Contrôle de proportionnalité, libertés économiques & intégration européenne par le Dr. Marketou

ParEditions L'Epitoge (Collectif l'Unité du Droit)

Contrôle de proportionnalité, libertés économiques & intégration européenne par le Dr. Marketou

Voici la 75e et DERNIERE publication offerte dans le cadre des 75 jours confinés des Editions L’Epitoge. Il s’agit d’un extrait du 7e livre de nos Editions dans la collection dite verte de la Revue Méditerranéenne de Droit public publiée depuis 2013.

Cet ouvrage est le septième issu de la collection
« Revue Méditerranéenne de Droit Public (RM-DP) ».

En voici les détails techniques ainsi qu’une présentation :

Volume VII :
Etudes franco-grecques
de droit public

Ouvrage collectif réalisé par les cellules athénienne & toulousaine
du Laboratoire Méditerranéen de Droit Public
(dir. Mathieu Touzeil-Divina
avec Théodora Papadimitriou
Maria Gkana,
Nicoletta Perlo
&
Julia Schmitz)

– Nombre de pages : 178
– Sortie : octobre 2017
– Prix : 33 €
ISBN / EAN :  979-10-92684-23-0 / 9791092684230
ISSN : 2268-9893

1ère de couverture (illustration) :
Bernard Chardon

Mots-Clefs : Droit(s) comparé(s) – droit public – France – Grèce – Athènes – Toulouse – Justice(s) – droit administratif –Méditerranée – Cours constitutionnelles – Pouvoir(s) – Laboratoire Méditerranéen de Droit Public –

Présentation :

Le présent ouvrage est le fruit d’échanges méditerranéens tissés entre deux cellules des équipes grecque et française du Laboratoire Méditerranéen de Droit Public (Lm-Dp) : les cellules athénienne et toulousaine. Attachés à l’étude mais aussi à la défense des droits et des libertés dans ces deux Etats européens dont les histoires se sont précisément illustrées autour de ces thématiques, les membres des équipes grecque et française ont décidé d’en faire un objet de contributions et de réflexions ouvert à leurs membres ainsi qu’à tout intéressé. Matériellement, deux opérations ont été menées conjointement (et forment naturellement les deux parties du présent septième numéro de la Revue Méditerranéenne de Droit Public) : une expérience méthodologique de commentaires prétoriens (I) ainsi que la réunion de textes relatifs aux libertés et aux droits en France et / ou en Grèce (II).

Comparaisons prétoriennes : cette première partie, comme l’a souligné le professeur Kamtsidou dans sa préface, fait honneur à la maxime selon laquelle comparaison ferait raison ! En effet, à partir de trois décisions juridictionnelles des Conseils d’Etat hellénique et français ainsi que de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, il a d’abord été proposé à des membres grecs et français des cellules athénienne et toulousaine du Lm-Dp de commenter parallèlement – et sans se concerter – lesdites décisions ce qui a donné lieu à la rédaction de six commentaires (trois grecs et trois français). Par suite, un autre groupe a tenté de « commenter les commentaires » en essayant de mettre en avant points communs et divergences.

Droits & Libertés : une seconde partie, plus classique, a rassemblé, sur le thème des droits et des libertés, six autres contributions à propos des libertés économiques et professionnelle, du droit de l’environnement, du droit d’asile et de la protection des animaux. Il ne vous reste alors, selon la formule désormais consacrée de cette Revue, qu’à embarquer sur nos rives méditerranéennes et juridiques aux côtés des capitaines et moussaillons de ce beau numéro VII en gardant toujours à l’esprit que le Laboratoire Méditerranéen de Droit Public, porteur de ce projet, n’appartient à aucun pays et n’a embrassé aucun dogme. Il entend voguer où le vent le conduira et avec les voyageurs et les capitaines qui voudront bien s’y consacrer.

Le présent ouvrage a reçu le soutien de l’Institut Léon Duguit (ea 7439) de l’Université de Bordeaux.

Contrôle de proportionnalité, libertés économiques
& intégration européenne :
réflexion à partir de l’affaire Michaniki

Afroditi Marketou
Doctorante de droit public ; Institut de Florence
Ater à l’Université Toulouse 1 Capitole,

Institut Maurice Hauriou
Laboratoire Méditerranéen de Droit Public

(équipe française)

L’adoption du contrôle de proportionnalité en Grèce a été célébrée comme un progrès permettant une meilleure protection des droits fondamentaux. La « marche triomphante »[1] de la proportionnalité dans l’ordre juridique grec culmine avec sa consécration explicite dans le premier paragraphe de l’article 25 de la Constitution. Depuis 2001, cet article dispose que : « Les droits de l’homme, en tant qu’individu et en tant que membre du corps social, et le principe de l’Etat de droit social sont placés sous la garantie de l’Etat. Tous les organes de l’Etat sont tenus d’en assurer l’exercice libre et efficace. Ces principes sont également valables dans les relations entre particuliers auxquelles ils sont propres. Les restrictions de tout ordre qui peuvent être imposées à ces droits selon la Constitution doivent être prévues soit directement par la Constitution soit par la loi, sans préjudice de celle-ci et dans le respect du principe de proportionnalité »[2].

Dans la doctrine allemande, source du principe de proportionnalité, ce principe est vu comme une méthode de pesée de valeurs constitutionnelles antagonistes. Son application est censée mettre les droits au centre de l’ordre juridique et leur confère le statut des finalités que le législateur doit « optimiser »[3]. La conception allemande accompagne la propagation de la proportionnalité dans d’autres systèmes, comme une sorte de « bagage culturel »[4]. Pour autant, l’enthousiasme général provoqué par le succès de la proportionnalité semble ne pas tenir compte de l’importance du contexte discursif dans lequel la rhétorique de la proportionnalité est employée ni de la culture juridique dans laquelle elle s’insère.

Pour les besoins de notre recherche, la culture juridique est entendue comme le « réseau de signification » propre au discours juridique[5]. Il s’agit d’un ensemble de structures, de connections et de distinctions, de significations, de symboles et de représentations partagées parmi les juristes dans un système donné. Bien que changeante et fragmentée, la culture est un contexte discursif dans lequel l’utilisation des termes juridiques prend du sens et acquiert une fonction particulière. Contrairement aux mobiles et aux intentions des agents du système, la culture juridique est publique et donc accessible à l’observation. Elle peut être déduite des arguments qui sont acceptables par l’ensemble des acteurs de la controverse juridique.

Les concepts utilisés par les juristes n’ont pas un contenu éternel et universel. Celui-ci dépend au contraire de leur contexte d’utilisation. Les diverses perceptions du principe de proportionnalité observées dans les systèmes étudiés ne sont pas simplement des concrétisations imparfaites de sa conception idéale, décrite dans les œuvres de Robert Alexy ou d’autres théoriciens du droit. Dans notre recherche, la proportionnalité désigne une rhétorique, une terminologie spécifique, utilisée dans l’argumentation juridique des systèmes étudiés. Son contenu, le sens et la structure attribués au principe, ainsi que sa fonction dans le raisonnement juridique, sont largement déterminés par la culture dans laquelle la rhétorique de proportionnalité s’insère. Toutefois, la culture ne doit pas non plus être vue comme immuable. A son tour, la proportionnalité transforme de diverses façons cette culture, selon les attentes de la doctrine et les enjeux du discours juridique qui l’entoure.

S’intéresser à la réception du principe de proportionnalité dans différents systèmes est un moyen de s’intéresser aux différentes cultures juridiques. En effet, les différentes perceptions du principe expriment les différentes façons dont les juristes voient le monde juridique et la manière dont ces visions évoluent à travers les branches du droit, dans l’espace et dans le temps. A l’opposé d’une étude fonctionnaliste de droit comparé, nous nous sommes intéressés à la fonction expressive des structures juridiques ; « [d]u sens, en bref, pas de la machinerie », selon les mots de Clifford Geertz[6]. A partir d’une étude comparée de l’utilisation du principe de proportionnalité, notre recherche doctorale interroge ce que ces différentes perceptions nous enseignent sur les visions des droits fondamentaux, du droit, du juge ou bien de l’intégration européenne que partagent les agents de chacun des systèmes étudiés.

Cette contribution cherche simplement à montrer l’intérêt de l’approche proposée à partir de l’étude de l’affaire Michaniki, bien connue tant en droit européen qu’en droit public grec. Ce cas touche à des sujets très sensibles dans le système politique national, tels que la transparence, le rôle des médias dans la démocratie et la libre concurrence en matière de travaux publics. Souvent appelée affaire de l’« actionnaire majeur » en droit interne, Michaniki a traumatisé les publicistes grecs. D’une durée de presque 10 ans, elle a été la source de trois décisions du Conseil d’Etat et d’une décision préjudicielle en interprétation de la Cjue, dans laquelle la Cour a déclaré le sens attribué par la suprême juridiction administrative à la Constitution grecque contraire au droit de l’Union européenne.

Dans ces décisions se reflètent les différentes perceptions du principe de proportionnalité par les juristes locaux et leur articulation avec la culture juridique grecque. Prenant traditionnellement la forme d’un contrôle de l’erreur manifeste, la proportionnalité a d’abord été insérée dans les connexions et distinctions classiques du droit public national, en laissant une marge de manœuvre aux autorités publiques pour atteindre leurs objectifs. Par la suite, la proportionnalité s’est de plus en plus chargée d’une mission d’intégration dans l’ordre juridique européen. La version « européenne » du principe, en tant que test de nécessité des restrictions publiques, s’est progressivement substituée à sa version locale. Cette évolution n’a toutefois pas été sans réticences. L’application inconditionnelle de cette nouvelle perception de la proportionnalité a initialement trouvé la résistance du juge administratif grec, comme le montrent les premiers arrêts du Conseil d’Etat dans l’affaire Michaniki (I). Le conflit concernant l’application de la proportionnalité dans cette affaire est révélateur d’un conflit normatif plus profond entre ordre juridique national et européen, qui a été largement négligé par la doctrine grecque. Loin d’imposer seulement un mode de raisonnement juridique, la nouvelle version de la proportionnalité, finalement adoptée par le juge national, postule une différente priorisation des valeurs constitutionnelles, ainsi qu’une nouvelle perception juridique de la réalité socio-politique grecque (II).

I. Proportionnalité et pouvoir discrétionnaire des autorités publiques : aux origines d’un conflit normatif

L’affaire commence par l’amendement de l’article 14(9) de la Constitution grecque. Conférant statut constitutionnel à une législation antérieure, cet amendement instaurait l’incompatibilité de la qualité de propriétaire, d’associé, d’actionnaire majeur ou de cadre dirigeant d’une entreprise de médias d’information avec la qualité de propriétaire, d’associé, d’actionnaire majeur ou de cadre dirigeant d’une entreprise active dans le secteur des travaux publics. L’incompatibilité avait aussi été étendue « à toute forme d’intermédiaire », tels que les conjoints, parents et personnes ou sociétés économiquement dépendantes des personnes couvertes par l’incompatibilité. La disposition prévoyait des sanctions qui pouvaient consister en la prohibition de la conclusion ou en l’annulation du marché public en question.

Le but de ce régime « draconien »[7], très consensuel dans le Parlement, était la prévention de l’influence illégitime de la presse dans la concession des travaux publics et dans la vie politique plus généralement.Le nouveau texte constitutionnel établissait la transparence en tant que but primaire de l’ordre constitutionnel[8]. Selon la répartition traditionnelle des compétences en droit constitutionnel grec, la réalisation de ce but est déléguée au législateur, qui jouit d’un large pouvoir d’intervention préventive, parfois au détriment des libertés individuelles.

Paradoxalement, la loi d’application du nouvel article 14(9) de la Constitution est beaucoup moins rigide que la disposition constitutionnelle, déclarant que la seule preuve d’indépendance économique des conjoints ou des parents suffit pour que la présomption selon laquelle ils feraient office d’intermédiaires soit renversée. Dans une procédure de passation d’un marché public de travaux, le Conseil national de radiotélévision (Esr) a délivré un certificat attestant que la société Pantechniki n’était pas concernée par l’incompatibilité, alors que K. Sarantopoulos, actionnaire majeur et vice-directeur de la société, était le père de G. Sarantopoulos, cadre dirigeant de deux entreprises de médias. L’Esr s’est fondé sur le fait que père et fils étaient financièrement indépendants et que, en application de la loi, la présomption qu’ils agissaient en tant qu’intermédiaires ne jouait pas. Michaniki, concurrente de Pantechniki, a introduit un recours en annulation de ce certificat devant le Conseil d’Etat grec. Parmi ses arguments, elle maintenait que, en rendant la présomption d’intermédiaires réversible, la loi restreignait la portée de l’article 14(9) et était donc contraire à la Constitution.

Dans sa première décision sur l’affaire en 2004, la cour suprême administrative grecque a fait droit aux arguments de Michaniki. Les juges ont commencé par justifier le caractère absolu de la présomption constitutionnelle par référence à son but. Ils ont précisé que l’article 14(9) n’a pas comme seul but la répression ex post de l’influence des médias dans la concession des travaux publics « qui, en tout cas, est certainement difficile à établir et ainsi difficile à prévenir seulement par la menace des sanctions dans les cas où elle est certifiée ». Selon les juges, « son but primaire est la prévention de la création des conditions qui pourraient provoquer un danger d’exercice d’une telle influence illégitime, qui est particulièrement dommageable pour l’intérêt public »[9]. La fonction préventive de l’incompatibilité est donc maximale. Non seulement elle concerne l’influence illégitime ainsi que le danger d’une telle influence, mais aussi la création des conditions qui pourraient provoquer un tel danger.

La cour a souligné la valeur constitutionnelle de la transparence, nécessaire pour garantir d’autres valeurs « d’importance cruciale et primaire », comme la libre concurrence, l’intérêt financier de l’Etat et, principalement, la souveraineté populaire[10]. Ainsi, les dispositions rigides de l’article 14(9) étaient nécessaires, puisque l’influence illégitime des médias dans la concession des travaux publics était exercée de façon « opaque » et était « difficile à prévenir par d’autres moyens »[11]. Quant à la présomption concernant les intermédiaires, le Conseil a précisé que, « comme le démontrent les données empiriques, particulièrement en ce qui concerne les conditions sociales dominantes en Grèce, des relations spéciales de dépendance sont constituées entre parents, qui n’ont pas seulement un caractère économique, mais sont aussi fondées sur divers facteurs sociaux, et même psychologiques, et qui prennent ainsi la forme de relations d’influence informelles très difficiles à établir (…) »[12].

La cour a ainsi considéré que la loi de 2002, restreignant la portée de la présomption établie par la Constitution concernant les intermédiaires, a privé la disposition constitutionnelle de son efficacité et devait être écartée.

Ce type de raisonnement est exceptionnel dans le cadre du contrôle juridictionnel en Grèce. Dans cette affaire, le Conseil d’Etat n’a pas hésité à imposer la réalisation efficace d’un objectif constitutionnel au législateur. Cette approche audacieuse est justifiée par la valeur que la cour accorde à l’objectif de transparence, particulièrement important dans le système politique grec. Pour autant, ce n’est pas seulement ce raisonnement politico-moral qui a été décisif : la formulation claire et précise de la disposition de l’article 14(9) allait également en ce sens. Plus que les valeurs antagonistes en question dans l’affaire, la motivation de la décision concerne le contenu normatif des dispositions en cause, leur portée. Ainsi, on reste toujours dans les structures classiques du modèle syllogistique.

Entretemps, la loi de 2002 était suffisamment rigide pour provoquer la réaction de la Commission, qui la considérait incompatible avec les règles communautaires sur la libre concurrence en matière de passation des travaux publics. En effet, l’article 24 de la Directive 93/37/CEE, qui prévoyait l’exclusion de certaines catégories d’entrepreneurs de la procédure de passation des marchés publics, ne mentionnait pas les incompatibilités de l’article 14(9).

La quatrième section du Conseil d’Etat a refusé d’examiner la compatibilité de la Constitution grecque avec la directive européenne. Selon la décision, une question préjudicielle sur ce point « n’était concevable en aucun cas »[13]. La majorité considérait d’ailleurs que la législation grecque n’entrait pas dans le domaine d’application de l’article 24, puisque celui-ci visait seulement à l’harmonisation partielle des régimes nationaux. Qui plus est, les dispositions nationales poursuivaient la transparence, « un but qui est compatible par excellence avec les buts fondamentaux des directives communautaires »[14]. On reconnaît ici une espèce de nominalisme caractéristique de la façon dont les juristes grecs pensent le droit européen : parce que certains concepts du droit européen et du droit interne portent le même nom, il est présumé qu’ils ont aussi la même structure et la même fonction dans le raisonnement juridique[15].

C’est peut-être précisément ce nominalisme qui a conduit le Conseil à éviter toute référence au principe de proportionnalité dans la décision étudiée. La cour avait consacré ce principe dans le domaine des droits fondamentaux depuis 1984[16]. Annoncée comme une exigence de cohérence et de nécessité entre un acte restrictif et le but qu’il annonce poursuivre, la proportionnalité semblait imposer les droits constitutionnels comme des finalités à être réalisées par le législateur, ou du moins comme des valeurs devant être prises en considération à chaque instance de décision publique. Pour autant, dans la pratique postérieure du Conseil d’Etat, cette méthode avait été réduite à un contrôle de l’erreur manifeste[17]. Ainsi, la proportionnalité était appliquée selon la répartition traditionnelle des compétences entre le juge et les autorités contrôlées : le premier n’imposerait que des limites objectives aux larges pouvoirs discrétionnaires des dernières. C’est dans ce sens que la cour avait appliqué la méthode dans une décision en 2003, concernant la compatibilité de la loi sur l’actionnaire majeur (avant sa constitutionnalisation) aux libertés économiques. Selon cette décision, l’appréciation législative sur la nécessité de la disposition pour obtenir l’objectif de transparence « ne pouvait pas (…) être regardée comme manifestement erronée », compte tenu de la situation politico-sociale particulière en Grèce[18].

Néanmoins, la réforme de 2001 a explicitement consacré la valeur constitutionnelle de la proportionnalité, ce qui a été perçu comme témoignant la volonté d’une application plus cohérente du principe. Le contrôle restreint exercé jusque-là était de plus en plus contesté par la doctrine, qui défendait une application rigide de la proportionnalité en tant qu’exigence de nécessité, à l’instar du contrôle pratiqué par la Cjue[19]. En effet, le but de la réforme constitutionnelle a été l’institutionnalisation de la conception constitutionnelle européenne des droits fondamentaux au sommet de l’ordre juridique interne[20]. Par conséquence, le nominalisme constaté auparavant a été renforcé : il semblait encore plus aberrant que des méthodes juridictionnelles désignées par les mêmes mots aient une application différente dans l’ordre juridique interne et européen. Dans la décision de 2004, la section du Conseil d’Etat n’a probablement pas voulu trancher entre les deux formes de proportionnalité qui se confrontaient dans le discours juridique interne. En réalité, il est vite devenu apparent que, derrière ces différences structurelles, se trouvait un conflit normatif concernant la priorisation des valeurs dans l’ordre juridique national et européen.

En raison de son importance particulière, l’affaire a été référée à l’Assemblée plénière. La cour a adopté une approche tout aussi stricte concernant les incompatibilités de l’article 14(9), y tirant une prohibition absolue pour les entreprises de médias de conclure des contrats publics[21]. Le Conseil a clairement exclu l’application du principe de proportionnalité, cette fois perçue comme une exigence de nécessité, à cette restriction. Soulignant le caractère de la transparence comme un objectif de valeur constitutionnelle, dont la promotion efficace est exigée par la Constitution, la cour en a déduit une obligation pour le législateur d’assortir les atteintes portées aux règles de l’article 14(9) « des sanctions suffisamment décourageantes »[22]. Les juges ont considéré qu’une éventuelle interprétation des dispositions constitutionnelles « à la lumière » du principe de proportionnalité garanti par l’article 25 de la Constitution, « priverait [la disposition constitutionnelle] de son contenu ou serait contraire à sa formulation claire et à ses objectifs, qui sont également clairs »[23]. Le Conseil a donc choisi de garantir l’effet utile de l’article 14(9), en excluant l’application de la proportionnalité, perçue comme ayant le même contenu en droit interne et en droit européen.

Quant à la présomption que les conjoints, les parents et les personnes ou sociétés économiquement dépendantes font office d’intermédiaires des personnes concernées par l’incompatibilité, le Conseil a accepté qu’elle pouvait être renversée, seulement si ces personnes démontraient que, dans le cas particulier, ils avaient agi indépendamment et pour leur propre compte, poursuivant leur propre intérêt exclusivement[24].

Les juges de l’assemblée ont ainsi critiqué la loi d’application comme trop clémente et insuffisante pour poursuivre ses objectifs. Pour autant, ils considéraient que la question de la conformité de l’article 14(9) à la Directive 93/39/CEE devrait être examinée. Ils maintenaient que, en cas d’incompatibilité, l’application du régime national devrait être écartée, malgré sa base constitutionnelle[25]. Ainsi, dans sa question préjudicielle adressée à la Cjue, le juge administratif grec demandait si la disposition constitutionnelle nationale poursuivait un but légitime dans les termes de la directive et si les mesures internes étaient compatibles avec le principe de proportionnalité en droit communautaire[26].

S’il acceptait son obligation d’appliquer efficacement le droit européen, la juridiction nationale a appelé la Cjue à ne pas procéder à une application implacable du principe de proportionnalité. En effet, le Conseil a précisé que, dans son opinion, une éventuelle incompatibilité des mesures internes à la directive en tant que disproportionnées, poserait la question de la compatibilité de la directive elle-même aux principes généraux du droit européen, tels que la protection du régime démocratique, le pluralisme des médias, la transparence et la libre concurrence. Ceci parce que l’amendement de l’article 14(9) avait pour but la protection de ces principes, « en vue de la configuration particulière de la réalité grecque »[27]. En d’autres termes, le Conseil considérait que, quand la situation particulière dans un Etat-membre l’exige, comme c’était le cas pour la Grèce, la Cjue devrait sacrifier une application stricte de la proportionnalité, laissant une large marge de manœuvre aux autorités nationales pour assurer la protection de valeurs communes.

La question du pouvoir discrétionnaire des autorités nationales était au cœur du problème. En effet, le Conseil arguait que, dans le cas d’une incompatibilité de la Constitution nationale à la directive, cette dernière pourrait violer le principe de subsidiarité. Selon les juges administratifs grecs, ce principe imposait de laisser aux Etats-membres « la discrétion d’agir en principe en premier (…) pour poursuivre des buts qui sont simultanément des buts de l’ordre juridique communautaire, dans les cas où, du aux conditions locales, ceci est approprié »[28].

Encore une fois, l’approche nominaliste transpire dans la décision du Conseil : les objectifs constitutionnels du droit interne étaient perçus comme des objectifs du droit européen aussi, parce que l’ordre juridique européen contient de concepts homonymes. Et, puisqu’en droit grec la présence d’un objectif constitutionnel implique le pouvoir discrétionnaire des autorités contrôlées, les juges grecs considéraient qu’une déviation de l’application stricte de la proportionnalité était possible, afin de conférer une marge de manœuvre aux autorités nationales dans la réalisation des buts qu’ils pensaient partager avec leurs homologues européens. En effet, si cette marge de manœuvre pouvait être accommodée au moyen d’une application traditionnelle de la proportionnalité en tant qu’erreur manifeste, une application « européanisée » du principe en tant qu’exigence de stricte nécessité au contraire la réduirait à néant. Néanmoins, la Cour de Luxembourg ne s’est pas montrée sensible aux arguments de la juridiction grecque.

II. La fonction expressive de la proportionnalité : essai d’interprétation d’un conflit normatif

La réponse de la Cjue est venue dans sa fameuse décision Michaniki[29]. La Cour de Luxembourg a considéré que, bien que les objectifs poursuivis par les mesures nationales soient légitimes, l’application de la proportionnalité n’exclut pas leur prise en considération, même dans les circonstances particulières du contexte grec[30]. Selon les juges, « [c]haque Etat membre est, en effet, le mieux à même d’identifier, à la lumière de considérations historiques, juridiques, économiques ou sociales qui lui sont propres (…), les situations propices à l’apparition de comportements susceptibles d’entraîner des entorses au respect de ces principes »[31]. La Cour précise que « le droit communautaire n’entend pas remettre en cause l’appréciation portée par un Etat membre, en fonction du contexte qui est le sien, sur le risque particulier de survenance de tels comportements » dans certains cas[32]. En bref, les juges ont laissé une liberté aux instances nationales quant au niveau de protection qu’elles veulent accorder aux valeurs en question. Ils ont considéré que ce choix national peut être pris en compte dans le contrôle de proportionnalité et ainsi être inséré aux structures du droit européen.

Pour autant, la Cjue a déclaré les dispositions strictes de l’article 14(9) disproportionnées en tout état de cause. En excluant toute une catégorie d’entreprises de la conclusion des contrats publics, sans leur offrir aucune possibilité de démontrer que le risque d’influence illégitime n’existe pas réellement dans le cas concret, les mesures nationales sont allées au-delà de ce qui était nécessaire pour éliminer le risque de corruption[33]. La Cour a d’ailleurs souligné que « le sens très large revêtu, dans le contexte de la disposition nationale en cause au principal, par les notions d’actionnaire majeur et de personnes intermédiaires » contribuait à renforcer le caractère disproportionné des dispositions nationales[34]. La décision concernait le régime établi par la Constitution dans son ensemble et pas seulement la présomption des intermédiaires. En d’autres termes, peu importe le niveau de protection que les autorités nationales voulaient apporter à la transparence, des mesures alternatives moins restrictives étaient possibles.

Dans sa décision unanime sur l’affaire en 2011, le Conseil d’Etat a appliqué la solution établie par la Cjue. Ce faisant, il a interprété la disposition constitutionnelle contrairement à ce qu’il avait identifié être son sens clair et précis dans les décisions précédentes. Selon le Conseil, l’incompatibilité instaurée par l’article 14(9) implique que toute entreprise de médias puisse conclure un contrat public, sauf « s’il est démontré que, durant la procédure de passation, l’individu a certainement commis un acte illégal ou illégitime »[35]. L’exigence de preuve et d’une certitude est directement opposée à l’approche préventive que le Conseil avait adoptée dans ces décisions précédentes. En contraste total avec ses premières décisions, la cour suprême administrative a déclaré la loi de 2002 inconstitutionnelle, non parce qu’elle était trop clémente mais, au contraire, en raison du caractère général et absolu des restrictions qu’elle instaurait. Selon la décision unanime de la cour, « la grille des dispositions de la loi 3021/2002 dans son ensemble (…) est contraire au sens réel de [l’article 14(9)] »[36].

Ce qui a permis ce revirement étonnant n’était pas la suprématie du droit européen sur la Constitution nationale ; cette question n’a pas été soulevée dans la motivation de la décision du Conseil d’Etat. Au contraire, c’était une interprétation de la Constitution tenant compte « de l’évolution des circonstances sociales et économiques, des appréciations politiques, ainsi que des obligations du pays en tant que membre de l’Union européenne »[37]. Le Conseil a donc considéré que l’adaptation de la Constitution à l’ordre juridique européen était une « obligation », résultant de la clause interprétative de l’article 28 de la Constitution, qui, après la réforme de 2001, imposait la participation du pays au processus d’intégration européenne. Ceci était aussi présumé dans la volonté du constituant, exprimée dans les débats parlementaires sur la réforme constitutionnelle[38]. Se référant à la décision du Cjue, le Conseil d’Etat grec a conclu que toute autre interprétation de l’article 14(9) serait contraire au principe de proportionnalité, qui « constitue un principe de l’ordre juridique tant grec (garanti, en effet, par la Constitution elle-même dans son article 25 par. 1 dernier alinéa), que communautaire, qui, selon la volonté explicite du constituant doit être appliqué dans l’ordre juridique interne »[39].

Clairement, le Conseil percevait l’exigence de proportionnalité de l’article 25 de la Constitution en tant qu’exigence de suivre l’application communautaire du principe.

La décision a été applaudie par la majorité de la doctrine grecque. Elle a été généralement perçue comme un compromis qui préservait l’autorité de la Constitution nationale, puisque les valeurs européennes de la proportionnalité et la liberté économique faisaient partie de l’acquis constitutionnel national aussi. La version européenne de ces principes était perçue comme identique à leur version locale, la proportionnalité assurant finalement l’harmonisation entre ordre juridique interne et européen[40]. Face à une réforme constitutionnelle « inopérante et illusoire » dans sa volonté affirmée de lutter contre la corruption[41], la Constitution avait retrouvé son « sens réel », interprétée en compatibilité avec le droit européen[42].

Il n’en est pas moins que les buts affirmés par le constituant de 2001, peu importe leur sincérité, ont cédé devant l’exigence d’intégration économique européenne[43]. Il est révélateur que le Conseil ait été amené à reformuler de façon beaucoup plus concrète l’objectif de l’article 14(9) de la Constitution. Contrairement aux décisions antérieures, qui parlaient d’un but de prévention de la « création des conditions qui pourraient provoquer le danger d’exercice » d’influence illégitime des médias, selon cette nouvelle décision, la Constitution vise « seulement la prévention (…) de l’influence illégitime concrète qui peut être exercée dans le cadre de la procédure de passation des contrats publics, avec une intention d’obtenir la conclusion du contrat »[44]. Ainsi, à l’« incompatibilité préventive » entre la qualité d’entrepreneur dans le secteur des médias et dans celui des travaux publics, qui était générale, abstraite et absolue, le Conseil a substitué une « incompatibilité au cas par cas »[45], compromettant considérablement son efficacité.

Les libertés du marché ont été placées au centre de l’ordre juridique interne. Elles doivent désormais être prises en compte dans toute décision publique qui les affecte, même au niveau constitutionnel, alors qu’auparavant elles étaient perçues comme n’imposant que des limites à l’action publique. Ceci compromet la réalisation d’autres objectifs constitutionnels, comme, dans l’exemple, celui de la transparence. Certes, ces objectifs sont toujours pris en compte dans les structures du raisonnement juridique, mais seulement en tant qu’exceptions, permettant des dérogations au processus d’intégration économique. La nécessité des restrictions aux libertés économiques doit être établie suivant la méthode européenne de la proportionnalité.

En d’autres termes, le conflit concernant l’application du principe de proportionnalité révèle un conflit normatif plus général entre droit national et droit européen, qui n’est pas apparent au premier regard. Bien que partageant le même nom, les valeurs protégées par le droit national et le droit communautaire n’ont pas la même structure ni la même fonction dans le discours juridique. Négliger ce conflit normatif, masqué par l’homonymie des termes utilisés, implique l’hégémonie de la conception européenne des valeurs communes et, enfin, la « suprématie inconditionnelle et illimitée du droit de la concurrence européen sur le droit constitutionnel national des droits fondamentaux »[46]. Qui plus est, il conduit à ne voir dans le revirement du Conseil d’Etat qu’un « relativisme herméneutique », peu convaincant, malgré l’unanimité qu’a fait l’interprétation « réelle » de l’article 14(9). Les conséquences de l’hégémonie des valeurs économiques européennes pour la normativité de la Constitution grecque sont devenues apparentes avec la crise économique que le pays connaît depuis 2010.

Si elle n’est qu’une conséquence nécessaire du principe de primauté, l’hégémonie structurelle de l’ordre juridique européen écrase des perceptions locales non seulement des valeurs mais aussi du système politique et de la société dans son ensemble. En effet, plus profondément, derrière le revirement de jurisprudence du Conseil d’Etat grec se cachent des visions complètement différentes de la réalité socio-politique grecque. Dans sa décision de 2004, le Conseil avait décrit en détail les formes que peut prendre l’influence illégitime des médias : « compte tenu de l’énorme influence – largement reconnue – qu’exercent [les médias] dans la formation et la conformation de l’opinion publique dans les sociétés contemporaines, le constituant cherche, au moyen de la règle en question, à prévenir d’emblée le danger des interventions illégitimes lors des procédures de passation des travaux publics, de fournitures ou de services, qui sont normalement opaques et se combinent avec la ligne généralement suivie par ces médias et leur positionnement sur des questions d’actualité politique. Il s’agit d’interventions faites avec l’intention de servir et de promouvoir, de façon illégale, des importants intérêts entrepreneuriaux dans ce secteur d’activités économiques »[47].

Dans ces considérants, le Conseil exprimait une méfiance vis-à-vis des médias[48], dont l’activité illégale pourrait même « avoir pour conséquence l’altération de la souveraineté populaire (…), qui est la fondation du régime politique »[49].

Cette posture de méfiance est diamétralement opposée à l’optimisme quant au rôle des médias que le Conseil exprime dans sa décision de 2011. En effet, dans ses considérants, le juge a déclaré que la Constitution « ne vise certainement pas à prévenir toute influence des médias quant à l’exercice du pouvoir politique en général, influence qui est d’ailleurs inhérente au rôle des médias dans les sociétés contemporaines modernes »[50]. Etonnement, en 2011, l’influence politique des médias ne serait plus un danger pour la démocratie et la souveraineté populaire. Au contraire, elle serait inhérente au rôle des médias dans les sociétés contemporaines. D’une façon magique, la peur d’influence « opaque » et « difficile à établir » a été concrétisée et rationnalisée. Une sorte de culte « scientiste » des faits et des preuves s’est substituée à l’application traditionnelle de la Constitution plus attachée à la prévention et à la préservation des apparences[51]. En fait, ce qui a rendu intenable la solution « draconienne » de l’article 14(9) a été la représentation de la réalité socio-politique grecque comme une démocratie constitutionnelle « moderne » et fonctionnelle.

La crise économique a montré de façon encore plus explicite le décalage entre la vision « modernisatrice » de la réalité socio-politique qui transpire du droit de l’Union européenne et la vision locale particulariste qu’une partie de la société grecque entretient de soi-même. L’adoption et l’application des accords et textes européens pour faire face à cette crise, aux marges des catégories traditionnelles du droit constitutionnel national, ont souvent été combinés avec un discours explicitement moralisateur dans lequel le système socio-politique grec est perçu comme dépassé et problématique. Entériné par les élites juridiques, politiques et économiques du pays, ainsi que par une grande partie de la société, ce discours a acquis une fonction radicale de démystification et de déconstruction de l’ordre constitutionnel grec.

Le sens de la rhétorique de la proportionnalité dans un discours juridique donné, ainsi que les évolutions qu’il subit, dépendent largement des structures de raisonnement déjà existantes et des représentations et attentes des participants dans le discours. En droit constitutionnel grec, la proportionnalité a été chargée d’une mission d’intégration européenne, depuis longtemps désirée par les constitutionnalistes locaux. Elle a ainsi acquis une fonction transformatrice. Déterminant le contenu des concepts et des normes du droit constitutionnel national, elle a bouleversé les objectifs et limites constitutionnels et soumis la Constitution à l’objectif ultime de la construction du marché commun. Ces changements ont été relativement négligés par la doctrine dominante dans le contexte local, plus concernée par la substance des normes juridiques que par les structures du raisonnement juridictionnel. Bien que les transformations qu’il provoque soient source de défiance parmi les acteurs du système juridique, le principe de proportionnalité maintient sa place hégémonique dans le discours juridique grec. Auréolé par la dimension quasi-magique de modernisation qu’il promet, ce principe acquiert une dimension supra-constitutionnelle et une fonction d’amendement de la Constitution formelle. Néanmoins, l’établissement de la perception européenne de la proportionnalité au détriment de sa version locale et des structures de raisonnement traditionnelles, postule un changement dans les valeurs et les priorités des instances nationales, et déplace des perceptions de la réalité profondément ancrées dans les croyances d’une partie de la société grecque. Si, dans des périodes « normales » ces évolutions sont acceptées par les acteurs juridiques nationaux, elles sont beaucoup plus conflictuelles en temps de crise, où le conflit des valeurs et des représentations devient plus apparent.


[1] Gogos Constantinos, « Πτυχές Του Ελέγχου Αναλογικότητας Στη Νομολογία Του Συμβουλίου Της Επικρατείας [Aspects du contrôle de la proportionnalité dans la jurisprudence du Conseil d’Etat] » in ΔτΑΤΕΣ ; 2005 ; ΙΙΙ, p. 299.

[2] Traduction : http://www.hellenicparliament.gr/UserFiles/f3c70a23-7696-49db-9148-f24dce6a27c8/001-180%20galliko.pdf.

[3] Il s’agit de la théorie dominante dans la doctrine constitutionnelle allemande développée par Alexy Robert, A Theory of Constitutional Rights ; Oxford, Oxford University Press ; 2002 (trad. Julian Rivers).

[4] Sur le concept de bagage culturel, Cf. Cohen-Eliya Moshe et Porat Iddo, Proportionality and Constitutional Culture ; Cambridge, Cambridge University Press ; 2013.

[5] Geertz Clifford, The Interpretation of Cultures ; New York, Basic Books ; 1983 ; p. 5.

[6] Geertz Clifford, « Fact and Law in Comparative Perspective » in Local Knowledge: Further Essays In Interpretive Anthropology ; New Yorsk, Basic Books ; 1983 ; p. 167 et 232.

[7] Cf. le rapport de la majorité parlementaire, Venizelos Evaggelos, Το Σχέδιο Της Αναθεώρησης Του Συντάγματος [Le projet de la réforme constitutionnelle] ; Athènes, Ant.N.Sakkoulas ; 2000.

[8] L’étude du cas Michaniki est inspirée de l’analyse par Yannakopoulos Costas, « Μεταξύ συνταγματικών σκοπών και συνταγματικών ορίων: η διαλεκτική εξέλιξη της συνταγματικής πραγματικότητας στην εθνική και στην κοινοτική έννομη τάξη [Entre buts constitutionnels et limites constitutionnelles : l’évolution dialectique de la réalité constitutionnelle dans l’ordre juridique national et communautaire] » in Εφημερίδα Διοικητικού Δικαίου ; 5/2008 ; p. 733 et s..

[9] Décision CE 3242/2004, NoB 2005, 1878, para 14.

[10] Ibidem.

[11] Ibidem.

[12] Ibidem.

[13] Cf. CE 3242/2004 précité, para 19.

[14] Para 18.

[15] Cf. Yannakopoulos Costas, op. cit.

[16] CE 2112/1984, Αρμ 1984, 904.

[17] CE 1149/1988, ΤoΣ 1988, 324.

[18] CE 1882/2003, ΕλλΔνη 2004, 1265.

[19] Cf., par exemple, Papadopoulou Manouela, « Η κοινοτική αρχή της αναλογικότητας ενώπιον του εθνικού δικαστή. Απαράκαμπτη δικαιική σταθερά ή νομολογιακά προσδιοριζόμενη μεταβλητή, [Le principe communautaire de proportionnalité devant le juge national. Standard juridique inéluctable ou variable juridiquement déterminée ?] » in ΔτΑΤεΣ ; IV/2006 ; p. 279 et s.

[20] Cf., par exemple, Anthopoulos Charalampos, « Οψεις της Συνταγματικης Δημοκρατιας στο παραδειγμα του αρθρου 25 παρ. 1 του Συνταγματος [Aspects de la démocratie constitutionnelle dans l’exemple de l’article 25 par. 1 de la Constitution] » in Το Νέο Σύνταγμα. Πρακτικά συνεδρίου για το αναθεωρημένο Σύνταγμα του 1975/1986/2001 [La nouvelle Constitution. Actes du colloque pour la Constitution révisée de 1975/1986/2001] ; Athènes,Ant.N.Sakkoulas ; 2001 ; p. 153 et s., spéc. p. 171.

[21] CE Ass., 3670/2006, EΔΔΔ 2009, 461.

[22] Para 14.

[23] Ibidem.

[24] Para 15.

[25] Para 20.

[26] Paras 28 et s.

[27] Para 31.

[28] Ibidem.

[29] Cjue, C‑213/07, Michaniki.

[30] Para 55.

[31] Para 56.

[32] Para 57.

[33] Paras 62-3.

[34] Para 68.

[35] CE Ass., 3471/2011, ΕΔΔΔ 2012, 51, 199.

[36] Para 14.

[37] Para 13.

[38] Ibidem.

[39] Para 9.

[40] Sur cette fonction du contrôle juridictionnel, Cf. Yannakopoulos Costas, Η επίδραση του δικαίου της Ευρωπαϊκής Ένωσης στον δικαστικό έλεγχο της συνταγματικότητας των νόμων [L’influence du droit de l’Union européenne sur le contrôle juridictionnel de la constitutionnalité des lois] ; Athènes, Ant.N.Sakkoulas ; 2013 ; p. 312 et s.

[41] Manitakis Antonis, « Οι θεσμικές παρενέργειες της υπόθεσης « Βασικός Μέτοχος » [Les effets divers institutionnelles de l’affaire « actionnaire majeur »] », 2015, https://www.constitutionalism.gr/manitakis-vasikos-metohos/, section Ιβ.

[42] Manitakis Antonis, « Η αναγκαιότητα της αναθεώρησης μεταξύ πλειοψηφικού κοινοβουλευτισμού και αναθεωρητικής συναίνεσης [La nécessité de la réforme, entre parlementarisme majoritaire et révision consensuelle]» in ΤοΣ ; 1/2007 ; p. 3 et s.

[43] Cf., dans ce sens, Yannakopoulos Costas, « Προστασία του ελεύθερου ανταγωνισμού και διαφάνεια: όρια ή σκοποί του κρατικού παρεμβατισμού; [Protection de la libre concurrence et transparence : des limites ou des buts de l’intervention étatique ?] » in Εφημερίδα Διοικητικού Δικαίου ;6/2006 ; p. 758 et s.

[44] CE 3471/2011, précitée, para 13.

[45] Pour cette distinction, Cf. Anthopoulos Charalampos, « Το ασυμβίβαστο των ιδιοκτητών μέσων ενημέρωσης πριν και μετά το νέο άρθρο 14 παρ. 9 του Συντάγματος [L’incompatibilité des propriétaires des médias d’information avant et après la nouvelle article 14 par. 9 de la Constitution] » in Contiades Xenophon (dir.), Πέντε χρόνια μετά τη συνταγματική αναθεώρηση του 2001 [Cinq ans après la réforme constitutionnelle de 2001] ; Athènes, A΄, Ant.N.Sakkoulas ; 2006 ; p. 313 et s.

[46] Manitakis Antonis, « Ευρωσύνταγμα και βασικός μέτοχος [Constitution européenne et actionnaire majeur] », http://law-constitution.web.auth.gr/manitakis/files/EleuthEurosintagmaBasikosmetoxos.pdf, p. 3-4.

[47] CE 3242/2004, précitée, para 14.

[48] Anthopoulos Charalampos, op.cit., p. 320 et s.

[49] CE 3242/2004, précitée, para 14.

[50] CE 3471/2011, précitée, para 13.

[51] Sur cette tendance des systèmes juridiques contemporains, Cf. Geertz Clifford, op.cit., p. 171.

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