Thèmes de recherche(s) : droit public – justice et histoire administratives
Quelle a été votre première collaboration / publication aux Editions L’Epitoge ?
Y en a-t-il eu d’autres ? J’espère
Quelle est votre dernière publication ? une étude sur Prosper de Chasseloup-Laubat (1805-1873), conseiller d’Etat et ministre de la marine (Travaux du comité d’histoire du Conseil d’Etat)
Sur quoi portera (en 2021 ou après) votre prochaine publication ? Ce devrait être sur Léon Duguit et la justice administrative
Quelle est la publication dont vous êtes le.la plus fier.e / heureux.se ? Soyons à la fois modeste et ardent !
Quel est – en droit – votre auteur.e préféré.e ? Il en est tant et de genres si variés…, chacun avec son apport et sa force.
Quel est – en littérature – votre auteur.e préféré.e ? (…).
Quel est – en droit – votre ouvrage préféré ? Jean-Baptiste Sirey, Du Conseil d’Etat, de 1818.
Quel est – en littérature – votre ouvrage préféré ? pas facile… Je préfère parler d’auteur ; avant tout, sans doute Guy de Maupassant .
Nota Bene : le présent ouvrage est diffusé par les Editions Lextenso. Vous pourrez donc vous le procurer directement auprès de notre diffuseur ou dans toutes les bonnes librairies (même virtuelles).
Les Editions l’Epitoge, atelier permanent du Collectif L’Unité du Droit, sont heureuses d’annoncer et de célébrer, à vos côtés même confinés, un 150e anniversaire : celui d’une institution bordelaise présentée par l’un de ses plus grands maîtres :
Dernier ouvrage sous la plume d’exception du professeur Bernard Pacteau.
Heureux et grand anniversaire en effet !
L’auteur est déjà réputé pour ses études sur le droit public et son histoire. Il restitue ici la naissance mouvementée de cette Faculté mais aussi sa vie d’avant 1789 dès le temps de l’évêque Pey-Berland en 1430. Montesquieu en fut même élève au XVIIIe siècle. Elle avait été supprimée en 1792 et donc restaurée en 1870. Il décrit aussi tout ce qui a été fait par elle et par ses maîtres modernes, tels Baudry-Lacantinerie, Duguit, puis Bonnard, jusqu’à Ellul, Brethe de la Gressaye et Auby. Le toulousain Hauriou en est lui-même issu.
De nombreuses illustrations originales et souvent inédites, publiées en deux cahiers polychromes, y font revivre ses grandes heures. Préparez-vous donc à découvrir 150 années, et même davantage, de présence universitaire présentées pour vous par l’un de ses anciens élèves puis professeurs et non moins grand connaisseur de l’histoire de Bordeaux.
Cette Faculté de droit de Bordeaux, tant lui doivent tant !
Aux Editions L’Epitoge, le tribut sera versé le 15 décembre 2020, jour officiel de sortie de l’ouvrage du professeur Pacteau, 150 ans, jour pour jour, après l’entrée en vigueur du décret du 15 décembre 1870 qui établit une Faculté de droit dans la ville de Bordeaux.
L’ouvrage, en fonction de l’ouverture des librairies, essentielles ou non, sera a minima en vente libre en ligne (sur le site de notre diffuseur notamment, les Editions Lextenso & la librairie LGDJ) au prix TTC de 18€70 (comme l’année célébrée).
Les Editions l’Epitoge, atelier permanent du Collectif L’Unité du Droit, sont heureuses de vous faire part de la naissance d’un nouvel ouvrage hors collection et d’un premier… Doda !
Titre : Des Objets du Droit Administratif – le Doda – vol. 1
– Auteur : Mathieu Touzeil-Divina
– Nombre de pages : 208 – Sortie : 15 décembre 2020 – Prix : 20 € 20 – tirage : 300 exemplaires
– ISBN / EAN : 979-10-92684-49-0 / 9791092684490
Mots-Clefs : Droit administratif – objets – révisions – méthodologie – mémoires visuelle et kinesthésique – jurisprudence – Conseil d’État – Tribunal des conflits – doctrine
– Nombre de pages : 136 – Sortie : printemps 2020 – Prix : 29 €
– ISBN / EAN : 979-10-92684-39-1 / 9791092684391
– ISSN : 2259-8812
Mots-Clefs : Orléans / jurisprudence / Cours suprêmes / Jeanne d’Arc / Conseil d’Etat / Cour de cassation / Conseil constitutionnel / Tribunal des conflits / Cour de justice / Cour européenne des droits de l’homme.
Présentation :
De l’œuvre des
« postglossateurs » étudiant le Corpus Juris Civilis, en
passant par la fondation officielle de l’université par quatre bulles
pontificales du pape Clément V le 27 janvier 1306, dont les bancs de
la Faculté de droit ont été fréquentés, durant les siècles qui suivirent,
notamment, par Grotius et Pothier, pères respectifs du droit
international et du Code Napoléon,
jusqu’à l’émergence de ce que certains juristes contemporains appellent « l’Ecole
d’Orléans »,
désignant par-là les recherches collectives menées sur les normes sous la
houlette de Catherine Thibierge, les rapports entre
Orléans et le droit sont anciens, prestigieux et multiples.
La jurisprudence des « Cours suprêmes », entendue comme l’ensemble des décisions rendues par les juridictions qui peuvent prétendre à la suprématie d’un ordre juridictionnel (la Cour de cassation, le Conseil d’Etat, le Conseil constitutionnel, le Tribunal des Conflits, la Cour de Justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’homme), apparaît comme un prisme original pour les aborder aujourd’hui. Dans cette optique, le présent ouvrage se propose, dans un souci de transversalité entre les différentes branches du droit, de présenter un échantillon de décisions en lien avec Orléans ou avec une commune de son arrondissement et ayant un intérêt juridique certain. Fidèle à la devise de l’Université, cet ouvrage est non seulement porté par la modernité, mais également ancré dans l’histoire. Histoire, comme celle, par exemple, de Félix Dupanloup, évêque d’Orléans entre 1849 et 1878, qui, à la tête du diocèse, mit en route le processus de canonisation de Jeanne d’Arc.
La présente publication a reçu le soutien du Centre de Recherche Juridique (Crj) Pothier de l’Université d’Orléans & du Collectif L’Unité du Droit
Initialement, l’ouvrage Orléans dans la jurisprudence des « Cours suprêmes » ne comportait pas de conclusion. Cette absence s’expliquait moins par un quelconque dogme que nous vouerions au Moïse du droit qui un jour a dit : « Tu ne concluras point ! », que d’une volonté de le prolonger en un nouveau projet relatif à Orléans et les Chartes constitutionnelles de la France. En effet, au-delà des rapports multiples qu’Orléans entretient avec le droit (« postglossateurs », Grotius, Pothier…), par-delà la jurisprudence des « Cours suprêmes », le nom d’Orléans est également associé à deux Chartes constitutionnelles de la France. La première est la Charte constitutionnelle « orléaniste », celle du 14 août 1830, « négociée » par l’héritier de la quatrième maison capétienne d’Orléans : Louis-Philippe Ier, de retour sur le trône de France et proclamé « Roi des Français par la grâce de Dieu et la volonté nationale ». La seconde est la Charte constitutionnelle « orléanaise », celle de l’Environnement de 2004, qui a été initiée par un discours de Jacques Chirac, le 3 mai 2001 devant l’hôtel de ville de la cité johannique. Ce projet devait donner lieu au premier cycle de conférences des jeunes chercheurs en droit de l’Université d’Orléans au cours de l’année universitaire 2020/2021. C’était sans compter sur la pandémie du Coronavirus…
En droit constitutionnel, le nom d’Orléans est associé au concept de « régime parlementaire orléaniste », plus communément qualifié de « dualiste ». La science du droit constitutionnel considère traditionnellement que la manière dont la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et juridictionnel est déterminée au sein d’un État (« stricte » ou « souple ») sert à classer les régimes politiques. Dans cette perspective, elle oppose, d’une part, le « régime présidentiel » et le « régime parlementaire ». Le premier est celui dans le cadre duquel il existe une indépendance organique et une spécialisation fonctionnelle des pouvoirs. Le second est, quant à lui, celui dans le cadre duquel il existe une interdépendance organique (c’est-à-dire des moyens d’action réciproques, notamment entre les pouvoirs législatif et exécutif : droit de dissolution et mécanismes de mise en jeu de la responsabilité politique du Gouvernement (question de confiance, motion de censure)) et une collaboration fonctionnelle des pouvoirs. Au sein de cette seconde catégorie de « régimes parlementaires », le droit constitutionnel oppose, d’autre part, le « régime parlementaire moniste », qui se caractérise par la responsabilité politique du Gouvernement seulement devant le Parlement, au « régime parlementaire dualiste », dans le cadre duquel « le Gouvernement est politiquement responsable non seulement devant l’assemblée, ou les assemblées […] mais aussi devant le chef de l’État, qui participe donc activement à l’exercice du pouvoir »[1]. Entre ces deux formes de « régimes parlementaires », le « régime parlementaire dualiste » est la forme historique, celle qui a progressivement émergé au XVIIIe siècle au Royaume-Uni et qui s’est développée au siècle suivant en France sous la monarchie de Juillet. C’est la raison pour laquelle il est secondairement qualifié d’« orléaniste ». Néanmoins, en raison du blocage institutionnel auquel ce type de régime parlementaire est susceptible d’aboutir en cas de discordance politique entre le chef de l’État et le Parlement et qu’à la fin, il y a toujours l’un des deux protagonistes qui l’emporte sur l’autre, conférant à son dualisme un caractère nécessairementtemporaire, il s’est progressivement estompé ; les régimes parlementaires contemporains étant essentiellement monistes. La qualification de « régime parlementaire dualiste » subsiste uniquement pour des régimes dits « mixtes », comme, par exemple, la Ve République. C’était d’ailleurs la thèse défendue en 1959 par Maurice Duverger dans son célèbre article à la Revue française de science politique[2]. Mais l’évolution des institutions de la Ve République (le fait majoritaire, les périodes de cohabitation ainsi que la réforme sur le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral)ont rendu cette qualification caduque. Aujourd’hui, le dualisme théorique de 1958 s’est transformé en « monisme inversé », qui se caractérise par la responsabilité politique du Gouvernement seulement devant le Président de la République, faisant de la Ve République un régime « présidentialiste » échappant à la classification traditionnelle des régimes politiques.
En droit de l’environnement, le nom d’Orléans est, quant à lui, associé au discours prononcé le 3 mai 2001, devant l’hôtel de ville de la cité johannique, dans lequel le président Chirac formula le souhait que le droit à un environnement protégé et préservé soit inscrit par le Parlement dans une Charte de l’environnement « adossée à la Constitution » et qui consacrerait les principes fondamentaux, cinq principes fondamentaux : le principe de responsabilité, le principe de précaution, le principe d’intégration, le principe de prévention et (enfin, et peut-être surtout) le principe de participation. Ce souhait fut formulé afin que ces cinq principes fondamentaux soient admis au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (ci-après P.F.R.L.R.)[3]. Une telle formulation était contradictoire et problématique. Contradictoire, elle l’était dans la mesure où afin qu’un principe soit constitutionnalisé, il n’a pas besoin d’être inscrit dans une Charte « adossée à la Constitution » et admis au nombre des P.F.R.L.R. ; l’un ou l’autre est suffisant, sauf à ce qu’« adossée à la Constitution » ne signifie pas « ayant valeur constitutionnelle », le Conseil constitutionnel ayant refusé d’aller dans le premier sens en 1990[4]. Problématique, cette formulation l’était en ce qu’aucun de ces cinq principes ne trouvent un ancrage textuel dans la législation républicaine intervenue avant l’entrée en vigueur du préambule de la Constitution de 1946, condition nécessaire afin qu’un principe soit considéré comme étant issu de la « tradition républicaine » au sens de la jurisprudence Loi portant amnistie du Conseil constitutionnel[5]. Ce sont les deux raisons pour lesquelles cette référence aux P.F.R.L.R. ne fut pas réitérée dans le discours de Jacques Chirac, candidat à la Présidence de la République, le 18 mars 2002 à Avranches[6]. Les origines internationales de ces cinq principes du droit de l’environnement leur imprimaient déjà un caractère formellement fondamental ; fondamentalité que leur inscription aux articles 3 à 7 de la Charte de l’environnement de 2004 avait donc moins pour objet de consacrer que de renforcer. Mais la gravure d’un principe dans le marbre constitutionnel est une chose, son effectivité en est une autre. S’agissant de ces cinq principes fondamentaux, force est de constater que concrètement, une telle inscription a surtout profité au principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement. Si la jurisprudence du Conseil d’État connaît des exemples d’annulation de dispositions réglementaires méconnaissant l’article 7 de la Charte (dont l’arrêt Commune d’Annecy du 3 octobre 2008 est le plus célèbre)[7], la jurisprudence du Conseil constitutionnel tend, quant à elle, à priver d’effet utile les déclarations d’inconstitutionnalité prononcées pour violation du principe de participation du public. En effet, sur les dix déclarations d’inconstitutionnalité de ce type, seule celle prononcée dans la décision du 18 novembre 2016, Société Aprochim et autres, bénéficie à l’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et « peut être invoquée dans toutes les instances introduites et non jugées définitivement à cette date »[8]. C’est dire si l’« effet inutile des QPC » tend à devenir le principe, leur effet utile l’exception[9], notamment lorsque le Conseil constitutionnel applique le principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement.
Ainsi, le projet Orléans et les Chartes constitutionnelles de la France aurait profité de la circonstance des anniversaires des Chartes constitutionnelles « orléaniste » et « orléanaise » de la France pour « creuser » ces deux concepts juridiques « orléanais » que sont le « régime parlementaire dualiste » et les « principes fondamentaux du droit de l’environnement ». Parce que nous sommes convaincus que ce projet est digne d’intérêt dans la continuité d’Orléans dans la jurisprudence des « Cours suprêmes », il sera probablement concrétisé, mais ultérieurement. Car la crise sanitaire et l’incertitude qu’elle fait peser sur l’organisation du cycle de conférences projeté pour l’année universitaire 2020/2021 nous a orienté vers un autre chemin. Ce chemin porte un nom : Le droit administratif général par Orléans, qui projette la réalisation et la publication d’un ouvrage collectif de droit administratif général dans lequel les grands chapitres du cours de droit administratif traditionnellement enseigné en deuxième année de Licence seront traités à partir d’arrêts représentatifs en lien avec Orléans et sous la forme de commentaires.
Maxime Charité & Nolwenn Duclos
[1] Pactet P., Mélin-Soucramanien F., Droit constitutionnel, 38e éd., Sirey, 2019, p. 148.
[2] Duverger M., « Les institutions de la Ve République », RFSP, 1959, pp. 101-134.
[3] Chirac J., « Discours de Jacques Chirac, le 3 mai 2001 à Orléans », RJE, 2003, n° spécial, pp. 77-87.
[5] CC, n° 88-244 DC, 20 juillet 1988, Loi portant amnistie, Rec., p. 119.
[6] Chirac J., « Discours de Jacques Chirac, candidat à la présidence de la République, le 18 mars 2002 à Avranches », RJE, 2003, n° spécial, pp. 89-97.
[7] CE, Ass., 3 octobre 2008, Commune d’Annecy, Rec., p. 322.
[8] CC, n° 2016-595 QPC, 18 novembre 2016, Société Aprochim et autres, JORF n° 270 du 20 novembre 2016, texte n° 31.
[9] Ducharme T., « L’effet inutile des QPC confronté aux droits européens », RDP, 2019, pp. 107-131.
Fondées en 2012 les éditions L’Epitoge fêtent leurs huit années d’existence en tant qu’atelier permanent du Collectif L’Unité du Droit (Clud) qui célèbre, quant à lui, ses 16 ans ! Entre confinements et déconfinements, voici les huit livres sortis ou en cours d’impression(s) que vous trouverez bientôt sous nos couleurs…
Vous noterez par ailleurs que grâce à nos exceptionnels auteurs nous comptabilisions déjà :
– 52 ouvrages publiés ou en cours d’impression ;
– 724 auteur.e.s !
Alors bonnes lectures avec les Editions l’Epitoge !
Les trois ouvrages parus en mars 2020 (mais bloqués dans leur diffusion par une ou un certain(e) Covid-19) :
Jean Jaurès & le(s) droit(s) (Volume IV ; mars 2020 ; ouvrage collectif sous la direction de Mathieu Touzeil-Divina, Clothilde Combes, Delphine Espagno-Abadie & Julia Schmitz)
Quelle a été votre première collaboration / publication aux Editions L’Epitoge ?
Une collaboration à la rédaction d’une occurrence dans l’ouvrage Initiation au droit, 2è édition, parue en 2014
NDE : cet ouvrage a paru aux éditions Lextenso qui diffusent les éditions l’Epitoge.
Y en a-t-il eu d’autres ?
Des participations au Traité des droits de la mort paru en 2014, notamment à la contribution « Du service extérieur des pompes funèbres : activité funéraire et véritable service public », co-écrite avec Mathieu Touzeil-Divina et Mélina Elshoud
Quelle est votre dernière publication ?
« Une autorité administrative luxembourgeoise doit-elle appliquer les exigences du délai raisonnable telles qu’elles découlent de la CEDH ? Considérations générales à partir d’une application par l’ALIA », Revue de droit public luxembourgeois n°5, parue en avril 2020
Quelle sera (en 2020, 21, etc.) votre future publication ?
« Inapplication du droit et illégalité en droit des marchés publics », contribution à l’ouvrage dirigé par Stéphanie Renard et Eric Péchillon, L’inapplication de la règle de droit. Exploration des contours d’un phénomène mal connu, à paraître aux éditions Mare et Martin en juin 2020 (actes du colloque de mai 2019, sur l’inapplication de la règle de droit à Vannes)
Quelle est la publication dont vous êtes le.la plus fier.e / heureux.se ?
Ma thèse, La quasi-régie en droit public français publiée aux éditions Mare et Martin en 2018.
Quel est – en droit – votre auteur.e préféré.e ?
Pierre Pescatore
Quel est – en littérature – votre auteur.e préféré.e ?
Jonathan Stroud
Quel est – en droit – votre ouvrage préféré ?
Elisabeth Zoller, De Nixon à Clinton, PUF, 1999
Quel est – en littérature – votre ouvrage préféré ?
Profession : Chercheuse postdoctorale à l’Université de Luxembourg
Thèmes de recherche(s) : Droit public français, anglais et grec, droit comparé, droit européen, transferts juridiques, proportionnalité, constitutionnalisme global
Quelle est votre dernière publication ? « La réinvention du droit de l’Union européenne par les acteurs juridiques nationaux : le cas de l’intention du législateur en common law », Revue des affaires européennes, no. 4/2019.
Quelle sera (en 2020, 21, etc.) votre future publication ? Local Meanings of Proportionality, sous contrat avec Cambridge University Press (coll. Cambridge Studies in Constitutional Law), publication de la thèse de doctorat.
Quelle est la publication dont vous êtes le.la plus fier.e / heureux.se ? La publication de ma thèse.
Quel est – en droit – votre auteur.e préféré.e ? Annelise Riles.
Quel est – en littérature – votre auteur.e préféré.e ? Chronis Missios.
Quel est – en droit – votre ouvrage préféré ? La pensée sauvage de Claude Lévi-Strauss (ce n’est pas un ouvrage juridique mais ça m’a beaucoup inspirée lors de mes recherches en droit).
Quel est – en littérature – votre ouvrage préféré ? Amorgos de Nikos Gatsos.
En voici les détails techniques ainsi qu’une présentation :
Volume XXIX : Toulouse par le Droit administratif
Ouvrage collectif sous la direction de Mathieu Touzeil-Divina, Mathias Amilhat, Maxime Boul & Adrien Pech membres du comité de rédaction du Journal du Droit Administratif
– Nombre de pages : 256 – Sortie : mai 2020 – Prix : 29 €
– ISBN / EAN : 979-10-92684-40-7 / 9791092684407
– ISSN : 2259-8812
Mots-Clefs : Toulouse / droit administratif / chocolatine / Tribunal Administratif / Conseil d’Etat / Maurice Hauriou / Université de Toulouse / Enseignement / Droit public / Jurisprudence.
Présentation :
Histoire(s) toulousaine(s) & administrativiste(s). En 1853, c’est à l’Université de Toulouse (et non à Paris !) qu’à l’initiative des professeurs Chauveau et Batbie, on fonda le premier média juridique français spécialisé en matière de pratique et de droit administratifs : le Journal du Droit Administratif (Jda) dont le présent ouvrageest une forme de « continuité » sinon de résurgence.
Le Droit administratif à
Toulouse ou Toulouse « par » le Droit administratif est donc
sérieusement ancré dans notre histoire académique qu’incarne, bien après 1853
cela dit, le « Commandeur » de tous les publicistes de droits
internes : le doyen de la Faculté de Droit de Toulouse, Maurice Hauriou.
Un
lieu & du Droit. L’idée d’analyser un lieu
ou un territoire (ici occitan) à travers les yeux et le prisme de juristes (en
l’occurrence publicistes) se fera dans cet ouvrage en clins d’yeux successifs
(et ce, pour garder toujours au moins un œil ouvert !) : d’abord, elle
se fera – on l’a dit – dans la continuité des travaux (de 1853 puis de 2015) du
Journal du Droit Administratif (désormais en ligne) dont les quatre
membres du comité de rédaction ont lancé la présente initiative pour la
première fois sur support également imprimé et ce, avec le concours de
l’Université Toulouse 1 Capitole. Par ailleurs, l’ouvrage sort parallèlement à
un second opus relatif à Orléans dans la jurisprudence des Cours
suprêmes (dir. Charité & Duclos) au Tome XXVIII de la même
collection « L’Unité du Droit » des Editions l’Epitoge (du Collectif L’Unité du Droit).
Trois parties entre Enseignement, Notions &
Prétoires. Concrètement, le présent dossier est construit à partir
de vingt-huit contributions réparties en trois temps : celui de
l’enseignement du droit administratif à Toulouse (avant et après la figure
solaire et charismatique du doyen Hauriou)
(I) puis celui de plusieurs notions administrativistes appliquées et
confrontées au territoire toulousain (intercommunalité, propriété, urbanisme,
fonction publique, etc.) sans oublier l’importance tant quantitative que
qualitative des droits européens intégrés et revendiqués (II). Enfin, ce sont
les décisions et la jurisprudence que nos auteurs ont (ré)investies en mettant
en avant de célèbres arrêts et jugements (allant de la dame veuve Barbaza à la société Giraudy en passant par la
proclamation du Principe général du Droit à un salaire minimum) mais ce, sans
oublier non seulement des affaires récentes (comme celles relatives à la
privatisation de l’aéroport de Blagnac, à la tragédie d’Azf ainsi qu’au contentieux du boulevard périphérique nord)
mais encore des décisions moins connues (III).
Toulouse est
ainsi… aussi dans la… place contentieuse ! #Toulouserepresents
Particularismes toulousains : entre
Puissance & Service publics. Cette place, cela dit, c’est aussi
évidemment à Toulouse celle du Capitole dont l’ouvrage rappelle quelques
particularités urbanistiques et même lyriques. Il faut dire que la « ville
rose » ne se réduit pas – particulièrement en droit administratif – à
un cassoulet ou à des saucisses accompagnées de violettes sur fond de briques
avec pour commensaux des rugbymen qui disputeraient au Tfc une première place pour chanter du Nougaro et/ou du Big Flo & Oli ! En droit public, en effet, Toulouse c’est encore Météo-France,
Airbus ou encore Toulouse Métropole mais c’est aussi, comme le
souligne le professeur Delvolvé
dans sa préface, un résumé du Droit administratif et de son histoire (là encore
marquée du sceau d’Hauriou) entre
puissance et service publics.
Actualités
2020 : entre Cour & Virus. Par
ailleurs, à l’heure où nous publions ce livre, deux actualités ont également
marqué les esprits à propos de Toulouse « par » le droit
administratif. D’abord, c’est l’annonce par le Conseil d’Etat à l’automne 2019
de l’implantation, à Toulouse, de la future et neuvième Cour Administrative
d’Appel ce qui va soulager la Cour bordelaise (mais faire grincer les dents des
Montpelliérains) et compléter la présence, en premier ressort, du Tribunal
Administratif. Par ailleurs, à la fin de l’hiver 2020, ce n’est pas Toulouse mais
la planète entière qui a été terriblement impactée par la pandémie du
Coronavirus ou Covid-19 qui a,
elle-même, symptomatiquement sur-sollicité nos services hospitaliers. Nous
n’oublions alors pas que c’est à Toulouse, en 1968, que la Commission Administratives
des Hôpitaux de Toulouse créa le premier Service d’Aide Médicale Urgente (ou Samu) qui allait devenir national.
En vous souhaitant, malgré
les confinements et avec l’accent (et en grignotant une véritable chocolatine),
une bonne lecture toulousaine de notre Droit administratif.
Toulouse, 20 mars 2020
Nota Bene : le présent ouvrage est diffusé par les Editions Lextenso. Vous pourrez donc vous le procurer directement auprès de notre diffuseur ou dans toutes les bonnes librairies (même virtuelles).
Volume XIII : Le raisonnable en droit administratif
Ouvrage collectif – Direction : S. Théron
– Nombre de pages : 134 – Sortie : 03 juin 2016 – Prix : 39 € – ISBN / EAN : 979-10-92684-10-0 / 9791092684100 – ISSN : 2259-8812
Présentation :
Le terme « raisonnable » n’est pas a priori juridique. Il renvoie à l’idée de « raison » mais aussi de « rationalité ». Il semble désigner un standard et colore la règle de droit d’une connotation morale, sociale… Le raisonnable peut être saisi dans ses relations avec d’autres notions comme l’équité, la normalité, la proportionnalité…il semble quasi-systématiquement perçu dans son rapport avec le déraisonnable. Si le terme de raisonnable est peu usité de manière expresse par le droit positif, l’idée de raisonnable semble sous-jacente à l’action de l’administration mais aussi au procès, à la décision du juge administratif. Cet ouvrage, issu des actes du colloque toulousain du 20 mars 2015, aura pour objet de le démontrer. Par- là, il permettra de s’interroger sur le sens et l’unité éventuelle que peut revêtir le raisonnable. Au-delà des enjeux théoriques, s’intéresser au raisonnable en droit administratif permet de comprendre le sens de l’action administrative : le raisonnable traduit une préoccupation – voire une obligation – que l’on rencontre de manière classique en droit administratif (ainsi l’administration doit appliquer sa règle de manière raisonnable en fonction des circonstances, le juge administratif sanctionne une action déraisonnable et doit statuer dans un délai raisonnable… ). De plus, la manière dont la règle de droit est conçue, dont l’action administrative est menée, conduit à se demander si le raisonnable n’est pas devenu une exigence croissante du droit public : les impératifs de précaution face aux différents risques (sanitaires, environnementaux par exemple) ne sont-ils pas un moyen d’intégrer le raisonnable a priori, l’administration ne doit-elle pas ainsi se conduire de manière raisonnable, prudente tel un bon père de famille ? Voilà quelques-unes des interrogations et des pistes qui ont guidé le présent opus.
Qu’est-ce que le droit peut faire du « raisonnable » ?
Xavier Magnon Professeur de droit public, Université Toulouse 1 Capitole, Institut Maurice Hauriou
La tâche est redoutable. Le sujet proposé porte sur une question, celle de la raison et du raisonnable, qui traverse la pensée occidentale depuis les débuts de la philosophie, il sera banal et convenu que de citer ici Aristote[1] ou Descartes[2], qui a fait l’objet de travaux remarquables en philosophie du droit, pensons seulement à ceux de Perelman[3], et qui renvoie, en droit, à la technique du standard, domaine sur lequel tout semble avoir été déjà écrit en 1980 sans l’angle, à la fois, théorique et du droit positif[4]. S’ajoutent encore les difficultés éventuelles à proposer une définition du droit acceptée de tous.
La recherche est-elle pour autant vaine ? Il est possible de s’inscrire dans une démarche pluridisciplinaire modeste[5], malgré les difficultés liées à une telle démarche[6], consistant à se servir du sens d’un mot tel qu’il a été mis en évidence par d’autres disciplines, afin de proposer un concept utilisable pour la question à traiter sous l’angle juridique. Les travaux évoqués, loin d’imposer un renoncement à la recherche, permettent au contraire de la nourrir afin de proposer une analyse spécifique du raisonnable, tel qu’il peut être utilisé en droit.
Dans cette optique, débarrassons-nous brièvement de la difficulté de la définition du droit pour en retenir une acception minimale de « droit positif », c’est-à-dire de droit en vigueur, de droit obligatoire. La question porte alors sur la question de l’usage par le droit positif textuel, dispositionnel, du « raisonnable ». Il semble également pertinent d’ajouter à cette première acception, la manière dont les organes d’application du droit usent du raisonnable dans l’ensemble du processus de concrétisation du droit. Par organe d’application du droit, il faut entendre organe habilités par le droit à appliquer celui-ci. Le processus de concrétisation normative témoigne de ce que, dans un ordre juridique, plus les normes sont à un niveau élevé de la hiérarchie des normes et plus elles sont générales et abstraites et, qu’à l’inverse, plus elles sont à un niveau faible, plus elles sont individuelles et concrètes[7]. Ce processus aboutit donc à la production de normes, de normes plus individuelles et concrètes au fur et à mesure que l’on descend dans la hiérarchie des normes et que l’on se rapproche du destinataire ultime de la norme. Il ne se réduit cependant pas à la production de normes. Il englobe tous les comportements adoptés par les organes d’application du droit ayant pour résultat le fait de poser une norme. Participent de la concrétisation du droit la procédure législative pour le législateur ou la motivation pour le juge, sans d’ailleurs, dans l’un et l’autre cas, que le processus de concrétisation se réduise seulement à la procédure législative, pour le législateur, ou à la motivation, pour le juge. Ce que fait le droit du « raisonnable » englobe donc aussi bien le renvoi formel au raisonnable par le droit positif que son usage par les organes d’application du droit dans le processus de concrétisation de ce dernier[8].
Le cœur de la difficulté demeure : qu’entendre par « raisonnable » ? L’étude proposée ne se contentera pas d’envisager l’usage par le droit, selon la perspective indiquée, du terme « raisonnable », mais l’usage par le droit du concept de raisonnable, que ce dernier terme soit ou ne soit pas utilisé de manière explicite.
Le terme de raisonnable désigne selon les définitions courantes, et pour ne retenir qu’un sens susceptible d’avoir quelque pertinence en droit, ce qui est conforme à la raison, ce qui renvoie, en l’occurrence, à la définition de ce dernier terme. Avant d’expliciter ce qu’il faudra entendre par le terme « raison », il convient de retenir que la raison est une valeur[9] et que sera raisonnable quelque chose qui est conforme à cette valeur. Autrement dit, le raisonnable permet de mesurer à l’aune de la raison un comportement ou une situation déterminée. Le raisonnable est en ce sens un standard dans l’appréciation des objets auquel il renvoie, il « vise à permettre la mesure de comportements et de situations en termes de normalité, dans la double acception de ce terme »[10].
En tant que standard, le raisonnable renvoie à la normalité et il est utile de rechercher la spécificité que peut revêtir le raisonnable dans la normalité qu’il est censé recouvrir, ce qui revient à rechercher le sens de la raison. Pour mieux le saisir, il convient sans doute d’apprécier de manière comparative, à la suite de nombreux auteurs, le « raisonnable » et le « rationnel ». Ces deux termes renvoient certes de manière immédiate à la raison, mais différemment. Là où le rationnel présente une dimension objective, d’ordre scientifique, le raisonnable comporte une dimension plus subjective, renvoyant à des valeurs. Certes, le choix d’adopter une démarche scientifique correspond à une valeur, précisément la valeur accordée à la science, mais à une valeur objective, ou du moins plus facilement déterminable a priori que d’autres valeurs. Pour Perelman, « est rationnel, dans le sens élargi de ce mot, ce qui est conforme aux méthodes scientifiques »[11]. Il considère que « le rationnel en droit correspond à l’adhésion à (…) la logique et la cohérence (…). Alors que le raisonnable (…), caractérise la décision elle-même, le fait que qu’elle soit acceptable ou non par l’opinion publique, que ses conséquences soient socialement utile ou nuisible, qu’elle soit perçue comme équitable ou impartial »[12]. Le raisonnable présente une dimension plus subjective en ce qu’il s’offre au regard de tous et présente ainsi une dimension extérieure. Le rationnel se rattache à la raison par sa seule cohérence interne ; le raisonnable par ce que tout le monde peut en juger. Lucas considère en ce sens que « dans l’anglais contemporain, il y a une légère différence de sens entre les mots « raisonnable » et « rationnel », car le premier a une connotation morale qui suggère une certaine ouverture envers autrui, tandis que le second a (simplement) une connotation égoïste »[13]. Le rationnel est un élément d’ordre scientifique ; le raisonnable est un sentiment partagé par tous. Le raisonnable ajoute une dimension de valeur dans la mesure de la conformité d’un comportement ou d’une situation à la raison. Il soumet par ailleurs au regard de tous et renvoie ainsi à l’acceptabilité du comportement ou de la situation. Le raisonnable soumet au jugement d’autrui. Le rationnel se suffit à lui-même par sa logique propre, par la cohérence interne de son discours. Est raisonnable ce qui est conforme au sens commun que l’on peut avoir de la raison. Le raisonnable renvoie à une vision collective de ce qui est communément admis.
Le raisonnable, tel que défini, ne semble pas pouvoir se différencier de manière totalement convaincante de la normalité propre au standard. L’on supposera que la raison, valeur à laquelle renvoi le raisonnable, se fond dans la normalité, dans la vision collective de ce qui est communément admis[14]. Le sens commun que l’on peut avoir de la raison, la vision collective de ce qui est communément admis, renvoient à la normalité. Cette proximité entre raisonnable et normal semble devoir permettre, du moins pour notre sujet, d’assimiler le raisonnable et le standard de la manière suivante : tous les standards renvoient au raisonnable, même si seuls certains standards sont formalisés avec le terme même de raisonnable. Lorsque le droit renvoie au raisonnable, il utilise des standards ; dans la formulation de ceux-ci, il use parfois du terme de raisonnable. Tous les standards apparaissent comme des instruments de mesure des comportements s’appuyant sur le raisonnable comme critère d’appréciation, même s’ils n’utilisent pas le terme de manière explicite.
Les termes de raisonnable et de rationnel définis et dissociés, encore faut-il éclairer et illustrer la distinction. Un choix de comportement peut être rationnel sans pour autant être raisonnable ou, à l’inverse, raisonnable sans être rationnel. Aimer son conjoint comme la ou le meilleur des hommes ou des femmes n’est pas rationnel, alors qu’il est fort possible qu’il existe des hommes ou des femmes qui sont meilleurs, mais ce comportement demeure raisonnable dans une société dont l’organisation sociale repose sur la famille. A l’inverse, il peut être rationnel en cas de concurrence avec un ami pour l’obtention d’un meilleur emploi de prendre le poste y compris si cela conduit à écarter son ami, il peut ne pas être raisonnable de le faire, du moins si l’on veut garder son ami. En dehors de ces situations extrêmes, le rationnel peut servir le raisonnable. Le plus souvent, une démarche scientifique reposant sur la rationalité sera également jugée comme raisonnable.
Ce qui apparaît décisif dans l’usage par le droit du raisonnable, ce n’est pas tant l’usage du mot que la fonction qui est assignée au standard, quelle que soit sa formulation linguistique. Cette formulation peut d’ailleurs être interchangeable, alors que la fonction est la même. Est à cet égard topique, le remplacement par l’article 26 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014, pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, du standard « en bon père de famille » par « raisonnablement » ou « d’un bon père de famille » par « raisonnable ». Il n’est pas certain qu’un choix du législateur puisse valider une proposition doctrinale d’analyse, mais il peut, au moins, l’illustrer. L’exemple témoigne ici de ce que les formulations linguistiques des standards sont interchangeables et que tout standard peut être reformulé par une référence au « raisonnable »[15].
La dimension d’appréciation extérieure qu’implique le raisonnable prend un sens tout particulier avec le droit positif : lorsque le droit renvoie au raisonnable, il offre au regard extérieur le soin d’apprécier ce qui est raisonnable. La règle de droit sera d’autant plus acceptable qu’elle renvoie au raisonnable et qu’elle se soumet ainsi à la vision collective de ce qui est communément admis[16]. En renvoyant au raisonnable, le droit crée les conditions de son acceptabilité par ceux qu’il oblige. Encore faut-il cependant que la mise œuvre concrète du raisonnable par les organes d’application du droit corresponde effectivement au sens commun de la raison. La contrepartie de la mise sous le regard de tous réside précisément dans le fait que ce regard est là pour juger si le raisonnable a bien été respecté. Le droit pourrait ainsi être remis en cause, du fait de sa non correspondance avec le raisonnable auquel il renvoie.
Ces premières réflexions sur le « raisonnable » méritent d’être discutées et éprouvées autour des deux sens retenus du terme droit : le droit positif textuel et l’attitude des organes d’application du droit dans le processus de concrétisation de celui-ci. Il semble qu’il faille distinguer l’usage du « raisonnable » dans les deux situations. Cette utilisation ne poursuit pas la même finalité dans l’une et l’autre situation. La norme use du standard pour adapter la contrainte normative aux contextes d’application, c’est-à-dire aux situations de fait dans lesquelles la norme a vocation à s’appliquer, afin de garantit une meilleure efficacité de celle-ci (I). Dans le processus de concrétisation de l’ordre juridique, le recours au raisonnable par les organes d’application du droit, c’est-à-dire par ceux-là même qui sont habilités à produire du droit, renvoie à une dimension d’acceptabilité et de justification de la démarche poursuivie dans la concrétisation du droit (II). Lorsque la norme renvoie au raisonnable, l’analyse s’inscrit ainsi dans une dimension technique ; face à l’usage par les organes d’application du raisonnable, elle présente une dimension plus politique. Dans les deux cas, c’est l’efficacité de la norme et, plus largement, celle de la contrainte qui domine.
I. Le renvoi au raisonnable par la norme : l’adaptation de la contrainte normative aux contextes d’application au nom de l’efficacité normative
Lorsque le droit renvoie au raisonnable, il renvoie à un standard qui permet d’évaluer un comportement ou une situation et autorise ainsi ses destinataires, c’est-à-dire ceux dont le comportement est permis, interdit, obligé ou habilité par la règle de droit, à agir conformément à ce standard. Il offre ainsi une part d’auto-évaluation au destinataire de la norme quant au comportement à avoir dans une situation déterminée. Cette auto-évaluation est elle-même sous le regard des organes de contrôle, et en particulier du juge, qui disposera en l’occurrence d’une marge d’appréciation significative pour apprécier si les comportements visés par le standard entrent bien sous celui-ci.
D’un point de vue technique, l’usage du standard présente une souplesse du fait de son indétermination permettant une adaptation des exigences normatives en fonction des contextes d’application de la norme, afin de permettre une plus grande efficacité de la norme. Parce qu’il n’est pas possible d’envisager dans l’abstrait tous les contextes d’application de la norme, le recours au standard dans la norme permet d’introduire une souplesse, en renvoyant aux destinataires de la norme et aux organes de contrôle le soin d’adapter les exigences normatives à ce contexte, tout en garantissant le respect de la norme dans chacun d’entre eux. Sous cette même fonction, il est cependant possible de distinguer deux types de standards. Le premier type de standard, qui sera qualifié de « standard de résultat », vise à imposer un résultat général sans imposer, de manière implicite, de modalités particulières de réalisation de celui-ci (A) : le second, le « standard de comportements », tout en imposant une obligation générale, exige le respect d’obligations secondaires, adaptées à l’obligation générale et impose ainsi de manière implicite différents comportements (B). Ce n’est pas tant la formulation grammaticale du standard qui sera décisive dans la classification de celui-ci, telle la différence entre « en bon père de famille » et « d’un bon père de famille », mais le sens général à lui attribuer.
A. Le standard de résultat : une obligation générale de résultat adaptée aux contextes d’application
Le standard sera dit de résultat à chaque fois qu’il fixe une obligation générale à atteindre, tout en étant par ailleurs totalement indifférent aux modalités qui conduisent au respect de cette obligation. Peu importe la manière dont le standard sera respecté, tant que le résultat qu’il prescrit est atteint. Ce qui est décisif c’est que, quel que soit le contexte d’application et quelle que soit les voies empruntées pour réaliser l’obligation exigée, le résultat prescrit soit atteint. La mesure du comportement grâce au standard ne se fait qu’à partir du résultat. Difficile de poursuivre sans passer par l’exemple. Deux standards célèbres peuvent être classés, à titre d’illustration, dans cette première catégorie : le délai raisonnable et l’intérêt général.
L’exigence du respect d’un délai raisonnable de jugement constitue l’illustration la plus significative du standard de résultat. Seul le respect d’un délai raisonnable s’impose sans que, d’aucune manière, les modalités de respect de cette obligation n’importent. Il s’agit moins d’imposer des comportements particuliers qu’un comportement général, le respect du délai raisonnable. Plus exactement, il n’est pas possible de prévoir de manière explicite quels comportements permettront a priori de garantir le respect d’un tel délai, compte tenu de la multitude des contextes d’application. La mesure du délai raisonnable est impossible à établir de manière précise, elle dépend des procédures mises en œuvre, des difficultés liées à la connaissance des éléments factuels de l’affaire, de l’ampleur des dommages, etc. Le contexte d’application est tellement indéterminé qu’il est impossible de le saisir de manière explicite et précise grâce à la formulation de la norme. Seul, le renvoi au standard permettra de couvrir tous ces situations potentielles d’application.
La contrainte posée n’en est que plus efficace puisqu’elle est potentiellement susceptible de s’appliquer à tous les contextes d’application possibles en s’adaptant à ceux-ci. La souplesse de la contrainte participe à une meilleure acceptabilité de la norme : là où un délai de 5 ans pour prononcer un jugement de divorce entre deux personnes n’ayant ni bien, ni enfant, ni animal domestique en commun ne sera pas considéré comme un délai raisonnable de jugement, ce même délai pourra être considérée comme raisonnable dans une affaire impliquant le naufrage d’un pétrolier affrété par une grande compagnie pétrolière ayant causé de graves conséquences écologiques. Aucune de ces situations n’est matérialisable a priori. Il n’est pas possible de couvrir et de déterminer des comportements particuliers dans chacune de ces deux situations. Il est seulement possible d’imposer une obligation de résultat : un délai raisonnable de jugement. L’acceptabilité de la contrainte est plus forte car, dans les deux situations, tout le monde comprendra qu’un procès banal sans aucune difficulté particulière ne saurait durer 5 ans alors qu’un procès complexe et sensible résolu en 5 ans le sera dans un délai raisonnable. Ajoutons encore qu’imposer de brefs délais de jugement en général, c’est-à-dire pour tous les procès quels qu’ils soient, ne saurait se faire en posant un délai précis. L’usage du standard semble s’imposer tout naturellement en pratique.
L’intérêt général pourrait être classé dans la catégorie des standards. Il s’inscrit dans une dimension finaliste, la poursuite de l’intérêt général justifiant des qualifications juridiques particulières et, en conséquence, un régime juridique qui l’est également. Il n’est pas possible de définir a priori l’intérêt général compte tenu de la multiplicité des contextes d’application. Il ne s’agit pas non plus, avec ce standard, d’imposer des comportements particuliers pré-définissables, mais seulement d’imposer un résultat particulier à une activité déterminée. Là encore la logique de résultat impose une lecture différenciée du respect du standard en fonction des circonstances : là où la prise en charge d’une activité normalement réservée aux entreprises privées par une personne publique ne répond pas en principe à l’intérêt général, un contexte local particulier peut justifier cette prise en charge en raison de l’intérêt général. Le résultat prescrit, la satisfaction de l’intérêt général, justifie une appréhension contextuelle différente pour s’adapter au mieux aux circonstances.
Le standard de comportement s’inscrit dans une logique tout autre.
B. Le standard de comportement : la plasticité des contraintes normatives en fonction des contextes d’application
Le standard de comportement s’entend d’un standard qui impose, au-delà du respect d’une obligation générale, le respect d’un ensemble d’obligations spécifiques non déterminables a priori, mais qui vont s’imposer dans chaque cas où le standard est applicable. Pour être plus clair, le standard pourra se concrétiser par l’établissement de certaines contraintes, à la charge du destinataire de la norme usant du standard, qui apparaitront dans des contextes d’applications particuliers. Il s’agit d’imposer à partir d’une obligation générale, plusieurs obligations consécutives susceptibles de la concrétiser dans un contexte d’application particulier. Le contexte dicte alors les obligations particulières susceptibles de matérialiser l’obligation générale. Là encore le standard permet une adaptation de la contrainte aux circonstances de l’espèce. En revanche, contrairement au standard résultat, qui impose une même obligation quelles que soient les circonstances, le standard de comportement conduit à décliner plusieurs obligations particulières à partir d’une même obligation générale, et ce, en fonction des circonstances. En pratique, cette concrétisation du standard par l’énoncé de plusieurs autres obligations se fera en particulier par le juge, à l’occasion de la vérification du respect du standard par ses destinataires. Celui-ci pourra considérer, dans une circonstance déterminée, que le standard obligeait à tel comportement particulier. Dans une autre circonstance, ce sera un autre comportement qui devra être suivi pour respecter le standard. Chacun des comportements peut être défini de manière précise en fonction d’un contexte particulier, mais il est impossible de prévoir tous les comportements susceptibles de découler du standard en général. Une liste ne saurait être dressée de tous les comportements exigés par le standard car tous les contextes d’application ne sont pas déterminables a priori. Le standard introduit de la souplesse en permettant de faire entrer dans son domaine d’application tous les comportements potentiels susceptibles d’être couverts par la norme qui s’y réfère.
Le standard du « bon père de famille », sous ces deux formes « en… » et « un… », auquel se substituent désormais respectivement les standards « raisonnablement » et « raisonnable », permettra d’illustrer cette présentation générale et abstraite. Il y a lieu d’indiquer que la différence de formulation, « en bon père de famille » ou « d’un bon père de famille », n’implique pas une différence de classification au regard des deux situations identifiées, à savoir le standard de résultat et le standard de comportement. L’article 1137 alinéa 1 du code civil oblige celui qui veille à la conservation de la chose à y apporter les soins raisonnables (antérieurement d’un bon père de famille), raisonnable est utilisé en tant qu’adjectif qualificatif pour désigner quels types de soins s’imposent ; l’article 1729 du code civil oblige le preneur à user de la chose louée raisonnablement (antérieurement en bon père de famille), raisonnable étant employé en tant qu’adverbe, pour indiquer la manière de se comporter quant à l’usage d’une chose. Dans les deux cas, le ressort imposé par le standard est le même, le standard est un standard de comportement. Les soins raisonnables dépendent des circonstances et imposent une multitude d’obligations, telles qu’elles ont pu être dégagées par la jurisprudence. User raisonnablement de la chose louée s’inscrit dans la même perspective. Elle impose plusieurs obligations différentes à la charge du preneur, autant d’obligations qui concrétisent l’usage raisonnable, comme le fait de ne pas envisager de constructions dénaturant le site, ne pas troubler la tranquillité et la sécurité des autres locataires, de ne pas prêter la chose louée… Les obligations dégagées à partir du standard naissent en fonction des circonstances et s’adaptent au but recherché par l’usage du standard. Il n’est pas possible de dresser une liste de ce que comporte l’obligation d’usage raisonnable. L’on permet aux destinataires de la norme de faire entrer tout un ensemble de comportements sous le standard et on leur impose donc des contraintes multiples sous couvert du respect d’une obligation générale. L’organe de sanction jugera, cas par cas, des obligations particulières, dans des contextes qui le sont tout autant, susceptibles de matérialiser l’obligation générale.
Le renvoi au raisonnable par le droit positif textuel s’inscrit dans une logique d’adaptation de la contrainte normative aux contextes d’application, l’usage du raisonnable par les organes d’application du droit s’inscrit dans une autre perspective.
II. Le recours au raisonnable par les organes d’application du droit : l’acceptation et la justification du processus de concrétisation du droit
Le raisonnable semble constituer un guide d’action général du comportement des organes d’application du droit qui s’impose, de manière pragmatique, pour l’acceptation de leur comportement. Dans une société libérale et pluraliste, le comportement des organes d’application du droit est d’autant mieux accepté par les destinataires qu’il est raisonnable. L’efficacité du droit en général passe sans doute par une attitude raisonnable des organes d’application du droit. Ainsi, un processus de concrétisation, entendu dans un sens large, raisonnable garantit une acceptabilité de la contrainte (A). De manière plus précise, les organes d’application peuvent user d’instruments de rationalisation dans leur discours pour justifier leurs choix interprétatifs (B).
A. Un processus de concrétisation du droit raisonnable pour une acceptabilité de la contrainte normative
L’exigence d’un comportement rationnel des organes d’application du droit ne résulte à l’évidence d’aucune exigence normative du système juridique et l’on voit mal d’ailleurs comment un système juridique pourrait en pratique consacrer de manière générale une telle obligation, même si rien ne l’empêche de le faire. L’on pourrait cependant peut-être rechercher dans d’autres exigences juridiques l’obligation de comportement raisonnable, peut-être dans la sécurité juridique, qui impose une certaine prévisibilité du droit, à condition qu’elle soit consacrée par le droit positif. Quelles que soient les discussions possibles sur ce point, ce n’est pas directement sous l’angle normatif qu’il convient d’envisager le comportement raisonnable des organes d’application du droit, mais sous un angle factuel, l’efficacité, et même d’ordre psychologique, d’acceptabilité de la norme.
Alors que le raisonnable renvoie à une conception moyenne de ce qui est conforme à la raison, les organes d’application du droit ont tout intérêt à participer au processus de concrétisation du droit en adoptant une attitude raisonnable. Les organes d’application du doit agissent sous le regard des destinataires des normes et une action raisonnable de ces organes renforce l’acceptation de leur comportement. De manière plus technique, cette idée d’un comportement raisonnable des organes d’application se retrouve en droit positif à travers la plupart des procédures matérialisant la concrétisation du droit.
Ainsi, par exemple, la procédure législative répond à une logique de raisonnable. Elle se doit d’ailleurs d’être raisonnable pour l’acceptabilité même par le citoyen du fonctionnement démocratique. L’on peut même voir dans l’organisation de la procédure législative une logique de rationalité. L’obligation pour les projets de loi d’être accompagnés, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et la loi organique d’application du 15 avril 2009, par une étude d’impact s’inscrit dans une volonté de rationaliser la procédure législative. Le fait d’imposer que tout un ensemble d’informations soient contenues dans les études d’impact s’inscrit dans une logique de rationalité, d’organisation de dimension scientifique du processus législatif. Cette rationalité renforce le caractère raisonnable de la procédure. La rationalité nourrit le raisonnable. Si la procédure devient plus rigoureuse dans son organisation, elle est d’autant plus raisonnable.
La motivation des décisions juridictionnelles doit également obéir de manière générale au raisonnable. A partir du moment où elle doit justifier la manière de résoudre un litige particulier dans un sens déterminé, elle doit être acceptée non seulement des parties, mais également de tous ceux qui sont susceptibles de la lire. Le discours doit donc être raisonnable. Il ne doit sans doute pas obéir aux principes de la logique formelle (principes de non-contradiction, de tiers exclu, d’identité et de bivalence), mais il doit être raisonnable, apparaître comme conforme à ce qui est communément admis au regard de la raison, à la vision collective de ce qui est communément admis.
Le comportement matériel des organes d’application du droit se doit d’être raisonnable. Sans entrer dans une polémique inutile, il y a lieu de constater que certaines émeutes urbaines ayant eu lieu dans des quartiers périphériques sont consécutives à des comportements des forces de l’ordre jugés non raisonnables par ceux qui en ont été victime. Les procès récents concernant les contrôles d’identité arbitraires renvoient encore à cette dimension raisonnable.
Une concrétisation du droit raisonnable renforce son acceptabilité et donc son efficacité. Le raisonnable peut encore se manifester dans ce processus à travers l’usage d’instruments de rationalisation du discours à d’autres fins.
B. L’usage d’instruments de rationalisation du discours pour justifier les choix interprétatifs
L’hypothèse de l’usage d’instruments qui renvoient au raisonnable doit être soigneusement distinguée de l’hypothèse précédente. Il ne s’agit pas de désigner un processus global raisonnable de concrétisation, mais d’envisager l’utilisation d’instruments techniques qui reflètent une attitude raisonnable des organes d’application du droit. Tel est le cas du recours au standard en général par ces organes, à chaque fois qu’ils doivent motiver leur choix dans le processus de concrétisation. Dans cette motivation, qu’il s’agisse de celle du juge, comme celle de l’administration, l’usage de standard permet de justifier leur décision et donc, comme dans l’hypothèse précédente, de garantir l’acceptabilité et l’efficacité de leur décision. Dans cette perspective, il convient toutefois de distinguer deux situations quant à l’usage du standard par les organes d’application selon qu’il résulte d’une contrainte normative ou de la liberté de choix de l’organe.
Si le droit positif consacre des standards, les organes d’application seront tenus d’en user au moment de concrétiser le droit positif. Dans cette situation, c’est le droit positif lui-même qui impose le recours au standard et l’utilisation par les organes d’application de ce standard s’inscrit dans le prolongement et participe de la même dynamique, sans présenter de spécificité. L’usage autonome, c’est-à-dire en dehors de toute contrainte normative, par les organes d’application paraît sans doute l’attitude la plus singulière à analyser. Le choix d’user d’instruments renvoyant au raisonnable intervient alors pour justifier ses choix interprétatifs et, indirectement, de masquer son pouvoir d’appréciation discrétionnaire. Il existe ainsi une fonction supplémentaire à l’usage du standard. Il ne s’agit plus seulement d’accroître l’acceptabilité et donc l’efficacité de son discours mais, surtout, de le justifier. Un exemple suffit à éclairer cette proposition générale : le contrôle de proportionnalité tel qu’il est revendiqué aujourd’hui par tout un ensemble de juridictions. Dans sa formulation la plus aboutie, il impose une appréciation en trois temps de la nécessité, du caractère adapté et de la proportionnalité stricte d’un comportement au regard d’une valeur déterminée. Cette formulation tend d’ailleurs à rationaliser le discours du juge, cette rationalité nourrissant le raisonnable. Elle vise en tout état de cause à justifier des choix du juge dans l’appréciation de la régularité d’une norme juridique qui porte atteinte à une valeur déterminée. L’usage de cette technique de contrôle, en particulier lorsqu’elle est le fait de cours constitutionnelles, paraît contrebalancer le pouvoir discrétionnaire du juge dans l’appréciation de la régularité de la loi au regard de la Constitution. Face à des énoncés constitutionnels indéterminés et au large pouvoir d’appréciation du législateur dans la concrétisation de ces énoncés, le pouvoir discrétionnaire du juge est considérable. Afficher l’usage de techniques de contrôle de l’ordre du rationnel masque le pouvoir discrétionnaire, justifie le contrôle et le rend acceptable.
Qu’est-ce que le droit peut faire du raisonnable[17]? Les réponses qui ont été proposées s’organisent autour de deux axes. La norme juridique renvoie au raisonnable et plus largement au standard pour permettre une meilleure adaptation de la contrainte aux contextes d’application dans lesquels il a vocation à s’appliquer. Elle peut en ce sens prescrire un résultat général à atteindre sans s’intéresser aux modalités de sa réalisation, en usant d’un standard de résultat, ou, tout en prescrivant une obligation générale, imposer des comportements secondaires adaptés au contexte d’application, en renvoyant à un standard de comportement. Vu par le prisme des organes d’application du droit, le raisonnable constitue à la fois un guide général d’action à l’appui de l’acceptabilité et donc de l’efficacité de la règle de droit et un instrument technique particulier qui vise à justifier les choix interprétatifs et, plus largement, à masquer le pouvoir discrétionnaire. Les résultats de la recherche sont sans doute partiels, les autres contributions permettront de mettre en lumière la pertinence ou l’absence de pertinence de cette présentation qui offre un éclairage général de la question.
[1] Voir Aristote, Ethique à Nicomaque, Flammarion, Le monde de la philosophie, 2008, en particulier la sixième partie, Les vertus intellectuelles, p. 213 et s.
[2] Voir Descartes, Discours de la méthode, Flammarion, Philosophie, 2000, le sous-titre de l’ouvrage étant en l’occurrence le suivant : « pour bien conduire sa raison et chercher sa vérité dans les sciences ».Voir également : Règles pour la direction de l’esprit, Vrin, Les philosophiques, 2000. Voir enfin pour une recherche sur l’usage de la raison par Descartes dans ce dernier ouvrage : E. Cassan, « La raison chez Descartes, puissance de bien juger », Le Philosophoire, n° 28, 2007/1, pp. 133s.
[3] Voir notamment : Perelman C., Justice et raison, Presses universitaire de Bruxelles, 1963.
[4] Rials S., Le juge administratif et la technique du standard : essai sur le traitement juridictionnel de l’idée de normalité, Lgdj, Bibliothèque de droit public, 1980.
[5] Voir pour une défense magistrale d’une approche pluridimensionnelle du droit : Ponsard R., Les catégories juridiques et le Conseil constitutionnel. Contribution à l’analyse du droit et du contentieux constitutionnels, Thèse, Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne, 2011, dactyl, voir en particulier l’introduction.
[6] Voir sur cette question et défendant le principe d’une méthode transdisciplinaire normativo-centrée : Appréhender le droit constitutionnel jurisprudentiel sous un angle politique. D’une posture à la discussion de quelques orientations méthodologiques fondamentales », in Questions sur la question (QsQ 3) : de nouveaux équilibres institutionnels ?, sous la direction de Magnon X., Esplugas P., Mastor W. et Mouton S., Lgdj-Lextenso, collection Grands Colloques, 2014, pp. 3-14.
[7] Il s’agit là d’un mouvement consubstantiel à la hiérarchie des normes qui repose sur le rapport de production entre les normes.
[8] Est écartée du domaine d’analyse la question de savoir si le droit positif doit ou est raisonnable. La formulation du sujet « qu’est-ce que le droit peut faire du raisonnable ? » implique de s’interroger de la manière dont en use et non pas de rechercher en quoi il doit s’y soumettre.
[9] MacCormick N. considère que le raisonnable présente une dimension évaluative et non pas descriptive, tout en défendant le fait qu’il constitue un standard objectif. Voir : « Reasonableness and objectivity », Notre Dame L. Rev., Vol. 74:5, 1998-1999, p. 1576.
[10] Rials S., Le juge administratif et la technique du standard : essai sur le traitement juridictionnel de l’idée de normalité, Op. cit. p. 120.
[11] Perelman C., Olbrechts-Tyteca L., Traité de l’argumentation, Editions de l’Université de Bruxelles, UB lire Fondamentaux, 2008, p. 2.
[12] Perelman C., « The rational and the reasonable », in The New Rethoric and the Humanities, Reidel, Dordrecht, 1979, p. 217.
[13] Lucas J.R., On justice, Oxford, 1980, p. 37, cité par Arnio A. : Le Rationnel comme raisonnable : La Justification en droit, Lgdj-Montchrestion, La pensée juridique, 1992, p. 230.
[14] Ce qui revient en définitive à supposer que le système juridique qui renvoie au raisonnable se développe dans une société raisonnable, c’est-à-dire une société qui fonctionne à partir de la valeur de la raison.
[15] Une telle hypothèse mérite cependant d’être éprouvée. Toutes les formulations linguistiques des standards peuvent-elles être remplacées par une référence au raisonnable ? L’intérêt général ou le bon peut-il être réduit à un objectif raisonnable ? L’entretien normal à l’entretien raisonnable ? Cette hypothèse pourrait également impliquer que le recours au « raisonnable » se justifie dès lors qu’il n’est pas possible de trouver une autre formulation linguistique.
[16] Sur le concept d’acceptabilité rationnelle, v. Aarnio A., Le Rationnel comme raisonnable : La Justification en droit, Op. cit. p. 230 et s.
[17] Il convient ici de rappeler, les résultats mis en évidence par Stéphane Rials : « le standard présente trois caractéristiques fonctionnelles essentielles dont il n’a d’ailleurs pas nécessairement l’exclusivité :il opère en fait sinon en droit un transfert de pouvoir créateur de droit à l’autorité qui l’édicte à l’autorité qui l’applique ou si ces deux missions sont assumées par la même autorité, il contribue à réserver le pouvoir de cette dernière ;il assure trois missions rhétoriques liées de persuasion, de légitimation et de généralisation ;il permet une régularisation permanente du système juridique » (Op. cit. p. 120).