Relire le Précis de droit administratif de Louis Rolland (par le Dr. M. Meyer)

ParEditions L'Epitoge (Collectif l'Unité du Droit)

Relire le Précis de droit administratif de Louis Rolland (par le Dr. M. Meyer)

Voici la 33e publication offerte dans le cadre des 75 jours confinés des Editions L’Epitoge. Il s’agit d’un extrait du 4e livre de nos Editions dans la collection dite verte de la Revue Méditerranéenne de Droit public publiée depuis 2013.

L’extrait choisi est celui de l’article du Dr. Maxime Meyer présentant le précis de droit administratif de Louis Rolland.

Cet ouvrage est le quatrième issu de la collection
« Revue Méditerranéenne de Droit Public (RM-DP) ».

En voici les détails techniques ainsi qu’une présentation :

Volume IV :
Journées Louis Rolland
le Méditerranéen
dont Justice(s) constitutionnelle(s) en Méditerranée

Ouvrage collectif
(dir. Laboratoire Méditerranéen de Droit Public
Mathieu Touzeil-Divina & Anne Levade)

– Nombre de pages : 214
– Sortie : juillet 2016
– Prix : 39 €

ISBN / EAN : 979-10-92684-08-7 / 9791092684087

ISSN : 2268-9893

Mots-Clefs : Droit(s) comparé(s) – droit public – Justice(s) – Louis Rolland – droit administratif – droit colonial – Libertés – Constitution – constitutionnalisme – Méditerranée – Cours constitutionnelles – Pouvoir(s) – Laboratoire Méditerranéen de Droit Public

Présentation :

Le présent ouvrage est le fruit de deux journées d’étude(s) qui se sont déroulées au Mans (à l’Université du Maine) respectivement en mars 2014 et en mars 2015. Ces moments furent placés sous le patronyme et le patronage du publiciste Louis ROLLAND (1877-1956) né en Sarthe. Et, comme ce dernier – par sa carrière comme par sa doctrine – évolua auprès de plusieurs rives de la Méditerranée, le titre choisi pour ce quatrième numéro de la RMDP est – tout naturellement – : « Louis ROLLAND, le méditerranéen ».La première partie de la Revue reprend les principaux actes de la journée d’étude(s) de 2014 spécialement consacrée à l’œuvre (notamment à ses deux célèbres précis) et à la vie du juriste sarthois qui fut député du Maine-et-Loire mais également chargé de cours puis professeur à Alger, Nancy et Paris. La seconde partie de ce numéro propose ensuite des réflexions et des propositions relatives à « la » ou plutôt « aux » Justice(s) constitutionnelle(s) en Méditerranée.

Ont participé à ce numéro : les pr. BENDOUROU, CASSELLA, GUGLIELMI, HOURQUEBIE, IANNELLO, LEVADE, DE NANTEUIL & TOUZEIL-DIVINA ainsi que mesdames et messieurs ELSHOUD, GELBLAT, MEYER & PIERCHON. Y ont également participé plusieurs étudiants du Master II Juriste de Droit Public de l’Université du Maine (promotions 2014 & 2015).

Publication réalisée par le COLLECTIF L’UNITE DU DROIT avec le soutien du laboratoire juridique THEMIS-UM (EA 4333 ; Université du Maine).

Relire le Précis de droit administratif
de Louis Rolland

Maxime Meyer
Doctorant en droit public, Université du Maine (ed 88)
Laboratoire Themis-Um (ea 4333), Collectif L’Unité du Droit
Secrétaire du Laboratoire Méditerranéen de Droit Public

Une lecture utile ? Il pourrait y avoir quelques paradoxes à dépoussiérer et consacrer quelques lignes au Précis de droit administratif de Louis Rolland tant son existence n’est pas inconnue des universitaires et son sujet bien appréhendé, tant, encore, d’autres facettes de sa vie et aspects de son œuvre ont mérité et – en conséquence fait l’objet – d’amples enquêtes et explications[1]. Battu sur le terrain de la notoriété par ses illustres prédécesseurs administrativistes[2], dépassé par l’inexorable écoulement du temps, que pourrait-on encore apprendre en lisant cet ouvrage publié dans la collection des petits précis Dalloz et essentiellement conçu pour les étudiants ? Avant de jeter une lumière sur cet écrit de première importance, un rappel de ses origines et diverses éditions, ainsi que de sa place dans l’œuvre écrite de Louis Rolland ne paraît pas inconvenant.

Origines, éditions du Précis. Le Précis de droit administratif[3] tire son origine directe des notes de cours correspondant aux enseignements du Professeur Rolland dispensés d’abord à la Faculté de Droit de Nancy puis à celle de Paris. L’ouvrage connaîtra de multiples éditions – onze précisément, de 1926 à 1957 – sans compter la publication d’éditions mises à jour par le biais d’addenda évitant ainsi une refonte complète et parfois lourde[4]. La onzième et dernière édition du Précis est parue à titre posthume en 1957, l’année suivant la mort de son auteur, et a été permise grâce aux bons soins de MM. De Corail et Jeanneau et préfacée par le Professeur Rivero, qui a repris aux éditions Dalloz la charge de rédiger un précis de Droit administratif à partir de 1960[5].

Place du Précis dans l’œuvre de Rolland. Coexistent avec ce Précis de droit administratif, outre de nombreux articles et notamment des travaux relatifs aux droits internationaux et financiers, deux séries d’écrits majeurs que sont les répétitions écrites de ses cours de doctorat[6] et son Précis de législation coloniale devenu Précis de droit des pays d’outre-mer[7]en collaboration avec Pierre Lampué. Complément naturel de ces productions, le Précis de droit administratif, en ce qui concerne exclusivement cette matière, est l’ouvrage de base. D’abord, il est le premier ouvrage d’ensemble du Professeur sarthois. C’est grâce à sa nomination pérenne à la Faculté de droit de Paris qu’il lui a été permis de rédiger une telle synthèse. Ensuite, on peut dire qu’il est devenu une œuvre de maturité ; celle qu’il a constamment remise à jour jusqu’à sa disparition. Il est donc celui qui nous permet de saisir le mieux sa doctrine – la plus tardive – et sa conception d’ensemble du droit administratif.

Oubli relatif du Précis. Certes, le Précis constitue sans doute l’œuvre la plus connue du Professeur sarthois en ce que nombre d’administrativistes y ont recours, surtout s’agissant des études relatives au service public, où il est devenu classique de citer les « caractères communs à tous les services publics »[8], nationalement connus et enseignés sous le nom de « Lois de Rolland ». Pour autant, le Précis n’est pas cité systématiquement en tant qu’ouvrage de référence. Ainsi en va-t-il par exemple du récent Traité de droit administratif, paru aux éditions Dalloz, qui ne le mentionne pas en tant qu’ouvrage classique[9], ni dans la bibliographie particulière du chapitre consacré au service public[10]. Autre exemple, le bien connu traité du Professeur Chapus ne fait pas davantage place au Précis dans les éléments bibliographiques consacrés aux services publics[11]. On pourrait multiplier les exemples à l’envi ; la conclusion est la suivante : le Précis n’est pas passé à la postérité. La raison peut tenir aux caractères intrinsèques d’un précis, destiné avant tout à l’enseignement et qui n’a pas vocation à faire date dans la littérature scientifique, à l’inverse des grands traités et articles de fond, quoi qu’il ne s’agisse pas là d’une donnée générale[12]. Pour autant, la lecture du Précis ne laisse pas indifférent et ce, à raison tant de sa structuration formelle que de son contenu. Puisqu’il s’agit moins de traiter de la doctrine de Louis Rolland proprement dite – ce qui, du reste, à déjà été mené au moins du point de vue de la notion de service public[13] – que du Précis en lui-même[14], nous serons amenés à présenter d’abord les caractères pédagogique et transitionnel du livre (I), ensuite ses dimensions réellement doctrinale et théorique (II).

I. Une œuvre pédagogique et transitionnelle

Tradition et modernité. Le Précis appartient à un double courant. Il est à la fois traditionnel par ses développements qui, à partir des années 1950, semblent disparaître formellement des plans et constituaient des classiques dans les ouvrages de droit administratif depuis 1800 et moderne par son format – en ce sens qu’il est un ouvrage « de masse », destinée à la population estudiantine, essentiellement en licence. La force du Précis réside dans le fait qu’il combine à la fois un objectif premier d’être un outil d’enseignement du droit administratif (A) et la conservation d’une originalité propre jusqu’à ses dernières éditions (B) qui, d’une certaine manière, le rattache à la grande tradition des publicistes administrativistes.

A. Un livre formellement et avant tout consacré à l’enseignement

Les prétentions du Précis. Le Précis, par sa dénomination même ne poursuit pas l’exhaustivité qui est plutôt l’apanage des traités. L’auteur en convient volontiers puisqu’il précise en préface qu’il s’agit d’un « petit livre », « un tableau d’ensemble » brossé « de façon simple, très claire, et aussi très rapide »[15]. Humble, le professeur Rolland renvoie aisément aux ouvrages plus détaillés[16], mais ne renonce pas pour autant à une certaine forme d’exhaustivité. Aussi annonce-t-il que si l’ouvrage n’est pas le lieu de savantes constructions doctrinales, les controverses, doctrines, systèmes normatifs et jurisprudences feront systématiquement l’objet d’une description ou d’un jugement, fût-ce en quelques lignes[17]. La concision et l’excellence de ce Précis n’a pas manqué d’être relevées lors de la parution de ses multiples éditions. Ainsi la Revue du droit public a-t-elle pu signaler un « tableau d’ensemble, substantiel, mais bref, du droit administratif français »[18] et un « excellent petit précis pour les étudiants, mais très substantiel et résumant, en termes précis, les théories générales du droit administratif français »[19]. Ces commentaires ont évidemment une connotation plutôt dépréciative s’agissant, tout du moins, de l’intérêt scientifique du livre. Si le public visé est évidemment constitué majoritairement d’étudiants, Louis Rolland a souhaité toucher plus largement les citoyens[20]. Cette volonté se retrouve fréquemment exprimée dans les préfaces et avertissements des ouvrages de droit administratif, mais elle trouve une réalité visible dans ce Précis eu égard au caractère détaillé et directement utile pour les administrés des développements consacrés aux recours juridictionnels et non juridictionnels ainsi qu’aux grands services publics présentés en dernière partie. Plus tard et de façon plus méliorative, le Doyen Vedel mentionnera le Précis comme un « excellent traité » ayant marqué « la transition de l’avant-guerre à l’après-guerre »[21].

La multiplicité des sources. S’agissant de la méthode d’étude du droit administratif, l’auteur rappelle selon une méthode exégétique[22] que, outre la consultation et la connaissance des normes écrites (lois, règlement), une attention particulière doit être portée aux doctrines – et cite en ce sens la construction de la théorie des domaines publics et privés –, mais surtout à la jurisprudence[23]. Notamment, il milite pour une consultation sérieuse et minutieuse des décisions car dit-il « beaucoup d’erreurs proviennent d’une lecture superficielle ou incomplète »[24] de celles-ci. Pour aussi naturel que ce conseil puisse paraître, un tel rappel n’est pourtant pas suranné compte tenu de la massification croissante des ouvrages et revues pouvant laisser croire – du moins aux nouveaux étudiants – que l’on peut s’abstraire de se confronter directement aux décisions de justice au profit de résumés et commentaires facilement consultables.

La structure du droit administratif. En outre et formellement, l’ouvrage est construit selon une logique qui de prime abord peut paraître déroutante. Sans doute convient-il d’en donner l’aperçu avant de la commenter. Formellement, l’ouvrage se divise en cinq parties, précédées d’une introduction générale[25] essentiellement historique sur l’évolution du droit et du système administratifs depuis l’An VIII (1799). Surtout la matière du droit administratif et la notion de service public y font d’emblée l’objet de premières définitions. Sans anticiper davantage sur la suite des développements, précisons que Louis Rolland définit en première page le droit administratif comme « constitué par l’ensemble des règles relatives à l’organisation et au fonctionnement des services publics et aux rapports de ceux-ci avec les particuliers »[26]. De cette circonscription du domaine du droit administratif, il différencie nettement les droits constitutionnels – bien que ses données bibliographiques sommaires l’amènent à nuancer ce propos[27] – financiers et propres à l’organisation de l’appareil judiciaire, précisant que le droit administratif ne concerne que « les services publics […] constituant l’administration »[28]. La première partie est intitulée « la structure juridique de l’administration » et ce titre renseigne en réalité assez mal sur son contenu. Elle est toute entière centrée sur les services publics, ce que traduisait mieux l’intitulé retenu pour les premières éditions : « Théorie générale des services publics »[29]. L’auteur y aborde naturellement le service public et les diverses distinctions que la notion induit, mais aussi des éléments sur la personnalité morale de droit public. A l’intérieur de cette première partie, la « théorie générale de l’organisation et du fonctionnement des services publics »[30] comprend les développements relatifs à la séparation des autorités administratives et judiciaires, aux actes de l’administration (acte unilatéral et contrat) ainsi qu’à la théorie de la supériorité de la loi. La seconde moitié de cette partie est consacrée à l’étude des fonctionnaires, autres agents publics et travailleurs de droit privé que l’on retrouve au sein des services publics. Ensuite, la deuxième partie consiste en l’exposé classique des institutions administratives territoriales d’abord, centrales ensuite, avec place faite aux établissements publics et aux personnes morales de droit privé d’intérêt général. La troisième partie est consacrée à l’étude du contentieux administratif que l’auteur considère comme réglant les rapports de l’administration avec les administrés et qui constitue pour eux le moyen d’influer sur la marche, éventuellement défaillante, des services publics. La quatrième et avant dernière partie consiste en l’examen des « moyens d’action de l’administration », « grâce auxquels, dit l’auteur, la marche des services est assurée »[31]. Il s’agit d’aborder la police administrative et les diverses matières qui ressortissent aujourd’hui au droit administratif des biens (les domaines, les réquisitions de biens et les travaux publics). La cinquième partie, sous l’appellation générique « les mécanismes administratifs »[32] consiste en l’exposé de quelques grands services publics : l’enseignement classique (public et privé, supérieur, secondaire et primaire) et technique et agricole ; les transports ferroviaires et aériens marchands ; l’exploitation des mines et la fourniture de l’électricité. Il s’agit ici, d’une sélection opérée dans ce qu’il était classique d’appeler « les matières administratives »[33]. Le plan global de l’ouvrage, qui traduit la vision personnelle de Louis Rolland quant à l’objet du droit administratif, est globalement maintenu au fil des dix éditions. Les modestes mutations constatées – relatives surtout à l’intitulé de la première, à la disparition du service public de l’assistance au sein des « mécanismes administratifs » et à l’ajout du service des transports aériens marchands – ne traduisent pas, selon nous, une évolution de conception dans la matière, mais essentiellement des transformations sémantiques, d’aisance, ainsi qu’une conformation à l’évolution du droit positif. Il faut en conclure que le plan bâti en 1926, et a priori fondé sur le plan de ses cours aux Facultés de droit de Nancy et de Paris, a paru propre à donner une vision claire du droit administratif nonobstant ses transformations profondes durant le deuxième quart du XXe siècle. C’est dire que Louis Rolland était convaincu de son efficience et de sa complétude et que celles-ci se sont vérifiées à travers les âges. C’est précisément les dimensions du Précis – avons-nous dit essentiellement pédagogique – combinées à cette structure, hautement symbolique et chargée de convictions, qui le distinguent nettement des autres manuels concurrents et fondent ainsi, selon nous, son originalité et sa force.

B. Un livre original mêlant tradition et modernité

La transition littéraire. Afin de donner tout son relief à l’originalité du Précis de Louis Rolland, il importe de le replacer dans la littérature administrativiste de son temps et de relever qu’une transition s’opère entre deux âges : celui des traités exhaustifs et à la dimension doctrinale incontestable et celui des ouvrages qui, pour être complets et transmettre des idées fortes, sont bâtis selon un plan similaire et essentiellement neutre, voire descriptif. En schématisant, et donc de façon nécessairement grossière, on peut dire qu’avant la Seconde Guerre mondiale, la littérature consacrée au droit administratif est marquée par l’hégémonie de grands traités dont les dimensions dépassent largement celles du Précis de Louis Rolland. Ainsi en va-t-il des classiques Principes généraux du droit administratif[34]de Gaston Jèze ; du monumental Traité de droit constitutionnel de Léon Duguit et du Précis de droit administratif et de droit public de Maurice Hauriou[35]. Pour ne prendre que ces trois exemples parmi les plus célèbres, tous sont animés d’une coloration doctrinale forte et aisée à constater. Ainsi Gaston Jèze ouvre la deuxième édition de ses Principes en relevant qu’« aux dogmes périmés, la jurisprudence du Conseil d’Etat a substitué la notion fondamentale […] du service public. Ce n’est pas le moment de développer cette idée qui inspirera cet ouvrage tout entier. […] Le service public est, aujourd’hui, la pierre angulaire du Droit administratif français. Cette notion sert à remodeler toutes les institutions du droit public »[36] ; les tomes II et III de son grand ouvrage confirment, par leurs titre et plan, ce constat. Hauriou fait une place très nette à sa théorie de l’institution, et à l’idée de puissance publique – en contestant frontalement l’approche de « l’Ecole du service public »[37]. Plus tard, essentiellement après la guerre, nombre d’ouvrages de droit administratif vont perdre cette physionomie doctrinale et substituer à un exposé engagé, prescriptif, un plan plus descriptif consistant grosso modo, à présenter les différents pans de la matière comme autant de réponses à des questions simples : qui ? Les institutions administratives. Dans quel cadre ? Les sources. Par quels moyens ? Les actes, et plus tard, les biens et les fonctions publics. Dans quels buts ? La police administrative, le service public, l’interventionnisme et la régulation économique. Dans quelle limite ? La responsabilité administrative. Enfin, sous quel contrôle ? La juridiction et le contentieux administratif. La critique est facile : l’explosion normative et l’expansion des champs d’étude ont rendu difficile, voire infaisable, la recherche d’un « critère » du droit administratif et la subordination de tout le droit administratif à ce seul critère. Si cette recherche d’un critère unificateur n’a jamais disparu[38], elle s’est amenuisée et disparaît de la structure – évidemment jamais totalement du fond – des ouvrages destinés en premier lieu à l’apprentissage. Par exemple, le successeur précité de Louis Rolland aux éditions Dalloz, le Professeur Rivero, bâtit son ouvrage selon un plan beaucoup plus descriptif et neutre[39]. Louis Rolland perpétue une certaine tradition dans son ouvrage, rapproché dans sa forme, son volume et sa pédagogie, relevée supra, d’un ouvrage d’aujourd’hui. Cette perpétuation sera évoquée à travers le double prisme des « matières administratives » et de la recherche d’un critère essentiel au droit administratif.

La mise en avant des « matières administratives ». Etabli en cinquième et dernière partie d’ouvrage, ces « mécanismes administratifs particulièrement importants »[40] que sont dans l’ouvrage l’enseignement, les transports et l’énergie, sont ce que l’auteur appelle encore et qu’il était courant d’appeler les « matières administratives ». Définies par le Professeur Touzeil-Divina comme « rangées le plus souvent alphabétiquement, ces matières n’étaient autres qu’un découpage sectoriel et personnel – comme dans un code privé – de la législation administrative positive »[41], les « matières administratives » furent un procédé important et essentiel de diffusion du droit administratif dès les années 1800. Cette présentation du droit administratif sous forme de répertoire alphabétiquement organisé n’est pas restée sans critique notamment quant à l’induction d’un brouillage des grands principes et idées qui modèlent le droit administratif[42]. Cet écueil ne saurait être reproché à Louis Rolland qui place ces éléments en dernier lieu et qui donc sont précédés d’un exposé plus organisé prenant alors forme d’une excellente introduction. Evidemment, Louis Rolland n’aurait pu présenter toutes ces matières dans un cadre aussi réduit que le Précis. Un choix a donc dû être opéré[43]. Les services publics de l’assistance – initialement présenté dans les premières éditions et disparu par la suite – et de l’enseignement sont choisis car ce sont deux éléments forts de la pensée politique de Louis Rolland. L’assistance est en lien avec la vertu chrétienne de charité chère à Louis Rolland. Il en va de même de l’enseignement eu égard à son action politique au cours de son mandat de député. Les transports et les secteurs énergétiques sans doute, quant à eux, à raison de leur importance économique et sociale importante. Un autre élément qui maintient le Précis dans une certaine tradition est la recherche et la mise en avant d’un critère essentiel et structurant du droit administratif.

La recherche d’un critère essentiel. La structure du livre peut, notamment avec un regard actuel, dérouter. En effet, la structure employée par l’auteur conduit à disjoindre l’exposé d’éléments qui sont traditionnellement étudiés de conserve. Notamment, la théorie des actes administratifs est dissociée du droit des fonctions publiques et des biens publics alors qu’ils constituent ensemble les moyens d’action de l’administration : moyens juridiques pour les actes, en personnel pour le droit public du travail et en matériel avec le droit administratif des biens. De même, la police administrative est disjointe des services publics alors que la police est un service public. Il est vrai que police administrative et service public sont souvent, mais pas systématiquement, étudiés de manière séparée dans les ouvrages et cours de droit administratif. Il faut cependant insister, en souscrivant à l’opinion du Professeur Delvolvé, sur le fait que « la mission de maintien de l’ordre correspond elle-même à un service public : la police est un service public »[44] et qu’il « faut donc être conscient de ce rapprochement lorsqu’on envisage successivement la police et le service public »[45]. La cohérence du plan, inhabituel aujourd’hui, devient plus évidente. Au service public sont liées les institutions administratives en ce qu’elles décident de ce qui est ou n’est pas un service public. Ces institutions sont celles qui assurent les missions de service public et celles de droit public en conservent toujours la « direction stratégique »[46]. Le contentieux administratif est cette matière qui vient aider l’administré à faire face aux défaillances des services publics. Les moyens de l’administration, dont nous avons noté le morcellement dans l’ouvrage, sont ceux qui permettent la bonne marche des services publics. Les mécanismes administratifs décrivent, quant à eux, des manifestations des services publics, des illustrations, particulièrement importantes aux yeux de l’auteur. On observe aisément à la lecture du Précis que l’élément structurant réside dans la notion de service public. Ce faisant, Louis Rolland continuait d’ériger le service public en « pierre angulaire »[47] du droit administratif ce qui soutient indéniablement les dimensions doctrinale et théorique du Précis.

II. Une œuvre doctrinale et théorique

« Doctrine » et « théorie ». Selon une distinction un temps bien établie, mais aujourd’hui semble-t-il délaissée, il convient de distinguer entre l’écrit prescriptif – la « doctrine » –, qui consiste à donner une manière dont il faut voir les choses, et l’écrit descriptif – la « théorie » –, qui consiste à donner à voir les choses telles qu’elles sont[48], il est possible de rattacher aux deux notions le Précis de droit administratif de Louis Rolland. Doctrinal, l’ouvrage, par sa structure même, nous invite à concevoir le droit administratif selon un critère fort, comme le droit des services publics (A) ; conception qui ne saurait être maintenue qu’en raison d’une systématisation théorique de la jurisprudence de son temps effectuée par le Professeur parisien (B). Il s’est agi pour Louis Rolland de livrer une œuvre inductive, réaliste, – le droit administratif est droit des services publics à raison du réel – et non de déduire la teneur du droit administratif d’une hypothèse, politique ou autre.

A. La part doctrinale : un écrit engagé en faveur du service public

Un écrit juridiquement engagé. Outre sa structure même, le fond de l’ouvrage ne fait pas mentir l’avertissement de l’éditeur qui précisait que « malgré leur format réduit, ces [précis] ne sont pas des « mémentos », résumés secs et incolores […], mais bien de vrais manuels animés de l’esprit des cours oraux et développant idées générales qui vivifient l’enseignement ». En effet, le livre fourmille d’exemples matérialisant un réel questionnement sur le droit positif après son exposé. Ainsi, Louis Rolland se propose-t-il d’enseigner « la véritable nature de la personne morale »[49] ou de la notion de la règle de séparation des autorités administratives et judiciaires[50], prenant position dans un débat exposé auparavant en profondeur. Plus fréquemment encore, l’auteur questionne la « valeur » de distinctions, thèses ou critique à propos, notamment, de la distinction entre actes d’autorité et de gestion, des thèses régionalistes, des critiques dirigées contre l’institution des tribunaux administratifs, du système français de répartition des compétences juridictionnelles entre les deux ordres, des théories domaniales, etc. Ce faisant, Louis Rolland assume pleinement son rôle d’enseignant-chercheur, qui, en sus de son rôle de transmission des savoirs, analyse, critique et propose. Par ailleurs, certains développements font directement écho à son engagement politique. Ainsi en va-t-il de la liberté de conscience, du régime et de la police des cultes[51], ou encore des services publics de l’enseignement[52], thématique qu’il a pu approfondir et défendre durant son mandat de député[53].

La mise en avant du service public. Enfin, et surtout pour la science du droit public, c’est la mise en avant du service public qui contribue à la dimension doctrinale du Précis ainsi qu’on l’a déjà écrit supra. Pour Louis Rolland en effet, le droit administratif « est constitué par l’ensemble des règles relatives à l’organisation et au fonctionnement des services publics et aux rapports de ceux-ci avec les particuliers »[54] ; il « est essentiellement le droit des services publics »[55]. Ceci dit, quelle(s) conception(s) du service public Louis Rolland retenait-il ?

Organicisme et subjectivisme[56]. L’auteur adopte une conception à la fois organique et subjective de la notion de service public. Organique d’abord, la notion de service public est définie largement comme une « entreprise ou institution d’intérêt général qui, sous la haute direction des gouvernants, est destinée à donner satisfaction à des besoins collectifs du public »[57]. Trois points ressortent clairement de cette définition : 1°/ d’abord, l’idée que le service public n’est pas une notion abstraite, mais a, au contraire, une existence matérielle indéniable mêlant à des techniques juridiques des moyens humains et matériels, c’est-à-dire une « entreprise » visant « à obtenir un certain résultat »[58] ; 2°/ ensuite, l’idée que le service public doit correspondre à un intérêt général, tantôt désigné par Louis Rolland comme tel, tantôt en tant que « besoins collectifs », soit encore par l’expression aux accents thomistes[59] de « bien commun » ; 3°/ enfin, que les services publics dépendent toujours des gouvernants, donc d’une personne publique, critère fondamental et premier pour Rolland qui en fera en outre la première de ses « Lois »[60]. Le prisme organique est affirmé de manière plus claire encore lorsque Louis Rolland précise que « le plus simple [pour la construction d’un plan d’étude du droit administratif] paraît être de décrire d’abord la structure juridique de l’Administration, et pour cela d’étudier les règles générales d’organisation des services publics »[61]. L’auteur concède toutefois que l’on peut considérer le service public sous un autre angle qu’il appelle « matériel », aujourd’hui nous dirions fonctionnel. C’est dire que le service public est ici considéré du point de vue de l’activité en cause qui, dans tous les cas, est une activité d’intérêt général. Louis Rolland concède que la jurisprudence utilisait ce point de vue notamment pour caractériser l’existence d’entreprises privées d’intérêt général, c’est-à-dire, exerçant une activité d’intérêt général[62]. Mais selon lui, cette manière de faire est condamnable et contribue à noyer la notion de service public avec toute mission d’intérêt général qui ne serait pas exercée sous la direction effective d’une personne publique. Cette fidélité à une conception organique du service public n’était, du reste, partagée ni par Léon Duguit, ni par Gaston Jèze qui définissaient le service public en premier lieu comme une « activité »[63] ou un « procédé »[64], donc fonctionnellement. Roger Bonnard semble en revanche partager la conception organique dans son Précis de droit administratif[65]. Subjective ensuite, cette conception suppose, qu’il n’y a pas de service public « par nature », qu’est service public ce qui est décidé comme tel par la personne publique, ce que marque les expressions employées dans le Précis telles que « sous la haute direction des gouvernants » ou encore « tous les services publics […] relèvent d’une personne morale de droit public »[66]. Ainsi entendu, le subjectivisme est l’aboutissement naturel du primat organique dans la définition du service public. Nul objectivisme duguiste prescrivant l’obligation pour une personne publique de remplir une mission par contrainte, sous le poids de l’interdépendance sociale objectivement constatée et qu’il convient impérativement de réaliser[67]. Après Jèze, Rolland souscrit à l’idée selon laquelle les personnes publiques sont libres de décerner la qualité de service public à telle ou telle activités ainsi que les théories de « l’étiquette »[68], du « label »[69] ou encore du « post-it »[70] le formalisent. Cette posture doctrinale de mise en relief de la notion de service public est sous-tendue par un travail de systématisation dont nous allons donner trois exemples parmi les plus importants.

B. La part théorique : un essai réaliste de systématisation

Nécessité & matérialité des « Lois » du service public. La notion de service public, aux débuts du XXe siècle, avait une haute charge unificatrice en ce qu’il en découlait un triple lien entre le service public et la personne publique, le droit administratif et la compétence contentieuse de la juridiction administrative[71]. A partir des années 1920, ces liens sont rompus dans la mesure où l’émergence de la notion de spic[72] conduisait à l’application du droit privé, sous le contrôle éventuel du juge judiciaire ; et en 1938, avec l’arrêt Caisse Primaire « Aide et protection »[73], le juge administratif admettait qu’une personne privée puisse gérer directement un service public administratif. Devant ce morcellement, Louis Rolland proposait une adaptation contribuant à sauvegarder l’unité et l’utilité de la notion de service public : la formalisation de principes communs à tous les services publics d’une part et d’autre part l’acceptation et la valorisation des services publics industriels et commerciaux. C’est sans conteste la fulgurance intellectuelle de Louis Rolland la plus reconnue. Elle est passée à la postérité dans la doctrine administrativiste, mais force est de constater, encore une fois, que le Précis est trop rarement cité lorsqu’il est question des « Lois de Rolland ». Souvent enseignées au nombre de trois, il en existe en réalité quatre dont une seule est, au début, qualifiée de loi : c’est la loi de changement, dit aussi principe de mutabilité d’après lequel les « règles d’organisation et de fonctionnement [des services publics] peuvent toujours être modifiées à tout moment par l’autorité publique compétente »[74]. Les deux autres règles bien connues sont celles de continuité du service et d’égalité devant les services publics. Le quatrième principe commun à tous les services, « souvent négligé »[75] et qui est en réalité le plus important est la règle de rattachement selon laquelle tous les services publics sont placés sous la dépendance effective des personnes publiques auxquelles s’attachent des prérogatives exorbitantes. Cette règle, très rarement enseignée au titre des « Lois de Rolland », découlant pourtant directement de la définition organique du service public, n’est jamais démentie par le droit positif[76]. Le grand intérêt de ces « Lois », dégagées d’après la jurisprudence, est de conférer à la notion de service public une unité certaine[77].

Les deux visages du service public. Louis Rolland distingue – avec Roger Bonnard[78], ce à quoi Léon Duguit et Gaston Jèze refusaient de souscrire[79] – entre les services publics proprement dits et « les autres services publics » qui « sont, pour la plupart, des services à caractère industriel ou commercial »[80]. Tous les services sont soumis aux principes communs, les quatre lois précédemment citées. Les services publics proprement dits font l’objet de règles supplémentaires : le principe de continuité y joue de manière absolue, le personnel est essentiellement composé de fonctionnaires, les biens sont soumis un régime particulier, de même pour les deniers mobilisés, les actes bénéficient d’une certaine exorbitance, de même que la responsabilité et la compétence de principe est celle du juge administratif. Pour autant, l’Administration peut recourir au droit privé. Et les services publics à caractère industriel et commercial sont majoritairement soumis au droit privé. Si les règles de droit administratif ont pour bienfait de maintenir la marche régulière et continue du service, elles souffrent de trois inconvénients d’après l’auteur. Premier inconvénient, il est permis de redouter l’abus des prérogatives exorbitantes qu’offre le droit administratif. Deuxième inconvénient, ces règles sont complexes, lourdes et manquent parfois de souplesse. Troisième inconvénient, l’auteur écrit que « le régime spécial est susceptible d’entraîner pour les agents un certain laisser-aller ; il ne les pousse pas à avoir de l’initiative, dilue ou fait disparaître leur responsabilité »[81]. Louis Rolland souligne ainsi l’utilité du recours au service public industriel et commercial et au droit privé. Plutôt que de le rejeter, il l’accepte pour mieux révéler les contours protéiformes de la notion de service public, ce que Laurent Bézie traduit par une « le refus d’une conception monolithique des services publics »[82].

L’acceptation de la personnalité morale et ses conséquences. A la différence de Léon Duguit et Gaston Jèze, Louis Rolland rallie la théorie de la personnalité morale. C’est qu’elle lui paraît incontestable et surtout utile. Utile, car elle permet de mutualiser les patrimoines utiles à la réalisation d’une entreprise commune et surtout parce qu’elle constitue le support des services publics[83]. Incontestable car « réaliste » et aisément observable : rejetant dos à dos les théories de la fiction[84] et de la réalité des personnes morales[85], Louis Rolland explique dans un paragraphe lourdement intitulé « la véritable nature de la personne morale » que « la vérité [sic], c’est que la personne morale n’est ni un être fictif ni un être réel. Elle correspond à un procédé de pure technique juridique derrière lequel il y a des réalités très simples : des individus et un patrimoine affecté à un certain but autre qu’un but individuel ». De là découle notamment l’acceptation de la propriété publique à propos des dépendances du domaine public longtemps discutée en doctrine. Pour Rolland, « avec le criterium de la domanialité publique basé sur l’affectation, il n’y a aucune difficulté à parler d’un droit de propriété »[86]. Toujours réaliste, Louis Rolland concède qu’il ne s’agit pas d’une propriété identique à celle du Code civil, mais que l’idée est tout de même nécessaire pour concevoir le droit des personnes publiques d’exercer des actions possessoires en cas d’empiètement citant à l’appui la jurisprudence administrative[87]. Si Louis Rolland se détache ainsi et encore des pensées de Duguit et Jèze[88], c’est le fait d’une observation des réalités et d’arguments jurisprudentiels qui, ainsi systématisés, forment la théorie nécessaire au soutien de sa doctrine.

Une lecture salutaire. Nous espérons, au terme de cette brève présentation du Précis de droit administratif, avoir démontré tout l’intérêt et l’originalité de cet ouvrage qui, tout en garantissant son objectif premier de transmission des savoirs à un public néophyte, mêle avec habileté tradition et modernité, c’est-à-dire concrètement insère dans un format réduit et « grand public » une doctrine forte : le droit administratif est le droit des services publics. Cette vision qui a pu être décrite comme passéiste, à tout le moins dépassée, mérite, bien davantage qu’une telle critique que l’écoulement d’un demi-siècle peut valider, d’être saluée. Compte tenu de l’histoire et de la complexification considérable du droit administratif à la fin du XXe siècle et au XXIe siècle naissant[89], du délaissement saisissant de la recherche d’un « critère » du droit administratif, le Précis de Louis Rolland mérite relecture en tant qu’il est une belle invitation à poursuivre ce voyage désormais souvent esquivé. Surtout il nous rappelle que le droit administratif justifie son exorbitance, de plus en plus questionnée et discutée[90], par la notion de service public, « raison d’être de l’administration »[91] et donc du droit administratif.


[1] Voir dans cette même Revue, la contribution du Pr. Touzeil-Divina consacrée à la vie de Louis Rolland, et celle de M. Pierchon à propos de son Précis de droit colonial. Nous remercions ici le Professeur Touzeil-Divina pour nous avoir permis de développer oralement ces propos dans le cadre de la « Journée Louis Rolland » ainsi que pour ses relectures attentives et ses précieux conseils.

[2] On pense naturellement à Léon Duguit et Gaston Jèze et au phénomène dit de « l’Ecole de Bordeaux » ou du « service public » sur lesquels nous reviendrons infra.

[3] L’édition utilisée pour cette étude est la 10e, parue en 1951 aux éditions Dalloz, dernière de son vivant, et pour la suite de cette étude citée « Précis … » suivi du numéro de page.

[4] Plus précisément, 1re éd., 1926 ; 2e éd., 1928 ; 3e éd, 1930 ; 4e éd., 1932 ; 5e éd., 1934 ; 6e éd., 1937 ; 7e éd., 1938 ; 8e éd., 1943 ; 9e éd., 1947 (addendum en 1949) ; 10e éd., 1951 (avec addenda en 1953, 1954 et 1955).

[5] Rivero Jean, Droit administratif ; Paris, Dalloz, coll. « Précis » ; 1960 (réédition en 2011).

[6] Publiés aux éditions Les Cours de droit entre 1934 et 1946, hélas devenus introuvables.

[7] Nous renvoyons sur ces ouvrages au travail exhaustif, déjà cité, de M. Jean-Baptiste Pierchon : « Le Précis de législation coloniale de Louis Rolland et Pierre Lampue. Une nouvelle conception du droit colonial au cours de l’entre-deux-guerres ? » ; infra.

[8] Précis… ; p. 18.

[9] Gonod Pascale, Melleray Fabrice et Yolka Philippe (dir.), Traité de droit administratif ; Paris, Dalloz, coll. « Traités Dalloz » ; 2011 ; t. 1, p. XII et XIII.

[10]Ibid. ; t. 2, p. 111.

[11] Chapus René, Droit administratif général ; Paris, Montchrestien, coll. « Domat » ; 2001 (15e éd.) ; n° 775 : le Pr. Chapus écrit simplement, sans précisions particulières à propos des sources, que « ces principes, dont Louis Rolland a mis l’existence en lumière (d’où leur désignation fréquente de « lois de Rolland »), sont les principes de mutabilité, de continuité et d’égalité ».

[12] Il peut en ce sens relever de notables exceptions : ainsi dans la même collection, le Précis de droit constitutionnel devenu Institutions politiques et droit constitutionnel de Marcel Prélot ou encore celui de Droit administratif de Jean Rivero, et ce, sans préjudice des ouvrages qui, bien que titrés « précis », s’apparentent, par leurs dimension et profondeur, davantage à des traités, au titre desquels on trouve naturellement celui de Maurice Hauriou (Précis de droit administratif et de droit public ; Paris, Sirey ; 1933 (12e éd.).

[13] Bézie Laurent, Louis Rolland, théoricien du service public ; mémoire, Paris II ; 2003 et du même, « Louis Rolland : théoricien oublié du service public » in Rdp ; juillet 2006 ; p. 847 et s.

[14] Même si un recoupement certain des deux thèmes est inévitable.

[15] Précis … ; p. VII.

[16] Ainsi cite-t-il les ouvrages des Professeurs Hauriou et Berthélémy en préface de la deuxième édition de 1928.

[17] Précis … ; préface.

[18]Revue du droit public, Bulletin bibliographique ; 1928 ; p. 184 (à propos de la deuxième édition).

[19]Revue du droit public, Bulletin bibliographique ; 1929 ; p. 674 (à propos de la troisième édition). 

[20] « Nous songeons aussi au public des administrés. Tous nous sommes journellement en contact avec l’Administration. N’est-il pas nécessaire que nous puissions savoir, au moins sommairement, ce qu’est et ce que fait cette personne puissante que nous maudissons parfois, mais dont nous ne saurions nous passer ? » ; Précis … ; préface.

[21] Vedel Georges, Droit administratif ; Paris, Puf ; 1976 (6e éd.) ; p. 5.

[22] A propos de l’emphase sur le droit écrit et du droit constitutionnel, un étudiant de Louis Rolland, appelé plus tard à une grande carrière politique et universitaire rapportait que celui-ci « se demandait s’il n’avait pas été téméraire en affirmant que le droit constitutionnel français pouvait impliquer certains recours à la coutume » : Prélot Marcel, « Introduction à l’étude du droit constitutionnel » in Collectif, Introduction à l’étude du droit ; Paris, Rousseau ; 1953 ; t. 2, p. 103-104.

[23] Précis … ; p. 11.

[24] Ibid. ; p. 12.

[25] Dont la teneur est la suivante : « Introduction : notions générales sur le droit administratif français / première partie : la structure juridique de l’administration / deuxième partie : l’organisation administrative française / troisième partie : les tribunaux administratifs et les recours / quatrième partie : les moyens d’action de l’administration / cinquième partie : les mécanismes administratifs ».

[26] Précis … ; p. 1.

[27] Ibid. ; p. 11-12.

[28] Ibid. ; p. 1.

[29] Voir Précis … ; 1928 (2e éd.). L’appellation est maintenue au moins jusqu’à la 7e édition de 1938.

[30] Précis … ; p. 39.

[31] Ibid. ; p. 395.

[32] Ibid. ; p. 572.

[33] Sur lesquelles nous reviendrons infra en ce qu’elle constitue une certaine originalité.

[34] Jèze Gaston, Les principes généraux du droit administratif ; Paris, Dalloz ; 2004-2011 ; 3 tomes (réédition de la troisième édition).

[35] Hauriou Maurice, Précis de droit administratif et de droit public ; Paris, Dalloz ; 2002 (rééd., Paris, Sirey ; 1933, 12e éd.).

[36] Jèze Gaston, op. cit. ; t. 1 ; p. XV.

[37] Hauriou Maurice, op. cit. ; p. X et s.

[38] En attestent notamment les célèbres études telles que celles des Professeurs Chapus (« Le service public et la puissance publique » in Rdp ; 1968 ; p. 235 et s.) et Delvolvé (« Service public et libertés publiques » in Rdfa ; 1985 ; p. 1 et s.) ainsi que les réactions par elles suscitées.

[39] Dont la teneur est la suivante (v. Rivero Jean, op. cit.) : Introduction générale ; première partie : Les données juridiques fondamentales de l’action administrative (Théorie générale des personnes publiques ; la règle de droit ; les actes de l’administration ; la juridiction administrative ; la responsabilité administrative) ; deuxième partie : L’organisation administrative (Principes généraux ; l’administration d’Etat ; les collectivités décentralisées ; les agents publics) ; troisième partie : Les formes de l’action administrative (les activités administratives ; les organes de gestion des activités de l’administration) ; quatrième partie : Les moyens matériels de l’action administrative : les patrimoines administratifs.

[40] Précis … ; p. 13.

[41] Touzeil-Divina Mathieu, La doctrine publiciste ; Paris, La Mémoire du Droit ; 2009 ; p. 46.

[42] Ibid. ; p. 48 : voir la citation de Théophile Ducrocq.

[43] « Il ne saurait être question d’aborder, dans sa totalité, pareille étude. Elle déborderait de beaucoup le cadre de ce précis. Toutefois, certaines de ces entreprises ont, dans notre vie publique, une grande importance ou présentent des aspects juridiques particuliers » : v. Précis … ; p. 571.

[44] Delvolvé Pierre, Droit administratif ; Paris, Dalloz, coll. « Connaissance du droit » ; 2010 (5e éd.) ; p. 38.

[45] Ibidem.

[46] Guglielmi Gilles J. et Koubi Geneviève, Droit du service public ; Paris, Montchrestien, coll. « Domat » ; 2011 (3 éd.) ; n° 625.

[47] L’expression bien connue est de Gaston Jèze.

[48] Sur les nécessités d’une telle distinction et sa relativisation, nous nous référons à Chevallier Jean-Jacques, La jeune politique grecque. Cours d’histoire des idées politiques (doctorat) ; Paris, Les Cours de Droit ; 1956-1957 ; p. 4-9. Sur sa fécondité v. Prélot Marcel, Histoire des idées politiques ; Paris, Dalloz, coll. « Précis » ; 1970 (4e éd.) ; n° 1.

[49] Cf. infra.

[50] Précis… ; p. 41 : séparation à laquelle Louis Rolland souscrit pleinement.

[51] Ibid … ; p. 414 et s.

[52] Ibid. ; p. 572 et s.

[53] « Il […] rompt des lances pour la liberté de l’enseignement, réalisée non seulement en théorie mais aussi en pratique grâce à une politique de subventions équitables. […] Il s’occupe activement des questions qui lui tiennent particulièrement à cœur : statut des congrégations, réforme de l’enseignement, aménagement des baux ruraux ». Voir sur le site de l’Assemblée nationale :

http://www.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche.asp?num_dept=6065

[54] Précis … ; p. 1.

[55] Ibid. ; p. 15.

[56] Nous ne reviendrons pas longuement sur ces caractères qui, pour composer une part doctrinale importante du Précis, ont déjà été mis en relief par Laurent Bézie dans son article précité : « Louis Rolland : théoricien oublié du service public ». Nous n’en donnerons donc qu’une vue générale et brève.

[57] Précis … ; p. 1 et 2.

[58] Ibid. ; p. 2. L’idée théorique duguiste de limitation de l’Etat et de fondation du droit public par la notion de service public apparaît donc absente de la doctrine de Louis Rolland.

[59] Par ailleurs conformes à son engagement personnel et politique sur les voies de la démocratie chrétienne.

[60] Cf. infra.

[61] Précis … ; p. 13.

[62] Précis … ; p. 16.

[63] Duguit Léon, Traité de droit constitutionnel ; Paris, Boccard ; 1928 (2e éd.) ; t. 2, p. 61 : pour le Doyen Duguit, le service public est « toute activité dont l’accomplissement doit être assuré, réglé et contrôlé par les gouvernants, parce que l’accomplissement de cette activité est indispensable à la réalisation et au développement de l’interdépendance sociale, et qu’elle est de telle nature qu’elle ne peut être réalisée complètement que par l’intervention de la force gouvernante. »

[64] Jèze Gaston, « Théâtres nationaux, services publics » in Rdp ; 1923 ; p. 561 : « Pour ma part, je persiste à croire que le service public est un procédé juridique qui peut être appliqué pour la satisfaction d’un besoin d’intérêt général, quel qu’il soit ».

[65] Bonnard Roger, Précis de droit administratif ; Paris, Lgdj ; 1943 (4e éd.) ; p. 49 : « Les services publics sont les organisations qui forment la structure même de l’Etat ».

[66] Précis … ; p. 16.

[67] Duguit Léon, Traité de droit constitutionnel ; op. cit. ; p. 60.

[68] Waline Marcel, Manuel élémentaire de droit administratif ; Paris, Sirey ; 1939 (2e éd.) ; p. 64.

[69] Truchet Didier, «Nouvelles d’un illustre vieillard, label de service public et statut de service public » in Ajda ; 1982 ; p. 427 et s.

[70] Touzeil-Divina Mathieu, « Laïcité latitudinaire » in Recueil Dalloz ; 2011 ; p. 2375 et s.

[71] Droit du service public ; op. cit. ; n° 129. Voir aussi, Dictionnaire de droit administratif ; Paris, Sirey ; 2011 (6e éd.) ; entrée « Service public ».

[72] Deux décisions fondatrices étant : CE, 23 décembre 1921, Société générale d’armement et TC, 11 juillet 1933, Dame Mélinette. On lira à propos de l’idée – fausse sinon très discutable – selon laquelle la décision du Tribunal des conflits du 22 janvier 1921 et dite « Bac d’Eloka » constitue l’acte de naissance du spic, Touzeil-Divina Mathieu, « Eloka : sa colonie, son wharf, son mythe … mais pas de service public ? » in Kodjo-Grandvaux Séverine et Koubi Geneviève (dir.), Droit & colonisation ; Bruxelles, Bruylant ; 2005 ; p. 309 et s.

[73] CE, 13 mai 1938, Caisse Primaire « Aide et protection » ; Rec. Lebon , p. 417

[74] Précis … ; p. 18.

[75] Bézie Laurent, art. préc.

[76] Ainsi en va-t-il avec le « grand arrêt » APREI (CE, Sect., 22 février 2007, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés, req. n° 264541) qui confirme la haute nécessité de déceler la présence d’une personne publique pour retenir la qualification de service public.

[77] Et ce à rebours des traditions méthodologiques qui supportent mal l’inclusion d’éléments relatifs au régime juridique dans la définition d’un objet puisque c’est ladite définition qui, retenue comme qualification juridique, est censée déclencher l’application de tel ou tel régime juridique. L’unité de la notion semble se payer au prix d’une tautologie…

[78] Bonnard Roger, Précis de droit administratif ; op. cit. ; p. 46.

[79] Pour Duguit, v. Traité de droit constitutionnel ; op. cit. ; p. 80.

[80] Précis … ; p. 19 et s.

[81] Ibid. ; p. 22.

[82] Bézie Laurent, art. préc.

[83] Précis … ; p. 30.

[84] Ibid. ; p. 31 : « Cette théorie longtemps dominante est indéfendable. Comment une fiction légale peut-elle avoir une volonté propre ? Comment peut-on parler de représentation de sa volonté ? Comment appliquer la théorie à l’Etat, qui ne saurait être créé par la loi, celle-ci n’étant qu’une manifestation de sa volonté ? Comment admettre l’idée d’une volonté souveraine de l’Etat ».

[85] Ibid. ; « Ces théories ne sont pas non plus fort défendables. Elles s’appuient sur des affirmations dont l’exactitude est impossible à démontrer. Appliquées à l’Etat, elles conduisent à en faire un être par nature supérieur aux autres, dont la volonté crée le droit et n’est limitée que par les barrières qu’elle se pose à elle-même ».

[86] Ibid. ; p. 454.

[87] En l’occurrence : CE, 17 juin 1923, Ministre des Travaux publics, Rec. 1923, p. 44.

[88] Leur rejet de la propriété publique est directement lié à leur rejet de la personnalité morale. En effet, c’est à cette personnalité morale que sont rattachées la titulature de droits subjectifs, l’existence d’un patrimoine et donc, conséquemment, la faculté d’être propriétaire. Aussi pour Duguit, il n’est pas question de propriété mais d’affectation au service public. Chez Jèze, l’opposition à la thèse propriétariste apparaît à la fois clairement dans son refus de reconnaître la théorie de la personnalité morale et dans son refus de la transposition des notions civilistes au droit administratif, selon un « réflexe autonomiste ». Voir sur ces points Gaudemet Yves, Traité de droit administratif : Tome 2, Droit administratif des biens ; Paris, Lgdj ; 2011 (14e éd.) ; p. 13 et s.

[89] Notamment au travers de l’internationalisation et l’européanisation du droit administratif, et des effets plus généraux de la globalisation à son égard. Voir par ex., Cananea Giacinto (della), « Grands systèmes de droit administratif et globalisation du droit » in Traité de droit administratif ; op. cit. ; t. 1, p. 773 et s.

[90] Melleray Fabrice (dir.), L’exorbitance du droit administratif en question(s) ; Poitiers, Lgdj ; 2004.

[91] Chapus René, Droit administratif général ; op. cit. ; t. I, n° 742.

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