui peut échapper dans certains cas aux mains du magistrat instructeur. De nombreuses manipulations apparaissent avant la transmission du dossier au magistrat. On peut dire ainsi qu’avant l’erreur judiciaire, il y a souvent une erreur policière que le magistrat instructeur « couvre », légitimant ainsi un abus de pouvoir, une enquête orientée exclusivement à charge.

Si l’on reprend la Déclaration de 1789, il est sûr que les montages du genre « les Irlandais de Vincennes » sont totalement exclus. Les affaires où l’on cache le dossier, comme dans l’affaire Dreyfus, constituent des scandales. Il existe aussi des affaires dans lesquelles on fait disparaître le dossier, on pense ici à la Secte de la Scientologie.

Pour rester sur la police, jusqu’en 1991, les écoutes téléphoniques n’étaient pas encadrées par une loi ; il a fallu une décision de la Cour européenne des droits de l’homme[9] pour imposer à la France l’obligation d’adopter une loi, la loi du 10 juillet 1991 modifiée par la loi du 9 mars 2004[10]. Cette loi distingue les interceptions téléphoniques relevant de la décision d’un juge d’instruction et les interceptions de sécurité relevant du Premier ministre, c’est-à-dire tout ce qui touche au terrorisme et à la sécurité de l’Etat.

La police prend parfois le magistrat instructeur en otage en lui affirmant qu’elle est certaine de la culpabilité d’un homme, qui se prétend innocent, et qu’il faut alors le mettre en prison pour le faire craquer. S’ensuit ainsi parfois une atteinte extrêmement grave aux droits individuels quand un magistrat décide de la détention provisoire d’un prétendu suspect. Si la dangerosité pour la société de l’individu qui a reconnu son crime implique logiquement une détention provisoire, à l’inverse, il peut apparaître alors cette sorte d’entente entre le policier et le magistrat sur un suspect à la culpabilité incertaine, dont on espère que le séjour en prison le fera craquer et avouer, alors que ce suspect peut être totalement innocent. Quel abus de pouvoir ! Quelle atteinte à la Justice ! Rappelons l’article 9 de la Déclaration de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ».

Cette intime conviction du policier et du magistrat instructeur, parfois fausse, se prolonge par un danger au moment du jugement pénal lui-même.

B. La recherche quasi-impossible d’un Idéal dans les rapports entre Justice pénale, République, intime conviction et responsabilité des juges

L’intime conviction, voilà bien une notion qui laisse perplexe ! Peut-on juger quelqu’un sur quelque chose d’aussi subjectif que l’intime conviction ? En fait il faudrait distinguer les textes et la pratique.

Les textes sont en réalité plutôt nuancés. Pour les délits, c’est l’article 427 du Code de procédure pénale, selon lequel « les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction ». Pour les crimes, c’est l’article 353 du Code de procédure pénale, qui oblige le président de la cour d’assises à lire l’instruction suivante : « La loi ne demande pas compte au juge des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles il doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve ; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes, dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faites, sur leur raison, les preuves rapportées contre l’accusé et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : ‘Avez-vous une intime conviction ?’ ».

Le danger, c’est que l’intime conviction n’est souvent que la réaction naturelle du juge pénal appartenant à la formation de jugement de ratifier l’instruction à charge par son collègue. Ainsi la pratique de certains juges, aussi bien d’instruction que de jugement, est scandaleuse. Les premiers essaient de travailler à charge selon leur propre conviction sur la culpabilité de l’accusé. Les seconds profitent de cette idée d’intime conviction pour convaincre les jurés de ce qu’eux pensent. Il est évident que, pendant la délibération, si certains magistrats respectent le libre arbitre des jurés, sont ouverts et laissent chaque juré s’exprimer, d’autres peuvent faire un monologue de deux heures pour expliquer ce qu’il faut voter.

Il y a donc un danger à se fonder sur une intime conviction devenant une certitude n’ayant aucun fondement. Le plus dangereux est de croire la rumeur, relayée par les médias, qui ont présenté sur une affaire des éléments faux, et qui peuvent influencer le futur juré, qui aurait lu le journal. Son intime conviction serait donc faussée par des éléments erronés. Quel contraste entre l’intime conviction fondée sur la rumeur et la recherche d’une Vérité fondée sur l’autonomie de ceux qui contribuent au bon déroulement de la justice, aussi bien les policiers que le magistrat instructeur ou les juges figurant dans la formation de jugement ! C’est bien la rumeur qui a conduit un juge d’instruction de Poitiers à diligenter une enquête sur Marie Besnard à Loudun. Il faudrait au contraire éradiquer la rumeur en se livrant à un véritable travail d’analyse qui permette d’en démasquer les auteurs. La difficulté, c’est qu’il n’y a pas d’antidote au poison de la calomnie. Une fois versé, il continue d’agir dans le cerveau humain. En effet la logique de la rumeur n’est pas celle de la raison. Ainsi Dreyfus incarnait le juif traître, et quand l’innocence de celui-ci fut démontrée, il fallait pour certains que Dreyfus continue à être coupable, parce que ni l’armée, ni la justice, ni la patrie ne pouvaient avoir été criminelles. Certaines autorités politiques, juridictionnelles et administratives ne veulent pas revenir en arrière pour ne pas remettre en cause un principe d’infaillibilité qui n’existe pourtant pas pour ces autorités.

Ce risque de dérive de l’intime conviction à l’infaillibilité se traduit aussi par un élément auquel il faudrait consacrer un article, voire un livre entier, celui de l’irresponsabilité pratique des juges. Alors que l’article 9 de la Déclaration de 1789 ci-dessus rappelé implique la répression d’une rigueur infondée dans l’arrestation et l’emprisonnement, les juges pénaux semblent encore obéir à un principe d’infaillibilité. Les magistrats veulent être indépendants, mais aucun ne veut être soumis à une quelconque responsabilité, qui en constitue pourtant la compensation logique.

La responsabilité des juges c’est le monstre du Loch Ness de la grouillance judiciaire. On en parle souvent, on croit le voir, et elle n’arrive jamais. Bien sûr il y a la poudre aux yeux du Conseil supérieur de la magistrature qui révoque un juge par an, dans le même temps où la police renvoie plusieurs dizaines de policiers. Pourtant, avec l’affaire d’Outreau, on y croyait. Comment ? On mobilise des dizaines de membres d’une commission présidée par André Vallini, homme de gauche, avec, comme rapporteur, Philippe Houillon, homme de droite. Les auditions font l’objet de journées entières de retransmission sur la chaîne LCI. On fait venir le juge d’instruction de l’affaire d’Outreau, qui se conduit comme un petit garçon pris en faute. Il écopera plus tard d’un blâme du Conseil supérieur de la magistrature.

Après tout ce ramdam médiatique, il semblait évident qu’un projet de loi allait voir le jour, impliquant une responsabilité des juges.

Eh bien non, le corporatisme a triomphé. Le laminage du projet a été entrepris par les magistrats. La ministre de la Justice, qui semblait vouloir imposer une main de fer aux juges, a été gentiment débarquée, pour faire plaisir à tous ces magistrats.

Il est proprement scandaleux qu’un projet de loi aussi fondamental ait capoté, poussé dans le fossé par des juges qui sont peu représentatifs de la Justice.

Il subsiste donc un degré de perfectibilité de la République comme il y a une perfectibilité de la justice pénale pour aller vers la Justice. Les deux sont en quelque sorte liés, parce qu’une meilleure justice pénale, c’est une meilleure République.

On peut oser mettre fin aux dysfonctionnements dont les juges ne sont certes pas toujours les seuls responsables. Le fait qu’ils ne soient pas assez nombreux, et qu’ils doivent rendre plus de jugement dans le même temps que les années précédentes constituent en effet une forme de gêne pour eux.

La loi a réussi à triompher en mettant en place la République. Ce que réussit la République c’est l’émancipation et l’épanouissement de l’individu. Les individus doivent se libérer eux-mêmes du joug d’une justice pénale qui les opprime. Sans revenir à l’élection des juges[11], les solutions tiennent par exemple à l’échevinage et à la responsabilité.

La Justice est la construction de tous, c’est une construction en commun dans la République. Il y a à la fois le travail du Parlement et l’action individuelle. Il faut arrêter d’être bloqué par le corporatisme des juges, qui veulent encore croire en leur infaillibilité comme sous l’Ancien Régime.


[1] « Elles symbolisaient à la fin de l’Ancien Régime l’arbitraire royal et l’opinion éclairée s’en était violemment emparée » – Jean-Pierre Royer, Jean-Paul Jean, Bernard Durand, Nicolas Derasse, Bruno Dubois, Histoire de la justice en France, PUF, 4e édition, 2010, p. 87.

[2] « La vénalité des offices fait partie de ces maux qui minent durablement la justice », Jean-Pierre Royer et autres, op. cit., p. 108.

[3] Jacques Krynen, L’Etat de Justice France, XIIIe– XXe siècle, Tome I, L’idéologie de la magistrature ancienne, éd. Gallimard, 2009, p. 80.

[4] Cité par Jacques Krynen, L’Etat de justice France, XIIIe– XXe siècle, Tome II, L’emprise contemporaine des juges, éd. Gallimard, 2012, p. 120.

[5] Jacques Krynen, op. cit., Tome II, p. 24.

[6] Jean-Pierre Royer et autres, op. cit., p. 499.

[7] Ibid., p. 619.

[8] Sur ce point, v. Jacques Poumarède, « La magistrature et la République. Le débat sur l’élection des juges en 1882 », Mélanges Hébraud, Toulouse, UT1, 1981, p. 665.

[9] CEDH, 24 avril 1990, Kruslin et Huvig c. France, Req. no 11105/84.

[10] Loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques, JORF n°162 du 13 juillet 1991, p. 9167 – Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, JORF n°59 du 10 mars 2004, p. 4567.

[11] Voir Jacques Krynen, op. cit., Tome II, pp. 376 à 414.

Nota Bene : le présent ouvrage est diffusé par les Editions Lextenso. Vous pouvez donc vous le procurer directement auprès de notre diffuseur ou dans toutes les bonnes librairies (même virtuelles).

ParEditions L'Epitoge (Collectif l'Unité du Droit)

Le(s) droit(s) selon & avec Jean-Arnaud Mazères

Voici la 10e publication offerte dans le cadre des 75 jours confinés des Editions L’Epitoge. Il s’agit d’un extrait du 5e livre de nos Editions dans la collection « Académique » : Le(s) droit(s) selon & avec Jean-Arnaud Mazères

Cet ouvrage est le cinquième
issu de la collection « Académique ».

En voici les détails techniques ainsi qu’une présentation :

Volume V :
Le(s) droit(s) selon & avec
Jean-Arnaud Mazères

Ouvrage collectif
(Direction Mathieu Touzeil-Divina
Delphine Espagno, Isabelle Poirot-Mazères
& Julia Schmitz)

– Nombre de pages : 220
– Sortie : novembre 2016
– Prix : 49 €

  • ISBN / EAN : 979-10-92684-19-3 / 9791092684193
  • ISSN : 2262-8630

Ont participé à cet ouvrage (qui a reçu le soutien de Mme Carthe-Mazeres, des professeurs Barbieri, Chevallier, Douchez, Février, Lavialle & Mouton) : Christophe Alonso, Xavier Barella, Jean-Pierre Bel, Xavier Bioy, Delphine Costa, Abdoulaye Coulibaly, Mathieu Doat, Arnaud Duranthon, Delphine Espagno-Abadie, Caroline Foulquier-Expert, Jean-François Giacuzzo, Philippe Jean, Jiangyuan Jiang, Jean-Charles Jobart, Valérie Larrosa, Florian Linditch, Hussein Makki, Wanda Mastor, Eric Millard, Laure Ortiz, Isabelle Poirot-Mazères, Laurent Quessette, Julia Schmitz, Philippe Segur, Bernard Stirn, Sophie Theron & Mathieu Touzeil-Divina.

Ouvrage publié par le Collectif L’Unité du Droit avec le concours de l’Académie de Législation de Toulouse, du Centre de Recherches Administratives (ea 893) de l’Université d’Aix-Marseille et avec le soutien et la complicité de nombreux amis, anciens collègues, étudiants, disciples…

Avant-Propos :
Bon anniversaire Jean-Arnaud !

Delphine Espagno, Isabelle Poirot-Mazères,
Julia Schmitz & Mathieu Touzeil-Divina
Coordinateurs de l’ouvrage

Un professeur, un maître, un père, un ami, un guide, un modèle, un inspirateur, un trouvère et, à toutes les pages, un regard. Tous ces qualificatifs pour un seul homme, un de ces êtres doués pour le langage, le partage, l’envie de transmettre, le goût de la recherche et de l’analyse, l’amour des livres et de la musique, l’attention aussi aux inquiets et aux fragiles. La générosité de Jean-Arnaud, l’homme aux mille facettes, est aujourd’hui célébrée, à travers le regard de ses amis. Tous ceux qui ont contribué à cet ouvrage ont quelque chose à dire, à écrire, à expliquer aussi, de ce moment où leur trajectoire a été plus claire, parfois s’est infléchie lors d’un cours ou d’un entretien, où leurs doutes ont rencontré non des réponses mais des chemins pour tenter d’y répondre. Chacun a suivi sa voie, chacun aujourd’hui a retrouvé les autres.

Cet ouvrage est pour toi Jean-Arnaud.

Il est une marque de respect et d’affection que nous souhaitons tous t’offrir pour tes quatre-vingt ans.

Il est le témoignage de nous tous, celles et ceux qui ont eu la chance un jour de te rencontrer, de partager les moments plus ou moins délicats du passage de l’innocence estudiantine à celui de la vie d’adulte voire de faire une partie de ce chemin à tes côtés comme collègue et / ou comme ami. Des vies différentes pour chacun d’entre nous, des choix que tu as souvent directement inspirés, influencés, compris, soutenus mais pour nous tous ce bien commun partagé : celui d’avoir été, et d’être toujours, ton élève, ton ami, ton contradicteur parfois.

Par ce « cadeau-livre », selon les mots de l’un d’entre nous, nous souhaitons te redire toute l’affection, le respect et l’amitié que nous avons pour toi. En espérant que ces lignes réunies grâce à l’audace, la générosité, la complicité de chacun(e) d’entre nous te feront chaud au cœur.

Merci d’être là Jean-Arnaud & bel anniversaire !

Nota Bene : le présent ouvrage est diffusé par les Editions Lextenso. Vous pouvez donc vous le procurer directement auprès de notre diffuseur ou dans toutes les bonnes librairies (même virtuelles).

ParEditions L'Epitoge (Collectif l'Unité du Droit)

Des racines du Droit & des contentieux. Mélanges en l’honneur du professeur Jean-Louis Mestre

Ces Mélanges forment les huitième & neuvième
numéros issus de la collection « Académique ».

En voici les détails techniques ainsi qu’une présentation :

Volumes VIII & IX :
Des racines du Droit

& des contentieux.
Mélanges en l’honneur du professeur Jean-Louis Mestre

Ouvrage collectif

– Nombre de pages : 442 & 516

– Sortie : mars 2020

– Prix : 129 € les deux volumes.

ISBN / EAN unique : 979-10-92684-28-5 / 9791092684285

ISSN : 2262-8630

Mots-Clefs :

Mélanges – Jean-Louis Mestre – Histoire du Droit – Histoire du contentieux – Histoire du droit administratif – Histoire du droit constitutionnel et des idées politiques – Histoire de l’enseignement du Droit et des doctrines

Présentation :

Cet ouvrage rend hommage, sous la forme universitaire des Mélanges, au Professeur Jean-Louis Mestre. Interrogeant les « racines » du Droit et des contentieux, il réunit (en quatre parties et deux volumes) les contributions (pour le Tome I) de :

Pr. Paolo Alvazzi del Fratte, Pr. Grégoire Bigot, M. Guillaume Boudou,
M. Julien Broch, Pr. Louis de Carbonnières, Pr. Francis Delpérée,
Pr. Michel Ganzin, Pr. Richard Ghevontian, Pr. Eric Gojosso,
Pr. Nader Hakim, Pr. Jean-Louis Halpérin, Pr. Jacky Hummel,
Pr. Olivier Jouanjan, Pr. Jacques Krynen, Pr. Alain Laquièze,
Pr. Catherine Lecomte, M. Alexis Le Quinio, M. Hervé Le Roy,
Pr. Martial Mathieu, Pr. Didier Maus, Pr. Ferdinand Melin-Soucramanien, Pr. Philippe Nélidoff, Pr. Marc Ortolani, Pr. Bernard Pacteau,
Pr. Xavier Philippe, Pr. François Quastana, Pr. Laurent Reverso,
Pr. Hugues Richard, Pr. André Roux, Pr. Thierry Santolini, M. Rémy Scialom, M. Ahmed Slimani, M. Olivier Tholozan,
Pr. Mathieu Touzeil-Divina & Pr. Michel Verpeaux,

… et pour le Tome II :

M. Stéphane Baudens, M. Fabrice Bin, Juge Jean-Claude Bonichot,
Pr. Marc Bouvet, Pr. Marie-Bernadette Bruguière, Pr. Christian Bruschi,
Prs. André & Danielle Cabanis, Pr. Chistian Chêne, Pr. Jean-Jacques Clère, Mme Anne-Sophie Condette-Marcant, Pr. Delphine Costa,
Mme Christiane Derobert-Ratel, Pr. Bernard Durand, M. Sébastien Evrard, Pr. Eric Gasparini, Père Jean-Louis Gazzaniga, Pr. Simon Gilbert,
Pr. Cédric Glineur, Pr. Xavier Godin, Pr. Pascale Gonod,
Pr. Gilles-J. Guglielmi, Pr. Jean-Louis Harouel, Pdt Daniel Labetoulle,
Pr. Olivier Le Bot, Pr. Antoine Leca, Pr. Fabrice Melleray,
Mme Christine Peny, Pr. Laurent Pfister, Pr. Benoît Plessix,
Pr. Jean-Marie Pontier, Pr. Thierry S. Renoux, Pr. Jean-Claude Ricci,
Pr. Albert Rigaudière, Pr. Ettore Rotelli, Mme Solange Ségala,
Pdt Bernard Stirn, Pr. Michael Stolleis, Pr. Arnaud Vergne,
Pr. Olivier Vernier & Pr. Katia Weidenfeld.

Mélanges placés sous le parrainage du Comité d’honneur des :

Pdt Hélène Aldebert, Pr. Marie-Bernadette Bruguière, Pr. Sabino Cassese, Pr. Francis Delpérée, Pr. Pierre Delvolvé, Pr. Bernard Durand,
Pr. Paolo Grossi, Pr. Anne Lefebvre-Teillard, Pr. Luca Mannori,
Pdt Jean Massot, Pr. Jacques Mestre, Pr. Marcel Morabito,
Recteur Maurice Quenet, Pr. Albert Rigaudière, Pr. Ettore Rotelli,
Pr. André Roux, Pr. Michael Stolleis & Pr. Michel Troper.

Mélanges réunis par le Comité d’organisation constitué de :

Pr. Jean-Philippe Agresti, Pr. Florent Blanco, M. Alexis Le Quinio,
Pr. François Quastana, Pr. Laurent Reverso, Mme Solange Ségala,
Pr. Mathieu Touzeil-Divina & Pr. Katia Weidenfeld.

Ouvrage publié par et avec le soutien du Collectif L’Unité du Droit
avec l’aide des Facultés de Droit
des Universités de Toulouse et d’Aix-Marseille
ainsi que l’appui généreux du
Centre d’Etudes et de Recherches d’Histoire
des Idées et des Institutions Politiques (Cerhiip)
& de l’Institut Louis Favoreu ; Groupe d’études et de recherches sur la justice constitutionnelle (Gerjc) de l’Université d’Aix-Marseille.

Table des matières

Tome I

Sommaire du Tome I                                                                                                               07

Curriculum Vitae du professeur Jean-Louis Mestre                                                          09

Première Partie :
Histoire du droit constitutionnel & des idées politiques

Individualisme & pouvoir constituant au XVIIIe siècle                                                     25
Par Paolo Alvazzi del Frate

Etat et anthropomorphisme                                                                                                  33
Par Grégoire Bigot

La contribution des avocats à la thèse de l’abrogation tacite de la législation
impériale sur les associations et les réunions par les Chartes
de la Restauration et de la Monarchie de Juillet                                                              45
Par Guillaume Boudou

Le Tableau de la constitution française (1771) par le comte de Lauraguais.
Un noble d’épée dégaine sa plume contre la réforme Maupeou                                  57
Par Louis de Carbonnières

Les racines de la Constitution                                                                                               69
Par Francis Delpérée

« La République sous l’Empire ».
La séparation des pouvoirs hors-norme d’Etienne Vacherot (1809-1897)                 79
Par Michel Ganzin

Libres propos pour réhabiliter Paul Deschanel                                                                  91
Par Richard Ghevontian

La fonction juridico-politique de l’équité chez Jean Bodin                                             99
Par Eric Gojosso

A propos d’un arrêt de la Cour de cassation de 1825 :
la codification napoléonienne & la Charte                                                                        109
Par Jean-Louis Halperin

Le roi constitutionnel comme fiction politique. Le gouvernement
monarchique dans la pensée constitutionnelle de Charles Guillaume Hello             119
Par Jacky Hummel

Le concept d’Etat
dans les écrits politiques de l’Ancien Régime et les Constitutions françaises            129

Par Jacques Krynen

Un retour aux sources de la Ve République :
le débat sur le pouvoir exécutif à la fin du Second Empire
et au début de la Troisième République (1860-1875)                                                     139
Par Alain Laquièze

La Constitution anglaise et la garantie des droits selon Blackstone                             149
Par Martial Mathieu

L’amendement Wallon                                                                                                          161
Par Didier Maus

Fragments d’une histoire constitutionnelle de l’île de La Réunion.
Des « bases constitutionnelles » de 1795 à aujourd’hui                                                 173
Par Ferdinand Mélin-Soucramanien

Elire des députés dans la Province de Nice en 1848.
Les premiers pas de la démocratie parlementaire                                                           183
Par Marc Ortolani

La place de l’identité dans les processus d’écriture constitutionnelle
des préambules dans les Etats en reconstruction :
héritage de l’histoire ou construction nouvelle ?                                                             197
Par Xavier Philippe

Républicanisme et constitutionnalisme :
Le Dictionnaire de la constitution et du gouvernement français de P. N. Gautier    213
Par François Quastana

La protection constitutionnelle du droit de propriété littéraire
dans les constitutions italiennes de 1848-1849                                                               225
Par Laurent Reverso

La gauche & la décentralisation                                                                                            235
Par André Roux

Le Costituto de la République de Sienne : une constitution médiévale ?                   247
Par Thierry Santolini

La République triomphante tempérée par la séparation des pouvoirs
selon Saint Girons (1854-1941)                                                                                            261
Par Olivier Tholozan

Octobre 1958 ou le temps des ordonnances                                                                      271
Par Michel Verpeaux

Deuxième Partie :
Histoire de l’enseignement du Droit
& des doctrines juridiques

L’expropriation pour cause d’utilité publique chez les Jusnaturalistes
(Grotius, Pufendorf, Wolff, Vattel, Burlamaqui)                                                            287
Par Julien Broch

L’invention juridique de la nature.
Demolombe et la « nature des choses »                                                                              297
Par Nader Hakim

Situation du droit administratif allemand d’Otto Mayer                                                309
Par Olivier Jouanjan

La question sociale s’invite sur la scène politique                                                            321
Par Catherine Lecomte

Pellegrino Rossi & les libertés                                                                                               333
Par Alexis Le Quinio

Les relations conflictuelles de l’Eglise et l’Etat autour de leur séparation :
l’appréciation des juristes toulousains (1871-1914)                                                       343
Par Hervé Le Roy

A propos du Livre d’or du VIIe centenaire de la fondation
de l’Université de Toulouse (1229-1929)                                                                           351
Par Philippe Nelidoff

Henri Barckhausen (1834-1914),
juriste de Bordeaux, à Bordeaux, sur Bordeaux, et plus…                                             365
Par Bernard Pacteau

Un projet de cours de droit public en 1806 par Philippe Bloechel (1780-1860),
futur professeur à la Faculté de droit de Strasbourg                                                       375
Par Hugues Richard

Lumières sur le droit dans l’Encyclopédie Méthodique,
section « jurisprudence », de Lerasle                                                                                  383
Par Rémy Scialom

Les positions politiques de quelques professeurs de droit aixois
face au régime républicain à la fin du XIXe siècle                                                              401
Par Ahmed Slimani

A Toulouse, entre Droit & Rugby :
Ernest Wallon (1851-1921)                                                                                                   411
Par Mathieu Touzeil-Divina

Tabula gratularia                                                                                                                     431

Table des matières                                                                                                                  435

Tome II

Sommaire du Tome II                                                                                                             07

Troisième Partie :
Histoire du Droit administratif

Une archéologie du jacobinisme en Anjou : remarques sur un juriste
en pré-Révolution, François-René Bescher,
entre absolutisme réformateur & antinobilisme                                                              11
Par Stéphane Baudens

L’invocation de la Déclaration des Droits de l’Homme en droit fiscal                          23
Par Fabrice Bin

Jeunesse & traditions : autour des us & coutumes
de la Cour de justice de l’Union européenne                                                                    33
Par Jean-Claude Bonichot

La composition du Conseil de préfecture de la Loire-Inférieure (1800-1848)           45
Par Marc Bouvet

La responsabilité collective des fonctionnaires provinciaux
au Bas-Empire romain                                                                                                             55
Par Christian Bruschi

L’administration coloniale : repoussoir ou modèle ?                                                      67
Par Danielle & André Cabanis

Et au milieu coulait une rivière…                                                                                          77
Par Christian Chêne

Le mandat français sur le Togo durant l’entre-deux guerres :
une nouvelle méthode d’administration coloniale
à l’ombre de l’arbitrage international ?                                                                             87
Par Eric Gasparini

Le gouvernement temporel des paroisses.
Le droit de bancs dans les églises XVIe – XVIIIe siècles                                                     97
Par Jean-Louis Gazzaniga

Enquête sur la reconnaissance formelle du droit administratif avant 1789
et sur l’identification doctrinale de son caractère « civil » et « mixte »
sous le Consulat et le Premier Empire                                                                                107
Par Simon Gilbert

L’apprentissage du métier d’intendant sous l’Ancien Régime                                      123
Par Cédric Glineur

L’étude de la Commission provisoire chargée de remplacer le Conseil d’Etat
(15 septembre 1870 – 27 juillet 1872)                                                                                135
Par Pascale Gonod

Le permis de construire au XVIIIe siècle :
entre acte judiciaire et acte administratif                                                                          145
Par Jean-Louis Harouel

« En l’état actuel du droit public français… ».
Retour (nostalgique ?) sur l’arrêt Arrighi du 6 novembre 1936                                   157
Par Daniel Labetoulle

Que reste-t-il du principe
« juger l’administration, c’est encore administrer ? »                                                     167
Par Olivier Le Bot

Le pacte faustien du droit administratif                                                                              177
Par Fabrice Melleray

Généalogie d’un privilège administratif : l’occupation temporaire
des propriétés privées pour les besoins des travaux publics                                         183
Par Benoît Plessix

Les secours aux victimes de calamités publiques
de la Révolution à la Quatrième République                                                                     199
Par Jean-Marie Pontier

La difficile affirmation du juge administratif (1840-1873).
Variations autour des arrêts Rothschild et Blanco                                                          211
Par Jean-Claude Ricci

La maîtrise du sol urbain à Aurillac au XIIIe siècle                                                            229
Par Albert Rigaudière

Le Conseil d’Etat & la jurisprudence mémorielle                                                             263
Par Bernard Stirn

La prise de possession des terres australes par la France au XVIIIe siècle                  273
Par Arnaud Vergne

Une question symbolique de la géographie administrative contemporaine :
note sur le changement de noms des communes,
l’exemple du grand Sud-Est sous la Troisième république (1884-1939)                     285
Par Olivier Vernier

L’affaire Pagès (1939-1943).
Quand le Conseil d’Etat appliquait le Code civil                                                                295
Par Katia Weidenfeld

Quatrième Partie :
Histoire des Contentieux & Varia

Corneille & le roi                                                                                                                      309
Par Marie-Bernadette Bruguière

Aux origines du Conseil supérieur de la Magistrature en France (1871-1883)          317
Par Jean-Jacques Clere

Le comité contentieux auprès de l’intendant Bruno d’Agay                                          325
Par Anne-Sophie Condette-Marcant

Relire Chardon                                                                                                                         335
Par Delphine Costa

Lazare-Raoul Levy-Bram (1857-1941),
un juriste de l’Algérie à la Métropole                                                                                 349
Par Christiane Derobert-Ratel

Etats, Capteurs et Partages de prises maritimes (… 1920).
What’s in it for me ?                                                                                                                363
Par Bernard Durand

A propos du comité contentieux d’avocats de Bordeaux au temps des Lumières    387
Par Sébastien Evrard

Recherches sur la maxime « Fief et justice sont tout un »                                              399
Par Xavier Godin

Transhumanisme & droit                                                                                                       419
Par Gilles J. Guglielmi

Le chirurgien, le malade & le notaire :
une locatio operis faciendi en 1651                                                                                     431
Par Antoine Leca

Remarques sur l’arrêt « canal de Craponne »
et son rapport à l’ancien droit (XVIe-XIXe siècles)                                                             441
Par Christine Peny

Révision des marchés de travaux et « théorie de l’imprévision » :
convergences et divergences des jurisprudences
administrative et civile au milieu du XIXe siècle                                                                449
Par Laurent Pfister

Il est temps d’ouvrir le Tribunal des conflits à la voie de la Qpc                                   465
Par Thierry S. Renoux

Il contenzioso amministrativo del regno d’Italia napoleonico                                       475
Par Ettore Rotelli

Le port d’armes est-il de droit naturel ?
Un exemple de controverse jurisprudentielle
en Corse sous la Monarchie de Juillet                                                                                 483
Par Solange Ségala

La juridiction administrative en Allemagne : une voie spéciale ?                                 495
Par Michael Stolleis

Tabula gratularia                                                                                                                     505

Table des matières                                                                                                                  509

Nota Bene : le présent ouvrage est diffusé par les Editions Lextenso. Vous pouvez donc vous le procurer directement auprès de notre diffuseur ou dans toutes les bonnes librairies (même virtuelles).

ParEditions L'Epitoge (Collectif l'Unité du Droit)

Les sorties L’Epitoge de l’été 2017 !

Même à l’approche de l’été alors que les plages vont se remplir de juristes (notamment), les Editions l’Epitoge du Collectif L’Unité du Droit vous proposent leurs deux nouvelles publications au sein des collections académique (violette) & Unité du Droit (rouge).

ParEditions L'Epitoge (Collectif l'Unité du Droit)

Les « mots » d’Annie Héritier

Cet ouvrage est le sixième
issu de la collection « Académique ».

En voici les détails techniques ainsi qu’une présentation :

Volume VI :
Les « mots » d’Annie Héritier.
Droit(s) au coeur & à la Culture

Ouvrage collectif
(Direction Mathieu Touzeil-Divina
Delphine Espagno-Abadie & Thierry Garcia)

– Nombre de pages : 236

– Sortie : juillet 2017

– Prix : 49 €

  • ISBN / EAN : 979-10-92684-21-6 /  9791092684216
  • ISSN : 2262-8630

      

Présentation :

Mots-Clefs : Mélanges – Hommage(s) – Annie Héritier – Culture(s) – Université – Droit public – Histoire du Droit – Patrimoine – Nutella – Souris – Fleurs – Bijoux – Amitiés – Etudiant(e)s – Varia
Présentation :

« Cet opus est une déclaration d’amitié(s) pour célébrer celle qui s’est endormie en décembre 2015 et qui a marqué tous les contributeurs et toutes les contributrices, tous les soutiens aux présents Mélanges.

Toutefois, ces Mélanges accueillis par les Editions L’EPITOGE sont à l’image de leur dédicataire : étonnants et même détonants, généreux, amoureux, créatifs, parfois espiègles mais toujours respectueux, ils célèbrent Annie HERITIER en mots, en vers, en prose et même en images. Ils célèbrent le Droit et son Histoire mais aussi l’amitié et la personnalité d’Annie.

Ce sont alors « les mots d’Annie » eux-mêmes entre Droit(s), cœur(s) & culture(s) qui ont – à la manière et sur la présentation alphabétique d’un dictionnaire – guidé l’ensemble de celles et de ceux qui ont voulu ici partager leurs souvenirs, leurs amitiés et leurs reconnaissances. Se mêlent alors les uns aux autres avec la reproduction d’une contribution inédite de l’auteure (à propos de « l’invention du droit du patrimoine culturel ») et sans discontinuité(s) les expressions et mots d’Annie suivants : ALF, amitié & authenticité, bijoux, chat(s) (de la Nation), coca-cola, comparaison,  couleurs de la ville, culture & Corse, doctorantes, droit international, échange, environnement, être sensible, fidélité, grenouille, histoire, imagination, infirmière corse, instants, littérature, nutella, patrimoine(s), perles, poème, reflet, sincérité, souris, troublantes grenouilles, utopie et … Z comme Z’Annie !

Ouvrage publié par le COLLECTIF L’UNITE DU DROIT avec le soutien de la Faculté de Droit et Science Politique de l’Université LUMIERE Lyon 2 ».

 

Nota Bene : le présent ouvrage est diffusé par les Editions Lextenso. Vous pouvez donc vous le procurer directement auprès de notre diffuseur ou dans toutes les bonnes librairies (même virtuelles).

ParEditions L'Epitoge (Collectif l'Unité du Droit)

L’ordre critique du Droit. Mélanges en l’honneur du professeur Claude Journès

Cet ouvrage est le septième
issu de la collection « Académique ».

En voici les détails techniques ainsi qu’une présentation :

Volume VII :
L’ordre critique du Droit.
Mélanges en l’honneur du professeur Claude Journès

Ouvrage collectif
(Direction Guillaume Protière)

– Nombre de pages : 326

– Sortie : février 2017

– Prix : 49 €

  • ISBN / EAN : 979-10-92684-25-4 / 9791092684254
  • ISSN : 2262-8630

      

Présentation :

Cet ouvrage rend hommage au Professeur Claude Journès, ancien Président de l’Université Lumière Lyon 2 et membre fondateur du mouvement Critique du droit.

Les Mélanges offerts au Professeur Claude Journès ont retenu cette approche, utilisant le droit comme un outil de mise en perspective critique de l’ordre social et de l’ordre politique.

Après un hommage au Doyen Journès (P. Blachèr) et l’évocation des ambitions et perspectives du mouvement critique du droit (S. Basset ou J. Michel), l’ouvrage se construit en deux temps. La première partie – intitulée « Le droit critique de l’ordre social » – regroupe des réflexions sur le pouvoir médical (F. Demichel), sur les crimes coloniaux (A. Mahiou), sur la dimension anthropologique du vocabulaire juridique (M.-C. Piatti) et sur le contrôle policier (M. Saoudi), le tout ouvrant sur la possibilité d’un humanisme séculier (H. Puel).

La seconde partie – « Le droit critique de l’ordre politique » – entend montrer comment le droit porte en lui une conception du pouvoir et de l’autorité. Les études explorent des pistes très diverses mêlant les finances publiques (J.-L. Albert), les renseignements (C. Arroudj), l’histoire du droit (J.-L. Autin, J.-C. Genin), l’histoire de la doctrine (H. Gourdon), les institutions politiques (P. Bacot, A.-S. Mescheriakoff, R. Charvin), les institutions territoriales (J.-J. Gleizal, H. Oberdorff, R. Payre), la littérature (S. Caporal, G. Hare) ou les nouvelles technologies (G. Protière). Il ressort de l’ensemble que, loin d’être un simple outil technique, le droit est un puissant instrument de modélisation sociale et de justification du pouvoir. Inversant la logique dominante, la perspective critique du droit dévoile les limites d’une telle conception et rappelle que le droit, comme tous les construits sociaux, est le produit de luttes politiques et de rapports de force. En ce sens, à l’instar des valeurs défendues par le dédicataire de cet ouvrage, l’ordre critique du droit est un appel à contester les évidences, condition d’une conception plus ouverte et pluraliste de l’ordre juridique.

Ouvrage publié par le Collectif L’Unité du Droit avec le soutien de la Faculté de Droit et Science Politique de l’Université Lumière Lyon 2.

Nota Bene : le présent ouvrage est diffusé par les Editions Lextenso. Vous pouvez donc vous le procurer directement auprès de notre diffuseur ou dans toutes les bonnes librairies (même virtuelles).