Volume XXVIII :
Orléans dans la jurisprudence
des « Cours suprêmes »
Ouvrage collectif sous la direction de
Maxime Charité & Nolwenn Duclos
– Nombre de pages : 136
– Sortie : printemps 2020
– Prix : 29 €
– ISBN / EAN : 979-10-92684-39-1
/ 9791092684391
– ISSN : 2259-8812
Mots-Clefs : Orléans / jurisprudence / Cours suprêmes / Jeanne d’Arc / Conseil d’Etat / Cour de cassation / Conseil constitutionnel / Tribunal des conflits / Cour de justice / Cour européenne des droits de l’homme.
Présentation :
De l’œuvre des « postglossateurs » étudiant le Corpus Juris Civilis, en passant par la fondation officielle de l’université par quatre bulles pontificales du pape Clément V le 27 janvier 1306, dont les bancs de la Faculté de droit ont été fréquentés, durant les siècles qui suivirent, notamment, par Grotius et Pothier, pères respectifs du droit international et du Code Napoléon, jusqu’à l’émergence de ce que certains juristes contemporains appellent « l’Ecole d’Orléans », désignant par-là les recherches collectives menées sur les normes sous la houlette de Catherine Thibierge, les rapports entre Orléans et le droit sont anciens, prestigieux et multiples.
La jurisprudence des « Cours suprêmes », entendue comme l’ensemble des décisions rendues par les juridictions qui peuvent prétendre à la suprématie d’un ordre juridictionnel (la Cour de cassation, le Conseil d’Etat, le Conseil constitutionnel, le Tribunal des Conflits, la Cour de Justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’homme), apparaît comme un prisme original pour les aborder aujourd’hui. Dans cette optique, le présent ouvrage se propose, dans un souci de transversalité entre les différentes branches du droit, de présenter un échantillon de décisions en lien avec Orléans ou avec une commune de son arrondissement et ayant un intérêt juridique certain. Fidèle à la devise de l’Université, cet ouvrage est non seulement porté par la modernité, mais également ancré dans l’histoire. Histoire, comme celle, par exemple, de Félix Dupanloup, évêque d’Orléans entre 1849 et 1878, qui, à la tête du diocèse, mit en route le processus de canonisation de Jeanne d’Arc.
La présente publication a reçu le soutien du Centre de Recherche Juridique (Crj) Pothier de l’Université d’Orléans & du Collectif L’Unité du Droit
Initialement, l’ouvrage Orléans dans la jurisprudence des « Cours suprêmes » ne comportait pas de conclusion. Cette absence s’expliquait moins par un quelconque dogme que nous vouerions au Moïse du droit qui un jour a dit : « Tu ne concluras point ! », que d’une volonté de le prolonger en un nouveau projet relatif à Orléans et les Chartes constitutionnelles de la France. En effet, au-delà des rapports multiples qu’Orléans entretient avec le droit (« postglossateurs », Grotius, Pothier…), par-delà la jurisprudence des « Cours suprêmes », le nom d’Orléans est également associé à deux Chartes constitutionnelles de la France. La première est la Charte constitutionnelle « orléaniste », celle du 14 août 1830, « négociée » par l’héritier de la quatrième maison capétienne d’Orléans : Louis-Philippe Ier, de retour sur le trône de France et proclamé « Roi des Français par la grâce de Dieu et la volonté nationale ». La seconde est la Charte constitutionnelle « orléanaise », celle de l’Environnement de 2004, qui a été initiée par un discours de Jacques Chirac, le 3 mai 2001 devant l’hôtel de ville de la cité johannique. Ce projet devait donner lieu au premier cycle de conférences des jeunes chercheurs en droit de l’Université d’Orléans au cours de l’année universitaire 2020/2021. C’était sans compter sur la pandémie du Coronavirus…
En droit constitutionnel, le nom d’Orléans est associé au concept de « régime parlementaire orléaniste », plus communément qualifié de « dualiste ». La science du droit constitutionnel considère traditionnellement que la manière dont la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et juridictionnel est déterminée au sein d’un État (« stricte » ou « souple ») sert à classer les régimes politiques. Dans cette perspective, elle oppose, d’une part, le « régime présidentiel » et le « régime parlementaire ». Le premier est celui dans le cadre duquel il existe une indépendance organique et une spécialisation fonctionnelle des pouvoirs. Le second est, quant à lui, celui dans le cadre duquel il existe une interdépendance organique (c’est-à-dire des moyens d’action réciproques, notamment entre les pouvoirs législatif et exécutif : droit de dissolution et mécanismes de mise en jeu de la responsabilité politique du Gouvernement (question de confiance, motion de censure)) et une collaboration fonctionnelle des pouvoirs. Au sein de cette seconde catégorie de « régimes parlementaires », le droit constitutionnel oppose, d’autre part, le « régime parlementaire moniste », qui se caractérise par la responsabilité politique du Gouvernement seulement devant le Parlement, au « régime parlementaire dualiste », dans le cadre duquel « le Gouvernement est politiquement responsable non seulement devant l’assemblée, ou les assemblées […] mais aussi devant le chef de l’État, qui participe donc activement à l’exercice du pouvoir »[1]. Entre ces deux formes de « régimes parlementaires », le « régime parlementaire dualiste » est la forme historique, celle qui a progressivement émergé au XVIIIe siècle au Royaume-Uni et qui s’est développée au siècle suivant en France sous la monarchie de Juillet. C’est la raison pour laquelle il est secondairement qualifié d’« orléaniste ». Néanmoins, en raison du blocage institutionnel auquel ce type de régime parlementaire est susceptible d’aboutir en cas de discordance politique entre le chef de l’État et le Parlement et qu’à la fin, il y a toujours l’un des deux protagonistes qui l’emporte sur l’autre, conférant à son dualisme un caractère nécessairementtemporaire, il s’est progressivement estompé ; les régimes parlementaires contemporains étant essentiellement monistes. La qualification de « régime parlementaire dualiste » subsiste uniquement pour des régimes dits « mixtes », comme, par exemple, la Ve République. C’était d’ailleurs la thèse défendue en 1959 par Maurice Duverger dans son célèbre article à la Revue française de science politique[2]. Mais l’évolution des institutions de la Ve République (le fait majoritaire, les périodes de cohabitation ainsi que la réforme sur le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral)ont rendu cette qualification caduque. Aujourd’hui, le dualisme théorique de 1958 s’est transformé en « monisme inversé », qui se caractérise par la responsabilité politique du Gouvernement seulement devant le Président de la République, faisant de la Ve République un régime « présidentialiste » échappant à la classification traditionnelle des régimes politiques.
En droit de l’environnement, le nom d’Orléans est, quant à lui, associé au discours prononcé le 3 mai 2001, devant l’hôtel de ville de la cité johannique, dans lequel le président Chirac formula le souhait que le droit à un environnement protégé et préservé soit inscrit par le Parlement dans une Charte de l’environnement « adossée à la Constitution » et qui consacrerait les principes fondamentaux, cinq principes fondamentaux : le principe de responsabilité, le principe de précaution, le principe d’intégration, le principe de prévention et (enfin, et peut-être surtout) le principe de participation. Ce souhait fut formulé afin que ces cinq principes fondamentaux soient admis au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (ci-après P.F.R.L.R.)[3]. Une telle formulation était contradictoire et problématique. Contradictoire, elle l’était dans la mesure où afin qu’un principe soit constitutionnalisé, il n’a pas besoin d’être inscrit dans une Charte « adossée à la Constitution » et admis au nombre des P.F.R.L.R. ; l’un ou l’autre est suffisant, sauf à ce qu’« adossée à la Constitution » ne signifie pas « ayant valeur constitutionnelle », le Conseil constitutionnel ayant refusé d’aller dans le premier sens en 1990[4]. Problématique, cette formulation l’était en ce qu’aucun de ces cinq principes ne trouvent un ancrage textuel dans la législation républicaine intervenue avant l’entrée en vigueur du préambule de la Constitution de 1946, condition nécessaire afin qu’un principe soit considéré comme étant issu de la « tradition républicaine » au sens de la jurisprudence Loi portant amnistie du Conseil constitutionnel[5]. Ce sont les deux raisons pour lesquelles cette référence aux P.F.R.L.R. ne fut pas réitérée dans le discours de Jacques Chirac, candidat à la Présidence de la République, le 18 mars 2002 à Avranches[6]. Les origines internationales de ces cinq principes du droit de l’environnement leur imprimaient déjà un caractère formellement fondamental ; fondamentalité que leur inscription aux articles 3 à 7 de la Charte de l’environnement de 2004 avait donc moins pour objet de consacrer que de renforcer. Mais la gravure d’un principe dans le marbre constitutionnel est une chose, son effectivité en est une autre. S’agissant de ces cinq principes fondamentaux, force est de constater que concrètement, une telle inscription a surtout profité au principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement. Si la jurisprudence du Conseil d’État connaît des exemples d’annulation de dispositions réglementaires méconnaissant l’article 7 de la Charte (dont l’arrêt Commune d’Annecy du 3 octobre 2008 est le plus célèbre)[7], la jurisprudence du Conseil constitutionnel tend, quant à elle, à priver d’effet utile les déclarations d’inconstitutionnalité prononcées pour violation du principe de participation du public. En effet, sur les dix déclarations d’inconstitutionnalité de ce type, seule celle prononcée dans la décision du 18 novembre 2016, Société Aprochim et autres, bénéficie à l’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et « peut être invoquée dans toutes les instances introduites et non jugées définitivement à cette date »[8]. C’est dire si l’« effet inutile des QPC » tend à devenir le principe, leur effet utile l’exception[9], notamment lorsque le Conseil constitutionnel applique le principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement.
Ainsi, le projet Orléans et les Chartes constitutionnelles de la France aurait profité de la circonstance des anniversaires des Chartes constitutionnelles « orléaniste » et « orléanaise » de la France pour « creuser » ces deux concepts juridiques « orléanais » que sont le « régime parlementaire dualiste » et les « principes fondamentaux du droit de l’environnement ». Parce que nous sommes convaincus que ce projet est digne d’intérêt dans la continuité d’Orléans dans la jurisprudence des « Cours suprêmes », il sera probablement concrétisé, mais ultérieurement. Car la crise sanitaire et l’incertitude qu’elle fait peser sur l’organisation du cycle de conférences projeté pour l’année universitaire 2020/2021 nous a orienté vers un autre chemin. Ce chemin porte un nom : Le droit administratif général par Orléans, qui projette la réalisation et la publication d’un ouvrage collectif de droit administratif général dans lequel les grands chapitres du cours de droit administratif traditionnellement enseigné en deuxième année de Licence seront traités à partir d’arrêts représentatifs en lien avec Orléans et sous la forme de commentaires.
Maxime Charité
& Nolwenn Duclos
[1] Pactet P., Mélin-Soucramanien F., Droit constitutionnel, 38e éd., Sirey, 2019, p. 148.
[2] Duverger M., « Les institutions de la Ve République », RFSP, 1959, pp. 101-134.
[3] Chirac J., « Discours de Jacques Chirac, le 3 mai 2001 à Orléans », RJE, 2003, n° spécial, pp. 77-87.
[4] CC, « Procès-verbal de la séance du mercredi 25 juillet 1990 10 heures », 55 pp. (https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/decisions/PV/pv1990-07-25.pdf).
[5] CC, n° 88-244 DC, 20 juillet 1988, Loi portant amnistie, Rec., p. 119.
[6] Chirac J., « Discours de Jacques Chirac, candidat à la présidence de la République, le 18 mars 2002 à Avranches », RJE, 2003, n° spécial, pp. 89-97.
[7] CE, Ass., 3 octobre 2008, Commune d’Annecy, Rec., p. 322.
[8] CC, n° 2016-595 QPC, 18 novembre 2016, Société Aprochim et autres, JORF n° 270 du 20 novembre 2016, texte n° 31.
[9] Ducharme T., « L’effet inutile des QPC confronté aux droits européens », RDP, 2019, pp. 107-131.
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