Présentation par le président Sauvé des Miscellanées Hauriou

ParEditions L'Epitoge (Collectif l'Unité du Droit)

Présentation par le président Sauvé des Miscellanées Hauriou

Voici la 16e publication offerte dans le cadre des 75 jours confinés des Editions L’Epitoge. Il s’agit d’un extrait du 2e livre de nos Editions dans la collection « Académique » : les Voyages en Unité(s) juridique(s) pour les dix années du Collectif l’Unité du Droit.

L’extrait choisi est celui de la présentation par M. l’ancien vice-président du Conseil d’Etat, Jean-Marc Sauvé, le 12 mars 2014, en salle d’assemblée du Conseil d’Etat de l’ouvrage Miscellanées Maurice Hauriou paru le jour du 85e anniversaire de la disparition du doyen Hauriou.

Volume I :
Miscellanées Maurice Hauriou

Ouvrage collectif
(Direction Mathieu Touzeil-Divina)

– Nombre de pages : 388
– Sortie : décembre 2013
– Prix : 59 €

  • ISBN / EAN : 978-2-9541188-5-7 / 9782954118857
  • ISSN : 2272-2963

En voici les détails techniques ainsi qu’une présentation :

Volume II :
Voyages en Unité(s) juridique(s)
pour les dix années du Collectif l’Unité du Droit

Ouvrage collectif
(Direction Mathieu Touzeil-Divina & Morgan Sweeney
Fabrice Gréau, Josépha Dirringer & Benjamin Ricou)

– Nombre de pages : 392
– Sortie : juillet 2015
– Prix : 69 €

  • ISBN / EAN : 979-10-92684-09-4 / 9791092684094
  • ISSN : 2262-8630

Présentation :

Fondé le 13 mars 2004 (pour le bicentenaire de la Loi du 22 ventôse an XII instituant nos Facultés de droit), le Collectif L’Unité du Droit (CLUD) a pour vocation de rassembler des juristes convaincus du nécessaire rapprochement des droits et de leurs enseignements dans une « Unité » et non dans leurs seules spécificités. Le Collectif cherche à lutter contre le cloisonnement académique des matières et des branches du Droit par un dialogue constant instauré – non entre spécialistes d’un même ensemble et tous universitaires mais – entre théoriciens, universitaires, praticiens, politiques, citoyens, etc. En dix années d’activités, le CLUD a provoqué plusieurs rencontres (colloques, séminaires, Université d’été, etc.), organisé de nombreuses manifestations (symposiums, « 24 heures du Droit », conférences, etc.), participé à la création, à la critique et parfois à la contestation « du » Droit et permis et encouragé la publication d’une vingtaine d’ouvrages aux éditions l’EPITOGE. Voilà pourquoi, fort de ces expériences et comme un cadeau d’anniversaire, le CLUD propose-t-il de présenter son « best-of » ou échantillonnage de dix années d’existence et de travaux, de participations et de pro-positions en faveur ou à propos de l’Unité du / des droit(s) et de son enseignement. La première partie du livre est ainsi relative à des réflexions sur la notion même d’Unité (I). Elle est suivie de l’examen de plusieurs de ses manifestations à travers l’exemple du droit des travailleurs (II), de la Justice, de l’Egalité et des libertés (III) ainsi que des notions de pouvoirs et de services publics, de contrat et de responsabilité (IV). Enfin, ce sont quelques-unes des actions concrètes du CLUD qui sont exposées (V). L’opus contient des contributions des membres de l’association mais aussi de personnalités des mondes juridique, politique et académique qui lui ont fait confiance ; merci en ce sens à Mme la Garde des Sceaux C. TAUBIRA, à M. le président J-L. DEBRÉ, à MM. les présidents J-M. SAUVÉ et B. STIRN ainsi qu’à Mme la députée M. KARAMANLI. Bon voyage en notre compagnie & en Unité(s) du ou des Droits !

Discours de M. le Président
Jean-Marc Sauvé

A propos des Miscellanées Maurice Hauriou

Jean-Marc Sauvé
Vice-Président du Conseil d’Etat

Inédit[1] extrait de la conférence du 12 mars 2014
en l’honneur du « 85e anniversaire de la mort de Maurice Hauriou » (donnée au Conseil d’Etat, salle d’Assemblée, par M. le Président SauvÉ lors de la présentation au public des Miscellanées Maurice Hauriou
(Le Mans, L’Epitoge ; 2013) (Conseil d’Etat, Palais royal, Paris)).

Mesdames et Messieurs les présidents, Mesdames et Messieurs les professeurs, chers collègues, je suis heureux et honoré que soient présentées aujourd’hui, au Conseil d’Etat, les Miscellanées Maurice Hauriou, ouvrage collectif publié sous la direction scientifique du professeur Touzeil-Divina.

Ces Miscellanées sont pour le lecteur une heureuse découverte.

Tout au long du chemin, il y rencontre en effet des textes connus, et d’autres un peu oubliés, voire méconnus, du doyen Hauriou. Il y découvre aussi, et c’est là que réside le principal apport, l’évidente plus-value de cet ouvrage, des commentaires de ces textes, des éclairages portés par des auteurs éminents, qui permettent de relire Hauriou sous un regard nouveau, c’est-à-dire un regard contemporain. Sans doute est-ce là le propre des grandes figures de la doctrine : on croit bien à tort tout en connaître, en parlant par exemple pour Hauriou de la théorie de l’institution et du rôle de la puissance publique, alors qu’en vérité, en suivant les méandres de la pensée de ces maîtres, en en remontant le cours, il reste toujours possible de découvrir des sources inattendues et, parfois, inespérées. Il faut savoir gré au professeur Touzeil-Divina et à tous les contributeurs de cet ouvrage d’aborder sous un nouveau jour des questions que l’on tenait pour acquises et de nous obliger – contrainte librement consentie bien sûr – à cette perpétuelle découverte.

Le Conseil d’Etat est, pour la présentation de cet ouvrage, un lieu idoine.

Maurice Hauriou, comme par exemple Marcel Waline après lui, a, de manière continue et régulière, poussé l’art du commentaire des arrêts du Conseil d’Etat à un niveau inégalé d’intensité, de continuité et d’acuité. Il ne s’est en effet rarement, si ce n’est jamais, contenté de décrire la solution apportée par le juge. Il l’a toujours examinée avec finesse et pertinence au regard des catégories juridiques existantes ou en construction ; il l’a soupesée, analysée et jaugée puis a soumis, dans un style toujours rigoureux, non exempt d’empathie, mais néanmoins sans concession, son appréciation à la sagacité du lecteur. Maurice Hauriou n’était, bien entendu, pas qu’un arrêtiste.

Dans son approche de la formation du droit administratif, il reconnaissait non seulement le rôle joué par le Conseil d’Etat, mais aussi la qualité de ses productions. Ainsi, lorsqu’Hauriou[2] écrit que « sauf de rares écarts, sa jurisprudence s’est montrée très juridique et l’on peut dire que la substance du droit administratif est sortie de ses arrêts et de ses avis », la tautologie se fait compliment.

Maurice Hauriou, toutefois, ne retint jamais sa plume et s’il vouait à notre institution une grande attention et un réel respect, cela ne l’empêchait pas de critiquer âprement certaines solutions et de développer une vision tout en nuances du droit administratif.

Critique âpre, on le sait. Ainsi de sa note sous l’arrêt Astruc, lorsqu’il souligne que[3] « le commissaire du gouvernement Corneille, dans notre affaire, est cependant arrivé bien près du problème […] mais, en réalité, il s’est dérobé ». Ainsi aussi, bien entendu, de sa fameuse note sous l’arrêt Association syndicale du Canal de Gignac, où le Tribunal des conflits y est brocardé autant que le Conseil d’Etat, conseiller du Gouvernement, qui, en édictant le texte en cause[4], « n’avait pas songé à toutes ses conséquences » et « a rendu la chose irréparable » et où le doyen conclut, brandissant la menace collectiviste, « et nous disons que c’est grave, parce qu’on nous change notre Etat ».

Mais au-delà de ces éruptions, qui font le sel de ses commentaires, nous retenons surtout la plume alerte, la vision globale, la capacité à appréhender l’intégralité du droit public, mais aussi une pensée pleine de nuances sur le droit. Il serait rébarbatif d’en donner un aperçu exhaustif, mais l’ouvrage qui est aujourd’hui présenté permet d’en fournir un fort bel échantillon. La note sous l’arrêt Société immobilière de Saint-Just[5] illustre justement l’originalité et la sagacité de la pensée du doyen. Hauriou y fait le constat suivant : en ce qui concerne la protection des libertés, « le malheur n’est pas qu’il y ait une juridiction administrative ni qu’elle soit compétente en ces matières. Le malheur est que cette juridiction (…) soit insuffisamment outillée et que, notamment, il n’y ait pas devant elle, pour de semblables occasions, de procédure de référé ». Une telle clairvoyance ne laisse pas d’étonner et, comme le souligne le président Arrighi de Casanova dans son commentaire, il faudra attendre un siècle et la loi du 30 juin 2000, puis l’arrêt Bergoend[6] du Tribunal des conflits, pour reconnaître que « le ‘malheur’ que l’éminent auteur déplorait a bel et bien pris fin ».

Plume alerte, disais-je, et je voudrais citer, pour l’illustrer et conclure, la belle phrase d’Hauriou qui inaugure le deuxième paragraphe de son Précis de droit administratif et de droit public général, dans son édition de 1903[7] :

« Le Droit administratif français constitue pour tout jurisconsulte connaisseur une solution tellement élégante de difficultés accumulées que l’on doit craindre sa fragilité, puisqu’aussi bien toute forme de beauté est périssable ».

Cette citation ne peut manquer de susciter la méditation tout autant que le commentaire – et, je l’espère aussi, la contradiction.

Le droit, en dépit de sa dimension esthétique, n’est pas l’un des beaux-arts. Thémis n’est pas une muse. Plus encore que la beauté, le droit organise la vie sociale, il l’ « informe » au sens premier du terme et peut lui donner sens. Comme la beauté, le droit et, en particulier, le droit administratif peut être pérenne, mais nous savons aussi qu’il est fragile et peut – Hauriou nous le rappelle – être périssable.

A nous de faire en sorte qu’il ne succombe pas à ces risques et qu’il s’inscrive dans la durée.

L’œuvre d’Hauriou est en tout cas si riche qu’un seul volume ne suffira peut-être pas à en rendre compte et à y faire convenablement écho. Je ne peux que souhaiter, en tout état de cause, que des ouvrages de la qualité de celui qui est présenté aujourd’hui continuent à éclairer la pensée des pères de notre droit administratif et de leurs parfois lointains successeurs et qu’ils permettent de mieux saisir, non seulement la filiation dans laquelle nous inscrivons, mais aussi la portée et les conséquences de nos décisions et même, au-delà, le sens et la cohérence de notre jurisprudence, en soi mais aussi, dans le monde global où nous vivons, dans son rapport avec celle des cours européennes et des autres juridictions nationales suprêmes.

Tel est aujourd’hui, dans la fidélité à la pensée et à la trace d’Hauriou, notre commun devoir.


[1] Le discours est présenté sur le site Internet du Conseil d’Etat. Texte écrit en collaboration avec M. Olivier Fuchs, conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, chargé de mission auprès du vice-président du Conseil d’Etat. Le texte est encore a priori en ligne au moins ici sur l’un des sites de la Juridiction administrative française :

http://www.melun.tribunaladministratif.fr/Actualites/Discours-Interventions/Les-Miscellanees-Maurice-Hauriou

[2] « De la formation du droit administratif français depuis l’an VIII », p. 64.

[3] Note sous CE, 7 avril 1916, Astruc.

[4] Note sous TC, 9 décembre 1899, Association syndicale du Canal de Gignac.

[5] TC, 2 décembre 1902, Société immobilière de Saint-Just, Rec. p. 713.

[6] TC, 17 juin 2013, M. Bergoend c/ Société Erdf Annecy Léman, n° 3911, à paraître au Recueil.

[7] Précis de droit administratif et de droit public général, 1903, 5e éd., p. IX.

Nota Bene : le présent ouvrage est diffusé par les Editions Lextenso. Vous pouvez donc vous le procurer directement auprès de notre diffuseur ou dans toutes les bonnes librairies (même virtuelles).

À propos de l’auteur

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